Chapitre 5 : Aaron

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Je suis en train de discuter avec une volleyeuse canadienne. Enfin, discuter est un bien grand mot, car depuis un quart d'heure c'est elle qui est lancée dans une véritable crise de logorrhée.

Je n'ai toujours pas compris pourquoi Tom me l'a mise dans les pattes juste après être arrivés. Lorsqu'il me l'a présentée, j'ai cru qu'elle allait tomber dans les pommes. J'ai beau être habitué à avoir des réactions exagérées de la part de certaines filles, c'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre.

Alors qu'elle me raconte quelque chose au sujet de son chat, ou bien est-ce de son chien ? J'entends un cri d'effroi sur ma gauche, suivi d'un silence presque complet dans la pièce. Tous les regards convergent vers le même point, et certains curieux sont d'ailleurs en train de se rapprocher. C'est alors que je la vois. La fille aux yeux d'or que j'ai remarqué en arrivant tout à l'heure. Elle semble figée, et son visage s'est vidé de toute couleur. Face à elle, une gamine qui ne doit même pas être majeure est en train de s'excuser dans un anglais approximatif. Ça doit être une gymnaste, petite et menue comme elle l'est. Ces filles passent tellement d'heures à s'entraîner que lorsqu'elles se retrouvent aux jeux avec un semblant de liberté, certaines sont tentées de faire n'importe quoi. Prenez une ado qui n'a jamais eu le temps ni l'occasion de faire des bêtises de son âge, et catapultez là au milieu d'une fête où l'alcool est à portée de main, et vous obtiendrez ce qui est justement arrivé. Elle vient de rendre tous ses excès de boissons, et son dernier repas sur la pauvre brunette qui semble avoir envie d'être engloutie par le sol pour ne plus être le centre de l'attention. Une grande black se précipite vers elle avec des serviettes en papier.

— Ne bouge pas Jess ! Je vais t'aider ! lui lance-t-elle.

Jess ? Pour Jessie ? Jessica ?

Les conversations autour de nous ont repris, et la plupart des gens ont déjà oublié l'incident qui s'est produit à seulement quelques mètres d'eux. Mis à part quelques pimbêches en train de commenter d'un « c'est dégoûtant » ou « ça me donne la nausée ».

Sans réaliser ce que je fais, j'abandonne la rouquine pour me diriger vers la fameuse Jess. Sa copine est en train de s'affairer sur elle, tout en essayant de la réconforter. Je ne sais pas si elle l'écoute. Elle a les yeux fermés, tout comme ses poings. Lorsqu'elle les rouvre, son regard se retrouve directement plongé dans le mien. Comme si elle avait senti que j'étais là, face à elle. J'y vois de la surprise, puis autre chose. De l'intérêt ? Puis de la gêne. Elle vient certainement de réaliser qu'elle se trouve dans une situation délicate.

— Je peux vous aider ?

Ma question me surprend moi-même. Je ne suis pas ce qu'on appelle un bon samaritain. J'aurais fait normalement partie de la grande masse silencieuse, qui a repris le cours de ses activités comme si de rien n'était. Mais le regard de cette fille me fascine. Pourquoi ? Je n'en ai foutrement aucune idée. Peut-être à cause de sa couleur ambrée que je n'ai jamais vu ailleurs. Mais au fond de moi, je sais que ce n'est pas ça. Des filles avec de jolis yeux il y en a plein les rues. Il y a autre chose qui m'attire vers cette fille. Mais quoi ? Voilà que je me comporte comme un débile dans un film à l'eau de rose qui croit être fasciné par une nana alors qu'il ne sait ni qui elle est ni d'où elle vient.

— Je vais me débrouiller merci, répond-elle sèchement.

Je ne bouge cependant pas d'un millimètre. Ses yeux me lancent des éclairs, m'intimant de déguerpir au plus vite. Un gars à l'accent espagnol ou italien vient de rapporter à la copine de Jess d'autres serviettes.

— Jess, il faut que tu ailles dans une salle de bains, on n'y arrivera jamais comme ça.

Elle ferme les yeux et prends une grande respiration. Je propose alors :

— Je loge à l'étage juste au-dessus, venez dans notre appartement, ce sera beaucoup plus facile, ici il y a un monde fou.

- Ce serait super ! me répond la copine. Vient Jess, on va finir de te débarbouiller.

— Laisse tomber Shirley. Je vais retourner à notre appartement. J'en ai pour même pas cinq minutes. Je prendrai une douche là bas. Je voulais rentrer de toute façon. Reste ici et amuse-toi.

La fameuse Shirley la regarde d'un air dubitatif. Je sens que d'un côté elle a envie d'aider son amie, mais que de l'autre, elle aimerait profiter un peu plus de la soirée, et surtout du grand brun qui la colle comme une sangsue.

— Je t'assure Shirley, il ne m'arrivera rien. On est dans le village olympique pas à Brixton.

— Je vais la raccompagner, dis-je sur un ton ne laissant aucun espace au refus.

Shirley écarquille les yeux puis me sourit d'un air entendu. Jess quant à elle me regarde comme une bête curieuse et je peux la comprendre. Moi-même je ne saisis pas ce qui m'arrive. Et à sa place je flipperais si un mec que je ne connais pas proposait de me raccompagner chez moi. Quand bien même il serait un athlète un peu connu, présent aux Jeux olympiques comme moi.

Sa copine s'éclipse en lui faisant un clin d'œil, et je serais presque indigné qu'elle abandonne si facilement son amie, mais cela me laisse l'opportunité d'en apprendre un peu plus sur Jess.

Elle se dirige vers la sortie comme si elle voulait s'échapper le plus vite possible. Je la rattrape au moment où elle s'engage dans le couloir et prend sa main dans la mienne. Elle stoppe net et m'interroge du regard comme pour me demander sous quelle drogue je suis pour vouloir aider une fille recouverte de vomi.

— Viens chez moi. Juste le temps de te rafraîchir un peu. Je ne vais pas te manger ni te faire de mal. Je veux seulement t'aider. Ensuite tu pourras aller chez toi, lui dis-je d'une voix douce pour ne pas l'effrayer davantage.

— Tu devrais retourner à la fête, c'est bien plus sympa que de s'occuper d'une fille qui pue à 3 kilomètres à la ronde, répond-elle sans même me regarder.

— Cette fête n'a aucun intérêt.

Je la tire en direction des escaliers. Il n'y a qu'un seul étage, cela ne sert à rien d'attendre l'ascenseur. Je n'ai pas lâché sa main. Elle semble si petite dans la mienne, et surtout si douce. Nous montons les marches, et parcourons le couloir sans un mot. Je sais qu'elle est gênée. Qui ne le serait pas à sa place ? Mais je ne veux pas qu'elle se sente mal à l'aise avec moi.

Je plonge la main dans la poche arrière de mon jean pour en sortir la carte permettant de déverrouiller la porte. J'ouvre celle-ci en grand, et je m'efface pour la laisser entrer.

Sur la ligne : une romance olympiqueTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon