Chapitre 20 : Jessica

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La matinée a été éprouvante. Le coach Wilder ne nous a pas ménagées. Nous avons enchaîné les tours de piste à un rythme infernal. La chaleur du Brésil est suffocante. Ce n'est pas ma première compétition internationale dans un pays tropical, mais c'est la première fois que je souffre autant. Le décalage horaire n'arrange rien, je n'ai pas totalement récupéré, je pense.

Mais le véritable problème est que je n'ai pas vraiment l'esprit à ce que je fais. Je repasse les images de ma soirée avec Aaron en boucle. Et malheureusement la fin de celle-ci, avec l'apparition de Dean également. Je me sens plus légère à l'idée de lui avoir parlé. Mais je ne suis pas sûre qu'il ait compris le message.

À la fin de l'entrainement, je récupère mon téléphone. J'ai 3 appels en absence. Ma mère, et deux de Dean. Aucun d'Aaron. Je le revois tourner les talons et m'abandonner dans ce couloir. Je ne peux pas lui en vouloir, qu'aurais-je fait à sa place ? Je ne sais pas comment faire. Dois-je l'appeler ? Je me vois mal lui téléphoner et lui annoncer : « Ça y est j'ai envoyé bouler Dean, la voie est libre ». J'ai peur qu'il m'en veuille pour hier soir. En même temps, je ne lui ai jamais caché que la situation était compliquée avec mon ex.

Je décide qu'il faut que je lui parle. Mais pas au téléphone. Malheureusement, je sais que je ne le verrai pas aujourd'hui. Je me rends donc à ma séance de rééducation pour ma cheville.

Katy m'accueille avec un large sourire. Sachant ce qui m'attend pour l'heure qui arrive, je n'ai pas vraiment envie de sourire.

— Allez, Jess, monte là-dessus, m'ordonne-t-elle. Et réjouis-toi un peu !

— Me réjouir de quoi ? Du fait que tu vas me torturer pour les prochaines soixante minutes ? bougonné-je.

— Oula quelqu'un s'est levé du pied gauche ce matin ! Mais bon, comme je t'aime bien, je vais quand même te montrer pourquoi nous sommes des petites privilégiées toi et moi aujourd'hui.

Je fronce les sourcils, je ne comprends pas. Elle s'approche d'un côté de la salle, et remonte un store derrière lequel se cache une vitre qui donne sur la salle de gym attenante.

— Regarde la vue ! Une série de beaux gosses qui s'entrainent rien que pour nous ! Et le mieux dans tout ça c'est qu'ils ne nous voient même pas les mater ! La vitre est sans teint.

— Pourquoi le store alors ?

— J'en sais rien, pour qu'on puisse le fermer lorsque l'on a besoin de se concentrer, dit-elle en haussant les épaules.

Je jette un coup d'œil rapide aux athlètes qui s'entrainent. Mais mon regard est accroché par une silhouette qui se détache des autres, et qui m'est depuis quelques jours de plus en plus familière. Aaron est là. Sur un banc de musculation, il actionne deux grands bras mécaniques, contractant les muscles de ses bras et de ses pectoraux à chaque mouvement. Son air semble préoccupé, certainement est-il concentré sur sa tâche. Son t-shirt blanc lui colle délicieusement à la peau, et pendant quelques secondes je perds toute pensée cohérente.

— Whou ouh ! Jess ! Allo la terre ! Concentre-toi sinon je vais devoir rabaisser le store et ce serait vraiment dommage.

Je bafouille une excuse et me focalise sur Katy quelques instants. Mais je suis incapable de ne pas tourner la tête toutes les trente secondes. J'ai pensé à lui toute la journée, cherchant à quel moment je pourrais aller lui parler. Et maintenant, il est là, à quelques mètres seulement, mais je peux seulement l'observer. Lui ne peut même pas me voir. Pense-t-il à moi ?

Katy discute sans cesse. Je lui réponds en hochant la tête ne sachant pas toujours de quoi elle me parle.

Peut-être aurai-je l'occasion de rejoindre Aaron après ma séance. Je ne m'imagine pas lui parler au milieu d'une salle de gym, entre un rameur et un tapis de course, mais après tout cela fera l'affaire.

— Eh oh ! La sprinteuse arrête de bouger un peu. Comment veux-tu que je refasse ton bandage dans ces conditions.

Elle coupe la bande avec de petits ciseaux et accroche le bout avec un morceau de sparadrap.

— Alors dit-moi, enchaine-t-elle. C'est lequel de ces beaux gosses que tu es en train de mater ?

— Aucun, mens-je.

— Hum hum, ne me prends pas pour une idiote Winter. J'ai bien vu que tu zieutes quelqu'un depuis tout à l'heure. Pour regarder si souvent, c'est que tu ne fais pas seulement un check rapide de la marchandise, tu as jeté ton dévolu sur quelqu'un.

Elle relève la tête de son travail pour jeter un œil à la salle de gym.

— Laisse-moi deviner, c'est un des handballeurs français ? Non, je sais ! C'est le nageur américain ! Aaron Baxter !

Je rougis légèrement.

— C'est ça ! En plein dans le mille ! Au passage, tu es trop mignonne quand tu rougis. Alors comme ça tu as un coup de cœur pour le nageur multimédaillé ? Remarque je te comprends, il est sacrément sexy. Dommage pour nous qu'il soit un adepte des blondes décérébrées à forte poitrine. Ça nous met tout de suite toutes les deux hors compétition.

J'ouvre la bouche pour protester, mais je la referme immédiatement. Ce n'est pas le moment que j'attire l'attention de Katy sur Aaron et moi. Enfin existe-t-il un Aaron et moi ?

Sa réflexion au sujet du physique des précédentes conquêtes d'Aaron me renvoie dans mes insécurités. Je ne corresponds définitivement pas à son type de filles. Quoi que, en est-on consciente quand on fait partie des décérébrées ? En fait je ne sais pas ce qu'il me trouve.

Je regarde à nouveau dans la direction d'Aaron, il a quitté son poste. Je scrute la salle, et je le l'aperçois nulle part. J'ai envie de me lever et de planter Katy là, mais ce ne serait pas correct, et il faut vraiment que je chouchoute ma cheville. Je suis déçue et j'espère que je pourrais le retrouver à la fin de ma séance.

Malheureusement lorsque Katy me libère, j'ai beau chercher dans tous les recoins. Aaron a bel et bien disparu.

***

Je suis rentrée à l'appartement depuis quelques minutes déjà. Je suis affalée sur le canapé regardant je ne sais quelle émission de télé-réalité. En vérité j'essaye surtout d'échapper aux piaillements enthousiastes d'Emily et Jemima. La première se prépare pour la soirée des portes-drapeaux, et la seconde lui sert de... groupie ? Elle ne cesse de lui répéter qu'elle est magnifique, que sa robe lui va à ravir, etc...

Elle a raison cependant, Emily est vraiment très belle. Elle porte une robe bustier noire longue, fendue sur tout un côté laissant apparaître le galbe parfait de sa jambe. Ses cheveux blonds sont lissés et brillent tellement qu'on dirait qu'ils scintillent. Sa peau de pêche est légèrement hâlée grâce à nos entrainements en plein air. Bref, elle est sublime.

Elle serait parfaite pour Aaron.

Je m'interdis d'y penser, même si je sais au fond de moi qu'ils vont se croiser à la soirée. Je ne dois pas songer à cela. En fait, je suis jalouse, car elle aura tout loisir d'aller lui parler, alors que je suis coincée à l'appartement à regarder une émission pourrie.

— Tu vas faire des ravages ! s'exclame Jemima. Tu peux être sûre que tu ne rentreras pas seule !

— Je sais, je sais, répond Emily sûre d'elle.

— Tu as jeté ton dévolu sur qui ? J'ai vu que le porte-drapeau argentin est pas mal du tout. Brun avec des grands yeux noisette.

— J'ai une préférence pour les blonds aux yeux verts, et si possible avec un beau palmarès.

Elle détache chaque syllabe avec application. À mon avis, elle fait en sorte que je ne perde pas une miette de sa conversation.

— Quasiment tous les porte-drapeaux sont médaillés, constate Jemima.

— Oui, mais certains, plus que d'autres. En général, je vise toujours l'excellence. Et pour des hommes d'exception, il faut des femmes d'exception. Pour tout avouer, j'ai déjà une cible en vue. Et pour lui je n'aurais pas peur de mouiller le maillot, si tu vois ce que je veux dire.

Elles gloussent toutes deux de leur allusion débile. Je préfère pour ma part me retrancher dans ma chambre. Je claque la porte un peu plus fort que je ne l'aurais voulu.

Sur la ligne : une romance olympiqueWhere stories live. Discover now