Sur la ligne : une romance olympique

Chapitre 31 : Aaron

- Aaron, que s'est il passé aux championnats du monde ?

La petite bulle de bonheur dans laquelle je me trouvais jusqu'à présent éclate soudainement. Jessica est assise entre mes jambes, et je sens que mon corps se raidit autour d'elle. Je me doutais bien que j'allais devoir aborder la question avec elle, mais je pensais que nous aurions un peu plus de temps. 

Je suis fatigué que cette histoire revienne sans cesse sur le tapis. Que ce soit les journalistes, mon entourage, les autres sportifs, tout le monde se pose des questions à ce sujet. Certains m'en parlent directement, d'autres se contentent de me scruter bizarrement quant aux derniers ils m'ont jugé sans même entendre ma version des faits. Moi je veux seulement qu'on arrête de me parler tout ça. Je n'ai rien fait de répréhensible, et je suis sûr de moi. 

- Aaron ? 

J'ai du rester silencieux un peu trop longtemps. Jess se lève et s'assoit à côté de moi. Le fait qu'elle quitte mon étreinte ne me plaît pas trop, mais c'est peut-être mieux ainsi. 

Je saisis sa main, j'ai besoin de garder le contact avec elle. Elle se laisse faire. Sa main est si petite comparée à la mienne, sa peau est délicate et pâle et contraste avec mon teint hâlé. 

Je prends une grande respiration et je me lance :

- J'ai rencontré une nageuse il y a un peu plus d'un an. Elle s'appelle Sarah, elle est canadienne. C'était à une soirée environ deux mois avant les championnats du monde de natation qui se sont déroulés en Russie. 

Jessica ne me quitte pas des yeux, son regard est bienveillant et m'encourage à continuer. Pourtant j'ai presque honte de lui avouer la suite. C'est une première pour moi, je n'ai jamais caché le fait que je suis un joueur, un homme à femmes, mais là je me sens mal à l'aise. 

- Nous avons passé un peu de bon temps ensemble, si tu vois ce que je peux dire...

Je la vois grimacer légèrement. Je continue :

- J'ai repris le cours de ma vie, et elle de la sienne je suppose. Puis au bout de quelques jours, elle s'est mise à m'appeler. Les premières fois j'ai répondu, elle voulait de mes nouvelles, ce genre de choses. C'était une gentille fille, je ne lui ai jamais rien promis, je ne voulais pas spécialement m'en faire une amie, mais je savais que je serai emmené à la revoir, autant garder des relations cordiales. Puis ses coups de fil ont commencé à s'intensifier, ça en devenait presque du harcèlement, elle me posait plein de questions, me demandait où j'étais, avec qui. Je ne lui devais rien, ce qui fait qu'à un moment j'ai arrêté de prendre ses appels. Elle me laissait des messages, parfois même en pleurs et puis un jour, elle n'a plus appelé du tout. 

- Qu'est ce qu'il s'est passé ensuite ? Et quel rapport avec les championnats du monde ? demande Jess. 

- Les championnats sont arrivés, elle devait y participer, mais le jour de l'ouverture on a appris qu'elle ne viendrait pas. 

- Pourquoi ? 

Je déglutis et m'apprête à lancer ma bombe :

- Elle a annoncé qu'elle renonçait aux championnats parce qu'elle était enceinte. 

Je vois qu'il n'a fallut qu'une seconde à Jess pour comprendre la suite. Toute couleur disparaît de son visage. Elle retire sa main de la mienne. Je ne peux pas lui en vouloir, mais ça me blesse plus que je ne le voudrais. 

- Tu es le père de son enfant ? dit-elle d'une voix blanche. 

- C'est ce qu'elle a déclaré en conférence de presse quand elle a annoncé qu'elle ne participerait pas aux championnats.
- Elle ne t'avait pas prévenu ?

Je me lève et vais me poster devant la fenêtre.

- Non. J'ai découvert ça en sortant du bassin après une série, par la bouche de journalistes qui voulaient un commentaire sur ma future paternité. Tu imagines la surprise...

Elle hoche la tête puis demande :

- Tu es papa alors?

- Il n'y a pas d'enfant, réponds-je un peu sèchement.

Je vois qu'elle est complètement perdue

-Il n'y a pas d'enfant, répète-t-elle machinalement.

- Elle aurait fait une fausse couche, expliqué-je.
- Ah.

Elle reste silencieuse et j'ai besoin de ces quelques secondes pour me préparer à la suite. 

- Mais tu n'en es pas sûr ? Finit-elle par demander.
- Non. Et je pense que l'on en saura jamais rien. Je trouve juste qu'il est particulièrement opportun que cela se soit passé alors que j'allais faire la demande pour un test de paternité, et que je le lui avais annoncé.
- Tu n'étais pas sûr d'être le père ?

Il n'y a pas de jugement dans sa voix, elle pose juste les questions qui lui viennent à l'esprit.

- Je me suis toujours protégé, et il n'y a eu aucun problème, donc oui j'avais des doutes raisonnables. Et vu la façon dont les choses ont tourné, j'ai eu raison de n'avoir que peu de foi en sa parole.

- Elle a peut-être vraiment fait une fausse couche, avance-t-elle.

Je me tourne vers elle.

- Je ne faisais pas allusion à ça. En fait l'histoire ne s'arrête pas là.

Je sens que Jess est suspendue à mes lèvres. Elle se demande ce que je vais bien pouvoir ajouter à ça.
Je l'observe et me dis que dans quelques secondes ce que je vais lui expliquer pourrait tout changer entre nous. Elle pourrait décider de me croire ou alors prendre ses jambes à son cou.

Je décide que c'est les yeux dans les yeux que je veux lui annoncer. Je m'accroupis face à elle et prend ses mains dans les miennes.

- En fait, comme tu t'en doute sa déclaration au tout début championnat a déchaîné les journalistes. Ils ne m'ont pas quitté plus d'une minute. Moi j'étais là pour gagner, pour ramener des médailles à la maison. Pas pour les aider à vendre leurs torchons . Donc j'ai refusé de faire des commentaires. J'ai repoussé tout ce qui concernait cette affaire. Je me suis dit que je gérerai tout ça après la compétition. Je n'ai pas parlé à Sarah, et c'est certainement là ma plus grande erreur, car une semaine plus tard alors que les championnats n'étaient pas finis elle a fait une autre déclaration...