Chapitre 4 : Jessica

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— Où allez-vous habillées comme ça ?

Emily nous jette depuis la cuisine un œil suspicieux, détaillant nos tenues avec un dégoût non dissimulé.

Certes, j'ai pas mal hésité à enfiler la mini-jupe noire de Shirley, mais celle-ci m'a assuré qu'elle me faisait des jambes et un cul d'enfer. Je l'ai couplée avec un haut rouge dont la partie supérieure est en dentelle, suggérant, plus que ne montrant mon décolleté. Mes cheveux sont lâchés, et Shirley a réalisé de grandes ondulations au fer qui leur donnent un air sophistiqué.

Ma meilleure amie n'est pas en reste dans sa robe vert pomme qui tranche avec sa peau d'ébène. Ses cheveux sont courts et lissés dans un carré plongeant.

— On va à la soirée des nageurs italiens. Tu ne devais pas y aller ? interroge Shirley.

— Je ne sais pas. Je pensais que les personnes invitées avaient été triées, mais vu qu'apparemment tout le monde y va...

Sous-entendu, puisque vous vous y allez, je ne vais pas m'abaisser à me rendre au même endroit que vous.

— Et bien si tu nous cherches, tu sais où nous trouver ! lancé-je en tirant Ashley vers la porte.

Les nageurs italiens sont installés dans le bâtiment à côté du nôtre, si bien qu'il ne nous faut que quelques minutes pour nous y rendre. L'ascenseur nous dépose à leur étage, et à peine les portes ouvertes le bruit des basses caractéristiques des soirées, nous parvient aux oreilles.

Nous croisons des ressortissantes d'un pays de l'Est qui nous dépassent en gloussant comme des adolescentes, puis nous arrivons enfin au cœur de la fête.

Je reconnais quelques compétiteurs connus, ou des compatriotes. Je suis fascinée par ce que je vois. Ici, on parle toutes les langues, on trouve toutes les couleurs de peau, des accoutrements allant du survêtement aux tenues les plus délurées. Je suis incapable de dire quel style de musique est en train d'être diffusé, mais cela n'empêche pas certains de se déhancher sur une piste de danse improvisée.

Shirley et moi tentons de nous frayer un passage jusqu'à la cuisine où se trouvent apparemment les boissons. Une fois toutes les deux servies avec un cocktail fruité, nous nous dirigeons dans le salon. L'équipe de handball espagnole nous fait signe de nous rapprocher, ils se tassent pour nous laisser un peu de place sur leur canapé. Shirley m'apprend qu'elle les a rencontrés à la cafétéria où elle s'est rendue pendant ma sieste.

— Hola chicas que tal ? nous lance un grand brun aux yeux de velours.

Et la façon dont Shirley répond à son sourire me laisse présager qu'elle n'est pas insensible au charme latin du handballeur. D'ailleurs, elle s'installe juste à côté de lui et rapidement ils discutent ensemble comme si tout le monde autour avait disparu.

De mon côté, je parle avec plusieurs joueurs et une kayakiste Française. À un moment, un murmure parcourt la foule, et la gent féminine semble électrisée. On se redresse, les décolletés sont réajustés, les cheveux balancés en arrière dans un mouvement qui se veut sexy. Je tourne, comme l'ensemble des gens présents dans cette pièce, le regard vers les nouveaux arrivants.

Il s'agit de l'équipe américaine de natation. Et parmi eux se trouve celui que j'ai aperçu à la télévision : Aaron Baxter. Je suis littéralement scotchée par ce que je vois. Il est encore plus parfait en vrai qu'à l'écran !

Il s'est changé entre-temps. Son jean brut et son t-shirt noir moulent parfaitement son corps d'athlète. Il est plus grand que je ne le pensais, mais cela n'a rien d'étonnant pour un nageur. Quelqu'un se précipite pour lui mettre un verre entre les mains et il le remercie d'un signe de tête. Son regard vert scanne la foule comme s'il cherchait une personne en particulier, mais à mon grand étonnement il se pose sur moi. Nous nous dévisageons pendant quelques secondes et ses lèvres esquissent une ébauche de sourire, on ne peut plus sexy. Alors que je sens mes joues s'enflammer, un de ses coéquipiers le tire par le bras pour apparemment lui présenter une petite rouquine qui l'admire avec de la bave au coin des lèvres. Le contact est rompu, je ne suis même pas sûre qu'il ait existé ailleurs que dans mon esprit.
—Ça va Jessica ? me demande Caroline la kayakiste.
— Oui très bien, confirmé-je en tentant de me ressaisir.
— Tu le connais ? m'interroge-t-elle en désignant de la tête l'endroit où se trouvait quelques instants plus tôt Aaron Baxter.
— Pas du tout. Enfin, je veux dire, je sais qui c'est, mais je ne lui ai jamais parlé.
— Il a une sacrée réputation.

Je n'ai pas le temps de lui poser de questions au sujet de sa dernière affirmation, car elle se lève pour aller saluer quelqu'un. Je me souviens avoir entendu le journaliste l'interroger tout à l'heure à propos d'un « scandale », et alors que je n'y avais pas prêté grande attention, je suis maintenant intriguée par cette histoire.

Je décide d'aller me resservir un verre. Après tout, Shirley est bien trop occupée à minauder avec son handballeur, alors qu'il lui lance des regards interdits aux moins de 18 ans.

La cuisine est bondée, et rien de ce que je n'y trouve ne me plait. Je remplis juste mon gobelet d'eau fraîche au robinet. Je suis un peu fatiguée, et je n'ai pas envie d'aller copiner avec des inconnus. Je me demande si je dois aller arracher Shirley à son prince charmant, ou bien si je dois me résoudre à rentrer seule comme une grande fille. Je me dis que je vais d'abord aller aux toilettes, cela me laissera le temps d'y réfléchir, vu qu'il y a la queue.

Je prends place dans la file, et regarde d'un œil distrait les fêtards. Enfin pas si distrait que ça à partir du moment où je localise un certain nageur américain. Je le détaille plus facilement que tout à l'heure, puisque cette fois-ci il n'est pas en train de me fixer.

Comme je suis en train de me rincer l'œil, je ne prête que peu d'attention à la jeune femme qui s'avance presque en courant en direction des toilettes, dépassant tout le monde.


Sur la ligne : une romance olympiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant