Chapitre 21 : Aaron

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La soirée des portes drapeaux se déroule en dehors du village Olympique dans un quelconque hôtel de luxe de Rio. Karen, mon attachée de presse s'est occupée de tous les détails, je me suis contenté d'être à l'heure et habillé avec mon costume. Une voiture est venue me récupérer, et nous avançons maintenant à une allure d'escargot, coincés dans les bouchons. Cela m'est bien égal. Je ne suis pas fan des mondanités, plus tard nous arriverons, moins de temps je passerai à cette soirée.

Malheureusement, je ne peux pas couper à tous ces pinces-fesses. Lorsque l'on a déjà remporté 16 médailles d'or, il y a certaines personnes qui veulent vous rencontrer, des sponsors qui cherchent à vous exhiber et ce n'est pas facile de refuser. J'ai même quelques contrats publicitaires qui spécifient que ma présence est obligatoire à certains événements.

Je ne suis pas stupide, ma carrière de sportif de haut niveau n'aura qu'un temps. Même si j'ai sécurisé mes arrières avec un diplôme universitaire, je sais que je dois profiter maintenant des occasions qui me sont données pour m'assurer un avenir confortable.

Ce n'est pas que je n'aime pas faire la fête, croyez-moi sur ce point, je suis plutôt un expert. Mais je ne supporte pas devoir parler à des gens que je ne connais pas, de la pluie et du beau temps en picorant des petits fours infâmes. Plaquer sur mon visage un sourire de façade, charmer de vieilles rombières esseulées, et faire rêver des hommes aux égos surdimensionnés.

Ce soir, c'est un peu différent. Je représente mon pays. Je dois donner une belle image de l'Amérique face à un parterre de journalistes en quête d'un scoop. Je suis prêt à parier la totalité de mes médailles, qu'ils préféreront me poser des questions sur ma vie privée que sur mes performances sportives. J'ai toujours été un aimant à journalistes. La faute à ma belle gueule certainement. Mais depuis les derniers championnats du monde, c'est devenu de pire en pire. Je ne peux plus faire deux pas dans Seattle sans que l'un de ces vautours ne me suivent. Ils en sont même allés jusqu'à fouiller mes poubelles !

— Nous arrivons dans une minute, m'indique le chauffeur.

Je vois déjà une longue file de voitures s'arrêter les unes derrière les autres pour déposer leurs occupants. Un tapis rouge a été installé sur les marches de l'hôtel, et un voiturier s'empresse d'aller ouvrir les portières. Des journalistes sont installés de part et d'autres des escaliers. Ma foi, on se croirait presque aux Oscars.

Ma voiture stoppe et je descends rapidement. J'arbore mon sourire factice et salue la petite foule des journalistes en boutonnant ma veste. Déjà, l'une d'entre eux s'approche de moi, suivie par son caméraman pour me poser des questions. Les premières portent sur mes courses, peut-être me suis-je trompé ? On va peut-être pour une fois me parler de sport. Malheureusement, le répit n'est que de courte durée.

— Aaron Baxter, on vous a attribué de nombreuses liaisons, mais pourriez-vous nous indiquer si vous voyez quelqu'un en ce moment ?

Je fais mine de rire de façon décontractée. En vérité je suis agacé.

— Vous savez pertinemment vous autres journalistes que je ne parle pas de ma vie privée, lui réponds-je avec un petit sourire narquois.

— Allez Aaron, toutes nos téléspectatrices rêvent de savoir si votre cœur est déjà pris, ou s'il y a un petit espoir de le faire chavirer ! me taquine-t-elle.

Si mon cœur est déjà pris ? A ces mots, je pense immédiatement à Jessica, son visage s'impose à moi comme une évidence. Je secoue la tête pour repousser cette idée, mais je sais que je me mens à moi-même. Alors que je ne la connais que depuis quelques jours, que je ne l'ai même jamais embrassée, je sais que Jessica s'est d'ores et déjà emparée d'un petit morceau de mon cœur.

— C'est peut-être possible, finis-je par lâcher à la journaliste.

— Possible de quoi ? Que votre cœur soit à prendre ?

— Non qu'il soit déjà pris.

Je la gratifie d'un petit sourire énigmatique, bien conscient que je viens de lui donner du grain à moudre. La journaliste me regarde un peu interloquée, ses lèvres forment un « O » de surprise. Je vois qu'elle hésite à continuer à me poser des questions sur ce sujet, sachant qu'il y a de grandes chances que je l'envoie sur les roses. De toute façon, on ne nous laisse pas le temps de continuer. Une femme apparaît à mes côtés et s'agrippe à mon bras.

— Aaron mon chou, te voilà.

La nouvelle arrivée dépose un baiser sur ma joue. Je la regarde tellement surpris qu'il ne me vient même pas l'idée de la repousser.

J'entends les flashs qui crépitent autour de nous, et les journalistes qui l'appellent :

— Emily ! Emily !

Elle me tire vers les marches tout en posant pour les journalistes.

— Je peux savoir ce que tu fais, sifflé-je à son oreille.

— Je monte les escaliers avec toi, réponds-elle comme si ma question était stupide.

— C'est gentil mais je suis capable de les monter tout seul, dis-je en essayant de me dégager.

Elle pose sa main sur mon bras pour le maintenir en place.

— Ne fais pas un scandale maintenant. Pas devant tous ces journalistes. Tu tiens vraiment à ce qu'ils ne te lâchent plus ? Monte cet escalier avec moi. 

Je soupire et obtempère. Elle a raison je n'ai pas envie d'attirer l'attention d'avantage sur moi. Cependant je presse le pas pour que nous nous retrouvions le plus vite possible à l'intérieur. Il y a bien entendu d'autres journalistes, mais ils sont moins nombreux et plus sélectionnés. Du moins je l'espère.

Je m'écarte d'Emily comme si son contact allait me refiler la lèpre, et je me dirige directement vers le bar. Je grimace en voyant qu'il n'y a aucun alcool fort. Effectivement, nous sommes à une soirée remplie de sportifs de haut niveau qui commencent la compétition dès demain. Les organisateurs ont dû estimer qu'il était plus sage de proposer des jus de fruits. Je réussis quand même à trouver un verre de vin.

Je le sirote tranquillement dans mon coin. J'ai vu plusieurs personnes que je connais, je les salue sans pour autant m'arrêter pour leur parler.

Quelques minutes plus tard, on nous invite à passer dans la salle d'à côté. S'ensuit une longue heure de discours interminables. Le président du comité Olympique, et toutes les huiles du sport nous abreuvent de paroles sur l'excellence, le respect, l'amitié entre autres. Sans oublier de nous rappeler le « Citius, Altius, Fortius » la devise des jeux. (Plus vite, plus haut, plus fort).

Sortir mon téléphone pour vérifier si Jess m'a envoyé un message me démange. Elle ne m'a pas donné de nouvelles de toute la journée, et j'ai envie de savoir comment cela s'est passé avec son ex.

Les discours sont enfin finis, nous passons maintenant à la séance photo. Tous les portes drapeaux sont installés sur une petite estrade. On nous immortalise sous tous les angles.

Nous sommes enfin libérés, et on nous invite à rejoindre l'espace où se déroule le cocktail. J'ai à peine passé la porte, que ma rétine se fait agresser par une chevelure blonde platine.

— Ah ! Je te cherchais ! s'exclame Emily.

— Et pourquoi ? lui réponds-je agacé.

— Eh bien, parce que nous avons des choses à nous dire...

Sur la ligne : une romance olympiqueTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang