Chapitre 1

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Alexandra

Je regarde cette vieille femme aux cheveux cuivrés. Son bureau austère me flanque la trouille. Je suis assise sur une grande chaise en cuir bordeaux. Elle me fixe, me jauge du regard. Je la déteste.

« Qu'était-il pour vous ? me demande-t-elle.

- Un père, un ami. Mon meilleur ami, répondis-je.

- Vous manque-t-il ?

- Allez-vous me poser cette question à chaque fois ? la questionné-je.

- Oui, jusqu'à ce que votre réponse me convienne.

- Grâce à lui, nous sommes dans la merde, alors non. Il ne me manque pas, lâché-je, lasse. C'est un mensonge, mais je ne dirais jamais la vérité à cette femme, ni personne d'autres d'ailleurs. Écoutez, ma mère est persuadée que j'ai besoin de voir un psy. Mais je me sens très bien, expliqué-je, contrariée.

- Vous ne seriez pas là si c'était le cas, dit-elle. J'ai envie de la frapper, sincèrement.

- Je vais très bien. Et j'ignore vraiment comment une inconnue peut porter un jugement sur mon état mental. La psy esquisse un sourire qui m'agace.

- Disons, que l'humain a des caractéristiques, des comportements, des tocs qui permettent de définir son état mental. »

Ma mère est persuadée que j'ai besoin de parler à quelqu'un. Ce qui normalement, devrait-être le cas. Mon père s'est suicidé il y a quelques mois. Je l'ai retrouvé pendu dans sa chambre. Il a laissé derrière lui ses dettes, nous foutant dans la merde, ma mère, mon frère et moi. Je fais des cauchemars, son corps flottant dans le vide, inerte, me hante chaque soir.

Mais voir une psychologue ne m'aide pas. Deux semaines après ça, ma mère en a contacté une mais il n'y a aucune amélioration. Mais je le fais pour ma mère, ça la rassure. Je hurle la nuit, mon frère, ayant une chambre à côté de la mienne se réveille toujours pour essayer de me détendre - même si ça n'a aucun effet. Heureusement pour ma mère, elle a un sommeil très lourd et sa chambre est au rez-de-chaussée, elle n'est donc jamais réveillée elle.

« Vous ne parlez toujours à personne ? me demande-t-elle. Je fixe l'horloge, espérant voir le bout de cette séance rapidement.

- Je n'ai pas besoin d'amis. Ni de personne. Sauf de ma famille. De ma mère et de mon frère, répondis-je.

- Vous savez Alexandra, c'est important pour l'être humain de se sociabiliser avec d'autres personnes que son entourage. Sortir, avoir des amis, peut-être même un amoureux vous permettrez d'oublier, au moins pendant quelques secondes ce manque qui vous habite, me raconte-t-elle. »

On oublie pas la peine, le manque et la douleur, on les étouffent afin de se voiler la face. Sa montre bip, je me lève, attrape ma veste et mon sac et je sors du bureau en la saluant. Je marche le long des couloirs tout en démêlant mes écouteurs. Je les branche à mon téléphone portable et met de la musique : Can you feel my heart de Bring Me The Horizon.

Je sors du grand bâtiment et pars vers un arrêt de bus qui m'amènera à mon travail. J'ai dix sept ans, je suis au lycée mais je travaille pour subvenir à nos besoins. Ma mère enchaînes heures supplémentaires sur heures supplémentaires, mon frère lui, se concentre sur ses études. Il a un an de plus que moi, il est en dernière années de lycée. Contrairement à moi qui n'en suis qu'à ma deuxième.

J'arrive au lieu en question. Je rentre dans le bar par la porte arrière. Je range mes affaires dans mon casier et me change. J'enfile mon tablier, un débardeur et un jean. Je ne peux pas rester en robe. Je portais une courte robe évasée noire et puisque je n'ai aucune envie de la salir je l'enlève. J'attache mes longs cheveux bruns en une haute queue de cheval.

From Hatred To Love [FRENCH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant