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Il devait être sept heures du matin, car toute la ville était plongée dans le noir et le silence. Je n'arrivais pas à me rendormir. Je ne pensais qu'à Reagan depuis la veille. Je me levais et enfilais une tenue de sport. Je courais le long de la plage. La musique de ma playlist grésillait dans mes écouteurs mais je n'y prêtais guère attention. Je réfléchissais. Je me demandais pourquoi Reagan s'était comporté de cette façon la veille. Je réfléchissais au fait qu'il veuille que je lui parle de moi. Mais il n'y avait rien à dire de moi. Rien de positif du moins. J'étais juste une ancienne grosse, une boulimique et je n'avais aucune vie sociale. Épuisée, je rebroussais chemin jusqu'à la maison. Je croisais ma mère dans le salon.

«-Tu es sortie à quelle heure ? Fit elle en fouillant dans son sac à main.
-Y a quarante minutes. J'étais juste partie courir un peu.
-D'accord. Bon reste ici avec ton demi frère sinon ton père va piquer une crise. Je vais travailler.
-T'as pas de repos cette semaine ?
-Non, l'hôpital gronde de malades et les infirmières nous, on est en sous effectif. Bon j'y vais avant d'être en retard. À ce soir ma puce.
-À ce soir.»

Ma mère sortit et je refermais la porte derrière elle. Je pris une douche pour me réveiller. Lorsque je sortis de la salle de bain je fus surprise par une odeur agréable. Je descendis à l'étage inférieur. Reagan sortit la tête de la cuisine.

«-J'ai fait des Pan Cakes. Tu as faim ?»

Lorsqu'il prononça le mot "faim" mon estomac se noua. Je revis Sydney et les autres dans ce fichu fast food. Je revis défiler mes années de collège. Soudain l'odeur de cuisine auparavant si agréable devint lourde et insupportable.

«-Non. Répondis-je.
-Mais Eden, des Pan Cakes. Personne ne peut refuser des Pan Cakes !!
-Laisse moi tranquille ! Hurlais-je.»

Je remontais les escaliers en courant et je me réfugiais dans les toilettes au dessus desquels je me penchais. Reagan accouru derrière moi. Il se précipita vers moi et retint mes cheveux vers l'arrière.

«-Tout va bien ? T'es malade ? S'inquiéta mon demi frère.»

Mes larmes s'enchaînaient à vitesse grand V sur mes joues pâles. Reagan en essuya quelques unes du bout de son pouce. Il me fit m'assoir doucement contre le mur. Il s'accroupit près de moi et posa sa main sur mon genou.

«-Eden parle moi. Qu'est ce qui se passe ?»

Je fixais ses yeux, il avait l'air désemparé. Il ne savait pas quoi faire.

«-Eden, s'il te plaît. Répéta-t-il.
-Je... Je ne peux pas.
-Pourquoi ? Pourquoi tu ne pourrais pas ? Il n'y a que toi et moi. C'est Tyler ? Il t'a fait du mal ?
-Non. Ça n'a rien à voir.
-Alors dis moi, je suis là.
-Si je te le dis tu auras pitié de moi.
-Non. Je te jure que non. Mais parle moi je t'en supplie.
-D'accord... Mais sors moi de là.»

Il m'aida à me relever et on entra dans ma chambre. Je m'asseyais au bord de mon lit tandis que Reagan s'agenouilla face à moi. Il prit ma main.

«-Tu peux tout me dire. Je serais toujours là pour toi. Fit il.»

J'aimais entendre ça venant de lui. Je fermais les yeux et je me laissais déballer mon plus grand secret.

«-Ça a commencé au collège. J'étais grosse. Vraiment grosse. Et les autres élèves me le faisaient bien savoir. En troisième j'étais vraiment mal de ces moqueries horribles auxquelles j'avais le droit chaque jour. Alors j'ai commencé à faire quelque chose de vraiment stupide mais ça m'aidait à me sentir mieux.
-Qu'est ce que tu as fait Eden ?»

J'ouvris les yeux et je remuais la tête comme pour refouler mes plus douloureux souvenirs.

«-Dis le moi, je ne te jugerais pas. C'est promis. Insista Reagan.
-Je me suis forcée à vomir. J'ai fait ça pendant des mois. Vers la rentrée en seconde Hazel l'a découvert. Elle m'a fait arrêter. J'avais arrêté tu sais.
-Qu'est ce qui s'est passé ?
-Sydney a tout gâché. Y a trois semaines, juste avant que tu te pointe ici, elle a dit devant tout les autres que j'étais grosse et je...
-Tu n'es pas grosse Eden. Me coupa mon demi frère.
-Peut être mais je me sens horriblement grosse maintenant. Avouais-je douloureusement.»

Une larme perla le long de ma joue et Reagan l'essuya. Il caressa ma joue avec une tendresse que je ne lui connaissais pas.

«-Tu es tellement loin d'être grosse. Tu es parfaite. Tu es magnifique. Cette fille est juste jalouse.
-Jalouse de quoi ? Elle est mille fois mieux que moi, Reagan !
-Je doute fort que ce soit possible. Mais même si c'était le cas, c'est surement qu'une bimbo. Et tu veux que je te dise, c'est le genre de fille qui ne regarde pas l'avenir mais qui se focalise seulement sur le présent. Et plus tard, lorsqu'elle se rendra compte que sa vie pue la merde et qu'elle continuera de se faire baiser par les mêmes sales types répugnants, elle se demandera comment elle a fait pour en arriver là. Elle regardera autour d'elle, et elle sera jalouse de toi. Parce que toi, tu seras une femme formidable. Alors je t'en supplie ne la laisse pas t'atteindre. Elle ne mérite pas tes larmes. Montre lui que ça ne te touche pas. Et si tu as besoin de quoi que ce soit, sache que je suis, et que je serais toujours là pour toi. Toujours. Compris ?»

J'acquiesçais doucement d'un bref hochement de tête. Il m'observa un instant. Son visage s'approcha et s'arrêta à dix centimètres du mien. Son regard descendit sur mes lèvres. Ses mains se posèrent sur mes joues. Mes yeux fixèrent ses lèvres aussi. J'avais terriblement envie qu'il m'embrasse. Non, j'avais besoin qu'il m'embrasse, là maintenant, ici dans ma chambre. J'avais cruellement besoin que mon demi-frère m'embrasse...

Amour InterditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant