XVII

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Mes doigts ouvrirent l'enveloppe d'eux mêmes. Pour moi ce bout de papier ne voulait rien dire, il n'y avait que des chiffres et des lettres partout. Je ne comprenais rien. Rien, sauf les mots inscrits en gras en bas de la page : "Les résultats expriment une compatibilité sanguine, l'enfant est assimilable à 99,9% à l'individu de sexe masculin ayant effectué ce test". À la lecture de cette phrase, mes mains se mirent à trembler et mes jambes peinèrent à me soutenir. Je manquais de m'évanouir. Reagan sortit de la salle de bain et son sourire disparu à la minute où il m'aperçut. Son regard descendit sur la lettre que je tenais fébrilement en main et ses yeux se mirent à briller.

«-Eden...
-Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
-Je ne savais pas comment te le dire. Et je n'envisageais pas d'avoir à le faire. Je veux dire c'était évident pour moi que John n'était pas mon père.
-Et pourtant...
-Je suis désolé, j'aurais dû t'en parler mais j'avais si peur...
-Non. Il doit y avoir une erreur. Il y a bien une marge d'erreur dans leurs résultats, n'est ce pas ?
-Ils disent que c'est mon père à quatre vingts dix neuf virgule neuf pour-cent...
-Génial donc on a zéro virgule un pour-cent qui affirme le contraire ! Donc faut refaire le test. Y a eu une erreur.»

Il s'approcha de moi et posa une main sur mon épaule.

«-Non Eden, il n'y a aucune erreur. John est mon père et je suis ton demi frère.
-Non. Non parce que c'est dégueulasse et je ne suis pas dégueulasse. Je serais jamais tombée amoureuse de toi si tu étais vraiment mon demi frère.
-Tu as dit amoureuse ? Fit soudainement Reagan comme si c'était le seul mot qu'il avait entendu.
-Je veux qu'on refasse le test. Il a été truqué.
-Tu t'entends ? C'est de la paranoïa là. Eden je suis ton demi frère accepte le !
-Hors de question.»

Je savais qu'il avait raison et que ce bout de papier affirmait clairement qu'il était le fils de mon père et donc mon demi frère. Mais une part de moi restait persuadée du contraire. Je le sentais intérieurement, il ne pouvait pas être mon demi frère. Je m'enfermais dans la salle de bain et je pris ma douche. Pendant que l'eau coulait sur mon corps, les larmes ruisselaient sur mon visage. Mes mains croisée contre ma poitrine, je n'arrivais pas à m'empêcher de penser que je n'étais plus vierge. Je n'étais plus vierge et c'était mon demi frère qui m'avait dépucelée. J'avais envie de vomir, je me dégoûtais. Pour la première fois depuis que cela avait commencé, j'avais terriblement honte d'avoir embrassé mon demi frère et d'avoir partagé avec lui des moments intimes dans nos désirs charnel. Je me sentais salie d'avoir aimé faire ce que je faisais avec Reagan quand bien même je savais que c'était mal. Je voulais retourner dans le passé et ne pas tomber amoureuse de mon demi frère. Et pourtant malgré ma culpabilité, je désirais encore que Reagan me prenne dans ses bras et qu'il m'embrasse pour me consoler. Je sortis de la douche et je me préparais. Mes parents arrivèrent et on partit aussitôt. Dans la voiture Reagan prit ma main, et je le repoussais à contre coeur. Je l'aimais, je l'aimais de tout mon coeur et bien plus encore, mais je n'avais pas le droit. Je voyais du coin de l'oeil que mon demi frère me dévisageait comme pour percer mes pensées. Je tournais la tête vers la fenêtre en retenant mes larmes. Je ne voulais pas qu'il sache ce que je ressentais. On arrivait et mes parents nous laissèrent seuls.

«-On va saluer quelques amis, Eden te présentera à ses amis pour que tu puisse t'intégrer plus facilement à la rentrée. Fit ma mère à destination de Reagan.»

Il hocha la tête et lorsque ma mère disparue dans la foule, il m'approcha. Sa main se posa sur mon épaule et l'autre releva mon menton pour que nos yeux puissent être en contact. Je remuais la tête de gauche à droite et de droite à gauche en tentant de retenir mes larmes.

«-Ne pleure pas. Je t'en supplie, je ferais tout ce que tu veux, mais ne pleure pas.»

Il me serra contre lui. La tête contre son torse, j'écoutais les battements bien trop rapides de son coeur. Je voulais remonter le temps et ne jamais ouvrir cette fichue enveloppe, au moins une part de moi serait restée dans l'ignorance et mes désirs amoureux envers mon demi frère auraient pu être pardonnables. Il mit fin à notre étreinte et me contempla un instant en silence. Sa main sur ma joue, il approcha son visage. Ses lèvres remuèrent contre les miennes qui suivirent automatiquement le mouvement avec entrain. Chaque baiser me donnait l'impression d'être dans un autre monde, notre monde. Celui où nous ne sommes pas liés par un père commun. Ce monde où notre union n'est pas interdite. Ce monde parfait. Et lorsque le baiser prit fin je revins brutalement à la dure réalité de ma triste vie.

«-Je ferais un autre test si tu le souhaites vraiment. Chuchota-t-il.»

Quelques minutes auparavant, j'aurais considéré ces mots tels une victoire. Mais plus maintenant. À présent, je savais que cela ne servait à rien. Et bien qu'à mes yeux Reagan ne pouvait pas être mon demi frère, je devais le laisser partir. Je ne pouvais plus continuer à le fréquenter amoureusement parlant.

«-Non, c'est pas la peine. J'avais tord Reagan. C'est du déni, de la paranoïa comme tu le dis. Je dois juste... L'accepter. T'es mon demi frère.
-Eden, je sais que c'est mal, mais je m'en fiche. Je veux être avec toi, et je n'ai pas peur de ce que peuvent penser les autres. Car de toutes façons, ils ne comprennent pas.
-Arrête avec cette excuse bidon. Si on t'écoute, personne ne peut jamais rien comprendre quand il s'agit de ta vie.
-Mais c'est juste la vérité, ouvre les yeux ! Écoute, tout ce que je t'ai dit est vrai. Je le pense réellement. Tu es une fille parfaite, et je t'aime plus qu'il n'est possible de le faire. Je suis fou de toi et je ne veux pas te perdre. Alors dis moi ce que tu veux et je le ferais.»

Ce que je voulais ? Qu'il m'embrasse. Qu'il m'emmène loin d'ici et que l'on reste ensemble pour toujours. Voilà ce que je désirais vraiment.

«-Je veux qu'on mette un terme à tout ça. Dis je, à contre coeur.
-Quoi ?
-Ne rend pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont s'il te plaît. Tu sais comme moi que c'est la meilleure chose à faire.
-Mais, Eden... Je t'aime putain !
-Pas moi. Mentis je, le coeur lourd et la gorge nouée par les remords.»

Une larme perla sur la joue de Reagan. Ça me brisait le coeur. Quel monstre étais-je d'agir ainsi ? Il essuya sa joue d'un revers de la manche et son regard vira au gris effrayant comme si une tornade s'était formée en lui.

«-Très bien. Vas te faire foutre Eden Martin.»

Il me tourna le dos avant que je ne pu lui répondre. Les larmes s'enchainèrent sur mon visage, laissant des coulées noires de mascara. Mon coeur menaçait d'imploser et je n'arrivais plus à respirer. Mais bordel qu'est ce que j'avais fait ?

Amour InterditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant