XVIII

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J'étais assise par terre au beau milieu d'un parking mais j'en avais strictement rien à faire. Mes larmes déferlaient à grand flot. J'avais fait du mal à la seule personne qui avait su m'aimer comme on ne m'avait jamais aimée. À la seule personne que j'avais réellement aimé. Un crissement de pneus se fit entendre tout près de moi, mais encore une fois je m'en foutais. J'aurais pu mourir écrasée sur ce fichu parking, que cela m'aurait été égal.

«-Non mais vous êtes folle ! S'écria une voix masculine.»

Je ne pris pas la peine de lever ma tête car elle était très bien nichée entre mes genoux. Je ne voulais parler à personne je voulais simplement continuer à désespérer seule et regretter d'avoir peut être commis la plus grande erreur de ma vie en laissant partir mon demi frère.

«-Tout va bien ? Mademoiselle ? Demanda la voix grave à un mètre de moi.
-Laissez moi tranquille. Marmonnais je entre deux sanglots.»

Je relevais la tête. Il faisait nuit mais le lampadaire éclairait assez son visage pour que je puisse y distinguer ses traits. C'était un homme qui devait avoir entre trente et quarante ans, comme mes parents. Il était blond et ses cheveux ondulaient sur le dessus. Ses yeux étaient marrons clairs, presque comme les miens. Il me tendit sa main et m'aida à me relever.

«-Tout va bien ?
-Je... Je ne sais pas.»

Je n'avais jamais vu cet homme dans le voisinage. Et pourtant j'avais l'impression de le connaître.

«-Écoute... Quel est ton prénom ?
-Eden.
-Écoute Eden, tu n'as qu'à t'assoir sur le muret. Je vais garer ma voiture et ensuite si tu as envie d'en parler je t'écouterais.»

Je hochais la tête avec reconnaissance. Il revint quelques minutes après et il s'assit à un mètre de moi. Dieu merci il ne ressemblait guère à un vieux pervers alcoolisé, cependant je restais sur mes gardes. Il me dévisagea un instant.

«-Tu as pleuré ? Me demanda l'inconnu.
-Bien vu Sherlock.»

Il se mit à rire, ce qui m'étonna grandement. Si j'avais parlé à mon père de cette façon j'aurais été punie pendant des jours. L'homme me tendit un mouchoir que je saisissais sans attendre pour enlever ces horribles traces sur mon visage dues au mascara qui avait coulé avec mes larmes.

«-Merci. Dis je timidement.
-Je t'en prie. Tu veux en parler ?
-Je ne vous connais même pas.
-Tu n'as pas tord.»

Il s'apprêta à se lever pour partir mais ma bouche prononça des mots sans même que je ne m'en rendis compte.

«-Vous ne m'avez pas dit votre nom.
-Alex, Alex Perrin.
-Vous vivez dans le coin ?
-Non, mais j'y vivais quand j'étais jeune.
-Vous avez des enfants ?
-Malheureusement, non. Pourquoi toutes ces questions ?
-J'en sais rien.»

Il m'adressa un sourire bienveillant. Mon téléphone sonna. C'était Hazel, elle devait probablement me chercher.

«-Jolie sonnerie. Fit l'inconnu.
-Island...
-In The Sun. Me coupa-t-il.
-Vous connaissez ?
-Bien sûr, mais c'est moi qui devrait être surpris ! Je veux dire c'est plus de mon époque que de la tienne...
-Peut être, mais je l'aime bien.
-Tu m'étonne, elle en jette !»

Je me mis à rire à mon tour. Venait il de parler comme un jeune ?

«-Quoi ? Demanda-t-il perplexe.
-Vous parlez comme un ado !
-C'est parce que j'ai oublié de grandir.
-Mise à part physiquement vous voulez dire. Plaisantais-je.
-Bien vu Sherlock.»

Nous rîmes en coeur. J'aurais tout donné pour avoir un père comme lui plutôt que le mien. Car mon père avait toujours été un vieux rabat-joie. L'homme s'arrêta de rire et me dévisagea en fronçant les sourcils.

«-Quand tu souris tu me rappelle une fille que j'avais connu au lycée.
-Et qu'est elle devenue ?
-J'en sais rien... J'ai fait l'erreur de la laisser partir.»

Je déglutissais douloureusement. Je venais de laisser partir Reagan moi aussi. Était ce une erreur ?

«-Vous pensez que laisser partir quelqu'un est une erreur ?
-Si tu aimes vraiment cette personne alors oui.»

Mon téléphone se mit à sonner à nouveau avant que je n'eu le temps de poser une autre question. Je baissais les yeux sur l'écran, Hazel allait s'inquiéter. Je devais la rejoindre.

«-Tu devrais y aller.
-Oui. Merci beaucoup.
-Je t'en prie.»

Je me relevais et je marchais en direction de la plage, le téléphone collé l'oreille en attendant que ma meilleure amie, Hazel Grace, désire me répondre.

«-Eden !»

Je me retournais, la voilà qui se tenait juste derrière moi.

«-Je t'ai cherché partout. J'ai même demandé à ton demi frère où tu étais !
-Et qu'a-t-il répondu ?
-Qu'il en avait rien à foutre.
-C'est tout ?
-Bah pas exactement.
-Hazel qu'a-t-il dit, mot pour mot ?
-Il a dit "je ne sais pas mais j'en ai rien à foutre de cette salope"...
-Oh...»

J'avais envie de me frapper, évidemment il me détestait.

«-Eden... Qu'est ce qui s'est passé ? Je veux dire... Vous étiez proches ces derniers temps.
-Je...
-La vérité. Tu sais que tu peux tout me dire, alors dis moi la vérité.
-Reagan et moi on est sortis ensemble.
-Sérieux Eden je ne plaisante pas !
-Moi non plus !
-Quoi ? Attends, attends. T'es sortie avec ton demi frère ?
-Tu ne peux pas comprendre...»

Ma gorge se noua lorsque je prononçais ces mots, qui n'étaient pas les miens.

«-Depuis quand ? Combien de temps ?
-Depuis un mois. Et ça s'est terminé aujourd'hui. Je lui ai dit que c'était malsain et que je ne l'aimais pas.
-Alors pourquoi t'es sortie avec lui si tu ne l'aimes pas ?
-C'est ça le problème... Je l'aime, Hazel. Je l'aime tellement tu n'as pas idée. Mais je sais que c'est répugnant et que je n'ai pas le droit.
-Je suis tellement désolée... C'est clair que je ne comprends pas ce que tu lui trouve, ni comment on peut tomber amoureuse de son propre demi frère, mais je reste ta meilleure amie. T'as raison, je ne comprends pas, mais je suis là pour toi et je le serais toujours.
-Alors c'est tout ?
-Comment ça ?
-Pas de "tu es dégueulasse" ou de "tu me dégoûtes" ?
-Non ! Bien sur que non. J'ai grandis avec toi, t'es comme une soeur pour moi. Alors... Quand bien même ça ne me plait pas, c'est pas ma vie et si toi t'es heureuse alors je te soutiendrais quel qu'en soit la situation, même dans celle ci.
-Alors c'était une erreur de le laisser partir ?
-Je ne pense pas. Je pense que tu as bien fait. Il valait mieux que tout s'arrête avant que ça n'aille trop loin.»

"Trop loin" ? C'était déjà allé "trop loin" ! J'avais donné ma première fois à mon demi frère !

Amour InterditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant