XXVI

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«-Oui, on se connaît. Répondit Alex.
-C'est un vieil ami, un ami que je ne pensais jamais revoir. Reprit ma mère encore sous le choc.»

Mais à la façon dont ils se dévisageaient, il était évident qu'ils n'étaient pas que de simples amis. Et soudain je compris que la fille dont me parlait Alex n'était autre que ma mère.

«-Alors l'Australie ? Demanda ma mère.
-C'était bien. Mais pas aussi bien que si j'avais été accompagné. Et toi alors, Morgat ?
-Oh... Tu sais rien n'a vraiment changé.
-Tu n'es jamais partie ? S'étonna Alex.
-Non, ma vie était ici.
-Tu n'as jamais voyagé ? Je croyais que tu rêvais d'aller en Australie...
-Oui, mais mon mari déteste l'Australie, il voulait qu'on reste ici.
-Tu es mariée ?
-Mes parents sont en train de divorcer. Intervenais-je.
-C'est compliqué... Me relaya ma mère.
-Je le connais ? Demanda Alex, gêné.
-Oui... C'est John. Chuchota ma mère comme si elle se sentait honteuse.
-Ah, John... Évidemment. Il a toujours été fou de toi.
-Alex...»

Ma mère me dévisageait comme si elle voulait que je quitte cette pièce pour leur laisser de l'intimité. Mais il était hors de question que je ne bouge d'ici.

«-Je suis content pour toi, content que tu aies trouvé un homme qui t'aime et qui te rende heureuse. Reprit Alex.
-Ouais enfin qui la rende heureuse... Ils sont en plein divorce comme je te l'ai dit. Répondis je.
-Peu importe. Bon je ferais mieux d'y aller. Au revoir.»

Alex sortit sans un mot de plus tandis que ma mère baissa les yeux. Elle avait l'air si mal.

«-Qu'est ce qu'il y a ?
-Comment l'as tu rencontré ? Me demanda-t-elle.
-Après une dispute avec Reagan, l'année dernière sur la plage.
-Et vous êtes en contact depuis tout ce temps ? Fit elle en portant sa main à son front.
-Non, on s'est simplement croisés à la plage aujourd'hui et on a reparlé de ce qui s'était passé dans nos vies respectives depuis la dernière fois qu'on s'était vu.
-Pourquoi l'as tu fais venir ici ?
-J'ignorais que c'était interdit.
-Eden, pourquoi ?
-Parce que j'aime parler avec lui. C'est tellement plus simple de se confier à lui qu'à papa, ou même qu'à toi ! Parce qu'il comprend ce que je ressens et qu'il ne me juge pas ! Criais je.
-Assez. M'interrompit ma mère.»

Elle s'adossa contre le mur et glissa le long de celui ci afin de s'assoir à même le sol. Elle souffla bruyamment et sortit son téléphone de sa poche.

«-Il faut que j'appelle ton père. Lâcha-t-elle agacée.»

J'ignorais ce qui l'énervait à ce point. Alex était un type bien, et il n'avait rien dit d'impoli. Mon père débarqua dans les minutes qui suivirent l'appel de ma mère.

«-Ne bouges pas d'ici, je vais parler à ton père. Ordonna ma mère en quittant l'appartement.»

Elle descendit le rejoindre en bas de la propriété. Je m'asseyais dans le canapé en attendant son retour. Une sonnerie de téléphone me fit sursauter. Je fixais innocemment l'écran de ma mère et la colère m'envahissait soudainement à la vue du nom de l'expéditeur de ce message. Je déverrouillais son téléphone et je fouillais ses conversations. Cela faisait des mois qu'elle échangeait des messages avec Reagan. Pendant des mois elle avait nié savoir où il était ou bien comment il allait. Mais en réalité elle le savait, ils parlaient souvent. Et à ma plus grande déception, il ne semblait pas demander de mes nouvelles, comme si il avait tourné la page. À cette idée, mon estomac se noua. Reagan ne devait pas tourner la page. Je ne voulais pas qu'il le fasse. Pas avant que j'y parvienne. C'était lui qui était parti, pas moi. C'était lui qui devait souffrir d'un manque, pas moi. Et pourtant...

Une larme se forma au coin de mon oeil et perla le long de ma joue. Comment ma mère avait elle pu me cacher qu'elle et Reagan avaient gardé contact ? Elle savait que je tenais à lui... Et pourquoi ne m'avait il jamais répondu ? Je lu son dernier message : "J'ai pris un vol pour le 20 décembre au soir comme convenu. Tu viendras me chercher à l'aéroport vers 22h ?". Un vol ? Il comptait venir à Morgat et il se fichait de savoir comment j'allais le prendre ? En décembre, pour Noël en plus ! La colère m'envahissait et mes joues devinrent rouges en une fraction de seconde. Qu'il vienne fêter Noël avec ma mère, et j'irais fêter Noël chez mon père si il le fallait, mais il était hors de question de me retrouver coincée ici avec lui et ma mère pour Noël. La porte d'entrée s'ouvrit et claqua dans la seconde qui suivit.

«-Tu ne dois plus jamais le revoir, compris ?! Cria ma mère.
-Compris. Répondis je en agitant son portable.
-Tu as fouillé mon téléphone ?
-Alors comme ça, tu ignores comment va mon abruti de demi frère ?!
-Eden...
-Je me casse.
-Et tu vas où ?
-Loin de toi et de tes mensonges. Je pensais que t'étais différente de papa, mais tu es exactement pareille que lui. Je comprends mieux pourquoi Alex s'est barré !»

Je sortis en claquant la porte et je courus sous la pluie battante. Je courus sans m'arrêter. Je m'en fichais d'être trempée. Je m'en fichais de ne ressembler à rien. Je m'en fichais parce que la seule chose que je voulais faire à l'instant présent c'était m'éloigner de ma famille. Ma respiration était saccadée, je me laissais tomber sur le premier banc que j'aperçus. La pluie avait presque cessée, mais je grelotais de froid. Une voiture s'arrêta à mon niveau et par chance Alex en sortit.

«-Eden ? Monte. Ordonna-t-il.»

Je m'exécutais en silence. Il faisait partie des deux seules personnes avec qui je voulais bien parler à cet instant.

«-Qu'est ce que tu fous ? T'es trempée !
-Ma mère lui parle encore.
-Quoi ?
-Ma mère échange des messages avec Reagan. Elle a pas le droit, pas après ce qu'il m'a fait. Je lui ai dit que je l'aimais et il est parti.»

Alex gara la voiture et déposa sa veste sur mes épaules. Il monta la température du chauffage du véhicule.

«-Il ne demande même pas de mes nouvelles... Je le hais tellement... Chuchotais-je.
-Tu sais Eden, parfois l'amour peut être fantastique, et parfois il peut te briser. Je sais ce que tu ressens. Mais c'est lui l'abruti, c'est lui qui loupe quelque chose. Tu es une fille formidable, et si j'avais un enfant je voudrais qu'il soit comme toi. Tu es plus forte que ce que tu ne penses, et tu arriveras à surmonter son départ. Ne le laisse pas t'atteindre. Concentre toi sur ce qui te rend heureuse lorsque tu es loin de lui. Vis ta vie, sans lui, car il n'en fait plus partie. Alors oui, tu peux dire que c'est un lâche, et tu auras raison, mais il faut arriver à cesser de le détester pour cesser de l'aimer. Tu dois juste t'en foutre. Tu dois l'ignorer, et il reviendra. Et ce jour là, lorsqu'il reviendra, tu pourras lui faire mal. Tu n'auras qu'à lui dire que tu ne le déteste pas mais que tu ne ressens plus rien pour lui, et ce sera un millier de fois plus douloureux qu'un simple "je te hais".»

C'était bien ça le problème. Il m'était impossible de m'en foutre. Soit je l'aimais à en crever, soit je le détestais à vouloir l'en tuer...

Amour InterditWhere stories live. Discover now