XIV

6K 297 6
                                    

Plusieurs jours étaient passés et Reagan et moi n'avions plus parlé de ce presque baiser. Comme si rien n'était jamais arrivé. À un tel point que je me demandais si je n'avais pas rêvé ce moment. Ou alors peut être que nous n'en avions pas parlé car mes parents étaient à la maison. Quoi qu'il en soit aujourd'hui nous n'étions que tous les deux et je comptais bien en profiter. Ce matin j'étais partie courir très tôt pour que la journée soit plus longue. Je rejoignais Reagan dans le salon. Il ne m'avait pas remarquée, il regardait la télévision.

«-Bonjour. Dis je
-Tu m'as fait peur ! Fit Reagan en se retournant brusquement vers moi.
-Tu sais la moindre des choses quand on te dit bonjour, c'est de répondre.
-Askip. Rit-il.»

Je ne pu m'empêcher de sourire et lui non plus. Il m'observa en silence.

«-Quoi ? Demandais je.
-Tu ne m'as jamais laissé t'expliquer pourquoi je me comportais comme un idiot.
-Parce que tu as dit que je ne comprendrais pas.
-Je sais ce que j'ai dit. Mais je crois que j'avais juste peur de te décevoir si je te l'expliquais.»

Il paraissait gêné, mais je sentais qu'il avait besoin d'en parler et je voulais l'écouter. Je m'asseyais à côté de lui dans le canapé et je pris sa main dans la mienne. Une fois de plus nos doigts s'entremêlèrent à la perfection. Je pris la parole d'une voix douce et rassurante.

«-Tu peux tout me dire, je ne te jugerais pas.
-D'accord. Par où commencer... ?
-Par ce qui a été le plus douloureux. Ce qui t'a amené à changer.
-Ma mère...
-Alors parle moi de ta mère Reagan.
-Ma mère était la seule famille que j'avais. Elle n'était pas extraordinaire mais elle se débrouillait comme elle pouvait. Elle travaillait beaucoup, elle devait gérer financièrement et s'occuper de moi. Mais à force de trop travailler elle avait des problèmes de santé dus au stress. Et quand j'avais onze ans elle a perdu son travail à cause de sa santé. Pendant quelques mois elle a cherché un nouveau job mais elle a été rejetée de tous les entretiens qu'elle passait. On était dans la merde et on avait beaucoup de dettes. Ma mère ne savait plus trop quoi faire, on avait aucune famille, on était juste tous les deux. Et... Elle a commencé à se prostituer, parce qu'on avait vraiment besoin d'argent tu sais. C'était tellement horrible pour elle qu'elle s'est mise à boire et à se droguer pour oublier ce qu'elle faisait. Plus le temps passait, plus je voyais de gars défiler dans notre appartement et encore une fois je n'étais qu'un gamin alors je ne comprenais pas bien. Au début je m'occupais de ma mère après chacune de ses cuites et puis quand j'ai commencé à me dire que le temps m'était compté j'ai fait de moins en moins attention à elle. Je rentrais même plus chez moi la plupart du temps. Et à l'âge de quatorze ans j'étais déjà livré à moi même. Les gens me faisait pas mal de remarques et j'avais honte d'être son fils. Alors je passais ma vie dehors pour ne pas la voir. Parce que ce qu'elle était devenue me dégoûtait même si je savais qu'elle l'avait fait pour moi, pour que je ne manque de rien. Mais je la détestais. Je la détestais parce qu'elle avait vendu son corps pour me payer un toit et de quoi manger. C'était de ma faute et je la détestais. Et le pire Eden, c'est que quand elle est morte ça ne m'a rien fait. J'ai rien ressenti. Aucune peine. C'était même un soulagement. Parce que je ne pouvais plus la regarder en face depuis des années... Je n'ai même pas voulu venir à son enterrement. C'est dégueulasse de dire ça, je le sais, mais au moins tu sais la vérité.»

Il baissa la tête, ses yeux brillaient. Il se sentait coupable et il semblait honteux. Il venait de me révéler la partie la plus sombre de son passé. Mais je n'étais pas déçue contrairement à ce qu'il pensait, je l'admirais.

«-C'est pas grave. Murmurais je.
-Le truc c'est qu'avant je pensais être heureux et quand je suis arrivé ici et que je t'ai vu... Je me suis rendu compte que j'étais loin d'être heureux. Et maintenant je commence à avoir de la peine pour ma mère. Comme si t'avoir dans ma vie avait ramené la meilleure part de moi que je refoulais. La vérité c'est que depuis que je te connais j'ai enfin l'impression que quelqu'un en a vraiment quelque chose à foutre de moi. Et t'es la seule personne qui me donne cette impression. Alors ça me donne envie de faire des efforts pour toi. Je crois que je tiens vraiment beaucoup à toi. Je tiens plus à toi qu'à qui que ce soit d'autre, je pourrais même donner ma vie pour toi.»

J'étais si touchée, c'était la plus belle chose que l'on m'ait dite depuis longtemps. La plus belle chose qu'un homme m'ait dite depuis ma venue au monde. Je regardais son visage, il était si beau. Trop beau pour moi, trop parfait. Et pourtant il était là à me tenir la main. Je relevais son menton et je plongeais mon regard dans le sien. Reagan Buckner, si tu n'étais pas mon demi frère je t'aurais déjà embrassé mille fois... Il reprit la parole et on se mit à chuchoter comme si nous n'étions pas seuls dans la maison.

«-J'ai horreur de ce silence, dis quelque chose... Fit Reagan.
-Je n'ai pas envie de parler.
-Alors de quoi as tu envie ?
-Tu le sais très bien. Répondis je timidement.
-Je le sais, mais je veux te l'entendre dire.
-J'ai envie de faire ce qui nous est interdit.
-Tu en es sûre ?
-Je sais à quel point c'est malsain, mais j'en meurs d'envie...
-Alors laisse moi le faire.»

Je hochais doucement la tête en signe d'approbation. De toutes façons même si ma conscience me criait que c'était dégueulasse, mon corps tout entier en brûlait d'envie et je n'étais pas capable de lutter face à ce désir charnel. Il fallait que je l'embrasse. Je ne pouvais plus attendre. Sa main gauche se glissa sur ma joue et il posa sa main droite au creux de mes reins. Je frissonnais au contact de sa peau si chaude. Plus son visage approchait, plus le rythme des battements de mon coeur s'accélérait et ma respiration devenait difficile. Je fermais les yeux et ses lèvres se posèrent avec douceur sur les miennes. Il m'embrassa délicatement mais longuement. Tout mon corps s'enflamma instantanément tandis que ses lèvres remuaient contre les miennes. J'avais l'impression que mille papillons s'envolaient en moi. Ce n'était pas un simple baiser quelconque. C'était un baiser passionnel de mon demi frère, et aussi mal que cela pouvait être, j'adorais ça.

Amour InterditWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu