XXI

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Je ne pouvais pas m'endormir, surtout lorsque je pensais au départ de mon demi frère qui approchait à grand pas. Je ne voulais pas qu'il s'en aille loin de moi. J'avais besoin de lui, j'aurais toujours besoin de Reagan. Il était une part de moi. Je voulais profiter de chaque instant que la vie m'offrait à ses côtés, et même plus encore. Je continuais de rêvasser puis, dans les environs de trois heures du matin, je parvenais enfin à m'endormir. À mon réveil, la lumière du soleil filtrait par le store mal fermé, envahissant ainsi la quasi totalité de la pièce et agressant ma pupille. Je refermais les yeux aussitôt, quelque peu éblouie. Mais rapidement je les ouvris à nouveau car mon téléphone vibra tapageusement pour m'annoncer que j'avais reçu un message de mon demi frère. Et bien sûr je ne tardais pas à l'ouvrir. Ce n'était qu'un mot. Qu'un simple mot. Oui, un seul. Mais un mot d'une grande signification pour nous : "Bonjour". Je ne pu m'empêcher de sourire comme une idiote. Il avait ce don de me donner le sourire à n'importe quel moment de mes journées, et ce même dès le réveil. C'était une de ses nombreuses et indénombrables qualités. J'aimais sa bonne humeur matinale qui contrastait avec mon mauvais caractère. Mon téléphone ne tarda pas à se faire entendre à nouveau, et mon sourire redoubla d'intensité à la vue du nom de l'expéditeur : Reagan bien sûr.

Ce qu'il m'avait envoyé ? Et bien je suis sûre que vous le devinez ! "Tu sais, la moindre des choses, quand on te dit bonjour, c'est de répondre".

Mes doigts s'empressèrent de taper sur l'écran à toute hâte pour répondre, comme à notre habitude, par un seul mot tout aussi insignifiant mais avec une telle valeur à nos yeux... C'était le genre de rituel qui disparaitrait si Reagan décidait de partir. Il était clair que j'aimais sa présence... Mais je n'avais pas le droit d'aimer plus que cela. Je n'avais pas le droit de l'aimer lui. Je le savais, et lui aussi. Et ce qui s'était passé la veille ne devait plus arriver à nouveau. Reagan était mon demi frère et Noah était mon copain. Je ne pouvais pas me permettre de laisser mon esprit s'imaginer l'impossible blessant un autre au passage. Il fallait que je sois raisonnable, je ne voulais pas être la salope dégueulasse qui trompe son copain avec son demi-frère ! Je fixais mon téléphone, totalement hésitante, avant d'effacer le message que j'avais écrit presque instinctivement. Peut être que j'aimais ça, recevoir des messages de mon demi frère, mais ce ne sera pas si facile pour lui de se faire pardonner. Pas cette fois du moins... Je me levais et je me préparais rapidement. Je m'élançais sur la jetée, ajustant le rythme de mes pas à celui de la musique qui grésillait tristement dans mes écouteurs. J'observais le paysage gris défiler tout en continuant de me demander si rester à Morgat n'était pas une erreur. Je m'arrêtais pour reprendre mon souffle quand deux mains se posèrent sur mes yeux. Ça aurait pu être n'importe qui, mais je connaissais cette odeur. C'était un parfum que je connaissais plutôt bien, et pour cause : il s'agissait de celui de Reagan. Il retira ses mains et je me retournais pour lui faire face.

«-Qu'est ce que tu fais ici ? Demandais-je, surprise.
-Bonjour. Fit il en souriant de ses dents blanches parfaitement bien alignées.
-Je suis sérieuse, tu m'as fait peur.
-Tu sais la moindre des choses, quand on te dit... Commença mon demi frère.
-Je n'ai pas envie de jouer ! Le coupais je.
-Mauvaise semaine ? Rit il.
-Mauvaise journée. Répondis je sèchement.
-Je peux l'améliorer peut être ?
-Et comment tu compte t'y prendre ?
-Un peu comme ça.»

Reagan me tira vers lui et m'embrassa avec entrain. Comme par un engrenage, mes lèvres remuèrent, en un rythme parfaitement bien synchronisé, contre les siennes avant même que je ne comprenne ce qui se passe. Je le repoussais rapidement et je m'empressais d'examiner les alentours dans l'espoir que personne ne nous ai vu. Heureusement, à cette heure ci, la plage était déserte à l'exception d'un vieillard qui promenait son chien et qui n'avait visiblement même pas fait gaffe à notre présence. Mon demi frère contempla mon visage comme pour essayer de deviner ce que je ressentais. Je détournais la tête vers la mer. C'était si dur de lui résister...

«-Alors, ça a marché ?
-Est ce que tu es sérieux ?
-Quoi ?
-Tu sais très bien que je suis avec Noah !
-Entre nous, et sans vouloir te vexer, ta relation avec Noah n'est qu'un détail.
-Ah bon ? Et pourquoi ça ?
-Parce qu'il ne t'aime pas comme je t'aime, et que tu ne l'aimes pas comme tu m'aimes.
-Et qui te dis que je t'aime ?
-Je te connais, Eden. Tes yeux ne mentent pas, eux.
-Peu importe, ce n'est pas une raison pour agir comme un crétin. Et puis tu te rends compte qu'on n'est pas dans ta chambre et que n'importe qui aurait pu nous voir ?
-Je sais, et je suis prêt à prendre le risque, peu importe ce que quelques abrutis peuvent bien penser ou dire de nous. Je suis prêt à supporter toutes les remarques qu'ils pourraient nous faire simplement parce que je t'aime.
-Et bien tant mieux pour toi Reagan, mais ce n'est pas mon cas. Je ne peux pas me foutre de ce que les gens pensent, pas comme tu te fous de tout.
-Tu devrais pourtant.»

Son regard était sérieux cette fois, il ne plaisantait plus. Mais je ne pouvais pas lui donner raison, car une part de moi savait que vivre cette relation avec lui était mal. Il fallait que je sois claire et que je mette un terme à tout ça.

«-Je ne partirais pas avec toi Reagan. Tu pourrais me le demander autant de fois que tu le souhaites que je ne changerais pas d'avis. Ma vie est ici, à Morgat. Elle n'est pas avec toi, mon demi frère, à Londres.
-Et qu'en dit ton coeur ?
-Peu importe, ce n'est pas lui que j'écoute.
-Tu ne sais pas ce que tu rates. Tu es peut être en train de laisser partir notre dernière chance Eden.
-Il n'y a pas de "dernière chance". Toi et moi ça n'aurait jamais dû arriver. C'était une erreur. Je suis désolée mais tu devras partir sans moi.
-Comme tu voudras. On se voit pour les vacances d'été alors.»

J'hochais la tête avec le coeur lourd de regret. Au fond, je savais que tout était mieux ainsi, pour nous deux, mais une part de moi désirait encore que cette relation soit possible.

Amour InterditWhere stories live. Discover now