XXIV

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Les jours, les semaines, les mois ont passé depuis le départ de Reagan, et pourtant il m'était toujours impossible de penser à autre chose qu'à lui. Je le haïssais d'être parti sans prendre la peine de me dire au revoir. Je lui en voulais de n'avoir jamais répondu à mon message... Je lui avais clairement fait comprendre que je ne pouvais pas aimer quelqu'un comme je l'aimais lui... Et il était parti. Au début j'étais si mal que j'en passais mes journées au lit à penser à lui, à nous, à ce que nous avions et à tout ce que j'avais perdu avec lui. Les premiers temps, je fixais mon écran de téléphone, chaque matin et chaque soir, avec espoir d'une réponse qui n'arriva jamais. Au fil de ces trois derniers mois j'avais fini par prendre le pli, je ne laissais plus paraître ce manque que je ressentais vis à vis de lui. Je lui accordais toujours quelques pensées, et parfois quelques larmes, mais j'avais arrêté d'espérer des nouvelles de lui. Il n'en n'avait jamais donné, il m'avait même bloquée sur les réseaux sociaux pour que je ne puisse plus le contacter. Mais une chose n'avait pas changé depuis le départ de mon demi frère : je ressentais toujours autant de haine vis à vis de mon père. Car après tout, il n'avait jamais accueillit son fils à bras ouverts, et n'avait jamais manqué une occasion de lui faire payer son existence en un an de vie commune. Ma mère aussi lui en voulait énormément, puisque, par je ne sais quel miracle, elle avait su apprécier Reagan à sa juste valeur et avait eu de la peine lors de son départ. Depuis mes parents hurlaient l'un sur l'autre en permanence, et mon père et moi nous entendions encore moins qu'avant. Ma situation familiale était précaire, elle avait virée à l'opposé de ce qu'elle était auparavant, et cette fois ci mon père ne pouvait plus accuser Reagan. Ma vie était redevenue aussi basique et ennuyeuse que lorsque je ne connaissais pas mon demi frère, à croire qu'il était le seul qui pouvait rendre ma vie intéressante. Ma mère entra dans ma chambre et souffla. Je retirais mon casque audio de mes oreilles, je savais ce qu'elle allait dire, c'était habituel ces temps ci.

«-Ton père est un con. Lâcha-t-elle enfin.
-Les hommes sont tous des cons, maman. Me contentais-je de répondre.
-Tu dis ça à propos de Reagan ?
-Bien vu Sherlock.
-Reagan est un bon garçon, tu sais... Il n'avait pas le choix, il faut le comprendre.
-T'es sérieuse là ? Ris je, totalement ébahie.
-Eden, ton père ne lui a pas franchement laissé d'autres choix...»

Pour la première fois depuis toujours je ne comprenais pas ma mère. Pourquoi prendre la défense d'un abruti tel que mon demi frère ? Pourquoi défendre une personne qui avait fuit ceux qui l'aimaient ?

«-Arrête de le défendre. Tu sais bien que tu te mens, il avait le choix. Tu étais là, j'étais là, il pouvait se battre pour nous. Il a simplement choisi de fuir comme un lâche.
-C'est moi qui le défend ? Eden, tu penses vraiment que je suis aussi conne que ton père ?»

Je peinais à déglutir. Savait elle quelque chose à propos de mon aventure avec Reagan ? Une boule se forma au creux de mon ventre. Je serais les poings et mes ongles s'ancrèrent douloureusement dans la paume de ma main.

«-Comment ça ? Bégayais-je.
-Je sais très bien que les fois où vous rentiez après le couvre feu vous n'étiez pas chez Hazel, du moins lui ne l'était pas. Il était dehors. Et tu le défendais.
-Mais simplement parce qu'il ne faisait rien de mal...
-Et aujourd'hui encore, il ne fait rien de mal. Il a uniquement besoin d'espace, besoin de s'éloigner de ton père... Tout comme moi à vrai dire.»

Cette fois ci, je compris que la situation était plus grave que ce que mes parents voulaient bien laisser paraître. Leur mariage menaçait de se rompre, on en était arrivés à ce point... Je me levais et pris la main glacée de ma mère.

«-Qu'est ce qu'il t'a encore dit ? Demandais-je doucement.
-Rien qui n'en vaille la peine d'être répété, mais je ne peux plus supporter toutes ces tensions. Je pense que je vais partir quelques temps.
-Ne me laisse pas avec cet abruti je t'en supplie.
-Oh, Eden... Ne parle pas comme ça je t'en prie, c'est ton père tout de même.
-Si tu savais comme j'aimerais qu'il ne le soit pas... »

Elle sourit faiblement et me prit dans ses bras. Elle pensait surement que j'abusais de mes mots à cause de la colère et pourtant... J'avais toujours eu plus ou moins de mal à m'entendre avec mon père. Il était trop strict, trop sévère, trop envahissant, trop stressant, trop différent de moi. Rien ne lui convenait jamais, peu importe ce que je faisais, peu importe combien je réussissais, ce n'était jamais assez pour lui. Et plus je grandissais, plus je réalisais combien je ne lui ressemblais en aucun point.

«-Fais tes affaires, je vais appeler mamie. Chuchota ma mère.»

Un léger sourire s'empara de mon visage. -Je n'aurais plus à supporter mon père ni les souvenirs de Reagan, toujours omniprésents dans cette maison. Songeais je.- Et en effet ce fut le cas, rapidement ma mère trouva un petit appartement dans lequel on s'installa toutes les deux durant les vacances d'été. Elle travaillait deux fois plus qu'avant et n'était pratiquement jamais à la maison, mais nous étions soulagées d'un poids car nous n'avions plus à supporter mon père. Je lui rendais toujours visite un week-end sur deux, mais ce n'était que parce que ma mère m'y obligeait en attendant le jugement du divorce. Les cours avaient repris et rien n'avait changé. Hazel et Noah étaient toujours les seules personnes avec qui j'aimais passer du temps.

Le mois de septembre m'avait paru court et nous étions déjà à la moitié de ce trimestre. Les vacances d'octobre étaient donc presque terminées, je me rendis sur la jetée pour profiter une dernière fois de mes vacances malgré un vent frais déjà plus que présent. Je posais mes affaires sur la plage déserte et je m'avançais jusqu'à l'écume laissée par les vagues. Je restais face à la mer en attendant que l'eau froide n'atteigne mes pieds et se retire. Cet endroit me rappelait toujours Reagan malgré les sept mois passés depuis son départ. Je savais très bien ce qu'il m'aurait dit si il avait été avec moi à cet instant; "cap ou pas cap ?". Je ne pu m'empêcher de sourire et les mots sortirent de ma bouche instinctivement.

«-Cap, Buckner !» Dis-je à haute voix, comme si il pouvait m'entendre.

Je retirais ma robe et je me jetais à l'eau précipitamment, fendant les vagues avec mon corps. Je nageais quelques minutes puis je ressortis, grelotante mais fière, pour attraper ma serviette. Une voix se fit entendre dans mon dos.

«-Ça alors, tu l'as fait ! S'écria la voix masculine.»

J'avais déjà entendue cette voix, mais il était dur de dessiner le visage de celui à qui elle appartenait...

Amour InterditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant