Chapitre 14 - Laïa

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Hier soir, j'étais tellement prise dans l'écriture que j'ai oublié de fermer les volets, ce qui fait que la lumière du jour entre dans la grande pièce. Le soleil est caché derrière les nuages et le ciel est voilé. C'est bientôt l'hiver, il fait de plus en plus frais. Je regrette déjà l'été.

— Il faut se lever, mon cœur.
— Quelle heure est-il ?
— Midi moins le quart.
— Je me lève.
— Le repas est en train de cuir. Tu as le temps de prendre une douche si tu veux.

J'attends qu'elle sorte avant de m'étirer et de me lever. J'ouvre la fenêtre et je fais un peu de rangement. Je choisis ensuite mes vêtements, me dirige vers la douche et fais couler l'eau chaude pendant que je me déshabille. Une demi-heure plus tard, j'éteins l'eau et je sors. Je me regarde dans le miroir. Ça va je ne suis pas horrible. Je me brosse les dents, puis les cheveux et je suis prête.

— Tu fais quoi cet après-midi ?
— Je vais travailler mon exposé.
— Avec qui ?
— Naïl.
— Encore ?
— Oui.
— Je vais commencer à croire que tu me caches quelque chose.
— Ce n'est pas ce que tu penses.
— Tu vas me dire que c'est ton professeur de français qui t'a mise avec lui ?
— Bah oui puisque c'est la vérité.
— Vous allez travailler où ?
— Je ne sais pas, il passe me chercher à quatorze heures.

On termine de manger dans le silence. Une fois le repas terminé, je l'aide à débarasser puis je retourne dans ma chambre pour terminer de me préparer.
Il faudrait peut-être que je pense à me couper les cheveux. Ils sont très longs et les pointes sont toutes abîmées.

— Ma puce, il faudrait que tu jettes tes vieux vêtements.
— Si je m'en débarrasse, je n'aurai plus de vêtements !
— On ira en acheter d'autres.
— Je ne sais pas maman, je n'ai pas très envie.
— Quand tu changeras d'avis, fais-moi signe.

Je sais très bien qu'elle n'attend que ça mais je suis bien dans mes vieux vêtements et je n'ai pas envie de les changer pour le moment.

J'entends la sonnette de la porte. À cette heure, ce ne peut qu'être Naïl.

— Salut, Laïa.
— Salut... entre.
— Merci.

Je le regarde s'avancer. Je n'avais jamais remarqué qu'il marchait avec autant de classe et qu'il soignait toujours sa façon de s'habiller. Il a ce petit truc qui le rend différent des autres.

— Bonjour, madame.
— Bonjour. Tu dois être Naïl ?

Je me retourne en entendant la voix de ma mère.

— Oui.
— Et bien enchantée ! Laïa m'a beaucoup parlé de toi.
— C'est vrai ?
— Non. Bon je vais chercher mes affaires.

Merci maman ! Maintenant il va croire que je m'intéresse à lui alors que c'est faux !

Je récupère mon sac qui est posé sur mon bureau et j'y retourne. Je prends une grande inspiration avant de m'avancer vers eux.

— C'est bon.
— Au revoir, madame Peterson.
— À ce soir, maman.

Je ne la laisse pas parler. J'attrape la main de Naïl et l'entraîne dehors avant que ma mère lui dise de revenir quand il veut. Une fois dehors, je m'arrête en me rendant compte que je lui ai pris la main. Je le regarde et je le vois sourire.

— Désolée.

Je tourne la tête en me sentant rougir. Je suis persuadée que je ressemble à une tomate. Je le vois passer devant moi et se diriger vers sa voiture. Je le suis sans faire de bruit.

— Après toi, dit-il en m'ouvrant la portière.
— Merci.

Il referme la porte et vient s'installer. On prend la route. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il m'emmène. Tout ce que je sais, c'est que c'est en dehors de la ville.

Après vingt minutes de route, on descend de la voiture. Je ne connais pas du tout cet endroit alors je le laisse me guider.

— Suis-moi.

Je fais ce qu'il me dit et je le suis. On prend un petit sentier recouvert de buisson qui mène à une grande clairière. Il y a une grande pelouse avec un petit lac entouré de pontons où l'on peut s'asseoir et tremper nos pieds. Il y a pleins d'arbres dont la majorité sont des saul pleureurs. Je trouve ce lieu magnifique ! Je me demande comment c'est lorsqu'il fait beau.
Je pose mon sac sur la table et m'avance jusqu'à l'eau. Je me penche et l'effleure de mes doigts. Elle est froide. Je contemple la vue avant de fermer les yeux, laissant le vent caresser mon visage.

— C'est ici que je viens quand j'ai besoin de m'isoler, me confie-t-il.
— C'est juste magnifique... j'adore cet endroit !
— C'est notre endroit maintenant.

Je tourne la tête vers lui. Il regarde droit devant lui et ne semble pas remarquer que je l'observe. Ça me fait bizarre de me retrouver là, avec lui, mais ça me fait plaisir qu'il veuille partager son endroit préféré avec moi. Je l'observe encore un peu. Les traits de son visage sont très fins et son teint fait ressortir ses yeux. Je le trouve vraiment beau. Je ne le connais pas très bien mais je sais que c'est une bonne personne malgré le fait qu'Olivia se serve de lui et qu'il ne fasse rien.

— Je sais que je suis beau mais à force de me regarder, tu risques de tomber amoureuse.
— Je...

Je tourne la tête et je regarde droit devant moi.

— Pourquoi les profs nous mettent toujours ensemble ? l'interroge-je.
— Je ne sais pas. Peut-être qu'on forme une bonne équipe.
— Peut-être... Est-ce qu'Olivia te manque ?
— Non pas vraiment. Je suis désolée que tu aies eu tous ces problèmes par ma faute.
— Ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.
— Quand je te regarde dans les yeux, je peux voir une personne qui a beaucoup souffert, dit-il en se tournant vers moi. Tu es une fille mystérieuse.

Je ne sais pas trop quoi dire. Il n'a pas totalement tort dans ce qu'il dit. Si je suis aussi mystérieuse, c'est parce que je ne parle presque jamais de ma vie privée. J'ai bien trop peur que mes secrets, mes hontes... se sachent.

— On va travailler ?
— Tu ne pourras pas toujours fuir, Laïa. Tu ne pourras pas toujours te réfugier dans ton carnet et tes études.

Je me lève et je m'approche de la table en bois. Je sors nos affaires pour que l'on puisse commencer notre exposé. Ce garçon me déstabilise et ses paroles m'intriguent. J'ai même peur de passer du temps avec lui. J'ai peur de tomber dans ses filets. Je ne dois pas faire la même erreur que dans le passé.


•••

— Merci, Naïl, le remercié-je en descendant de la voiture.

Je rentre chez moi sans me retourner. Bizarrement, j'ai passé une bonne journée en sa compagnie. Ce qui me fait penser qu'il faut que j'appelle Ayden.

— Allô, Ayden ? Est-ce qu'on peut se voir ?
— Maintenant ?
— Oui.
— Euh ouais, où ça ?
— Au parc.
— Ça marche, je serai là dans cinq minutes.

Je raccroche.
Je préviens ma mère et je me rends au parc. Il est grand temps qu'il me dise ce qui le tracasse tant.

— Pourquoi voulais-tu me voir ?
— Je vois bien que ce n'est pas la grande forme. Tu es distant et tu as l'air perdu dans tes pensées. Ne me dis pas le contraire parce que je ne te croirai pas.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
— Pourquoi tu es comme ça ?
— Mes parents ne sont pas mes parents biologiques, crache-t-il.
— Tu es sûr de ce que tu avances ?
— Oui sinon comment expliques-tu le fait que je ne leur ressemble pas et que je sois totalement différent d'eux ?
— Ça ne veut rien dire tu sais.
— J'en suis certain, Laïa. Il y a des détails qui ne trompent pas. Il faut que je retrouve ma famille biologique.
— On va les retrouver. Je t'aiderai.

[1] Naïve et impuissanteWhere stories live. Discover now