Chapitre 42 - Laïa

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Je sens une présence derrière moi. Je n'ai pas besoin de voir qui est la personne, je la reconnais rien qu'à son parfum. Il pose sa main sur mon bras et la laisse glisser jusqu'à ma taille. Je sens un frisson parcourir mon corps, mes jambes deviennent molles et j'ai le souffle coupé. Je n'ose pas bouger. Il répète la même chose de sa deuxième main et me retourne face à lui en me plaquant contre les casiers. Toute la haine que j'ai pu apercevoir dans son regard a disparu. J'y retrouve mon reflet, le calme et l'estimation qu'il éprouvait pour moi. J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vu. J'ai l'impression que ses yeux ont pris une couleur plus intense et que ses cheveux se sont noircis. Il s'approche de plus en plus jusqu'à coller nos fronts. Je ferme les yeux et j'avale ma salive. Ne fais pas de conneries Naïl s'il te plaît...

— Naïl... à quoi tu joues ?
— Chut ne dis rien et laisse-toi faire.

Il pose ses lèvres sur les miennes. Cette magnifique sensation m'avait manqué. À chaque fois qu'il m'embrasse j'ai l'impression d'être unique à ses yeux, d'occuper la première place... Je me sens bien. Il se détache de moi. Je souris et j'ouvre les yeux. Il n'exprime aucune émotion, il reste neutre.

— SALOPERIE !

Je tourne la tête vers Olivia qui débarque, le regard remplit de rage. Je savais que ça allait mal tourner. Pourquoi m'as-tu embrassée, Naïl ? Je m'écarte de lui et des casiers en me tenant bien droite. Elle arrive devant moi, furieuse et me pousse violemment contre les casiers en me tenant par le col de mon tee-shirt. Elle ne me fait pas peur et pour une fois, je me sens prête à lui tenir tête.

— D'où tu embrasses mon mec ?
— Ton mec ? Laisse-moi rire !
— Je vais te tuer.
— Bah vas-y ne te gêne pas. Aie le courage de terminer ce que tu as commencé la dernière fois.
— De quoi tu parles ?
— Je sais très bien que c'est toi qui m'a agressée. PERSONNE N'ÉTAIT AU COURANT HEIN !
— Ferme-là !
— Sinon quoi ? Tu vas me faire des cicatrices au couteau ? Ah non tu ne peux pas, c'est déjà fait !
— Mais ferme-là putain, tout le monde nous regarde.

Je regarde autour de nous. Tout le lycée est réuni, c'est étonnant dis donc ! Tout le monde est là quand miss perfection essaie de victimiser une personne ! Je souris. Pour une fois j'ai l'avantage et je compte bien en profiter.

— Oh excuse-moi miss mais il faut bien que tout le monde sache quel genre de personne tu es.
— Ne fais pas ça.

Je me défais de son emprise et avance de trois pas. Pas plus, pas moins.

— Puisque tout le monde semble idolâtrer cette fille, je vais rétablir la vérité.

Je lui jette un coup d'œil. Ça me fait plaisir de savoir que pour une fois, elle n'est pas en position de force. Il est hors de question que je me laisse faire, j'ai trop longtemps fermé ma bouche.

— Depuis le début de l'année tu me persécutes, tu me rabaisses et tu m'humilies devant tout le monde. Qu'est-ce que je t'ai fait à la fin ? En quoi ça t'amuse de faire tout ça ? Tu me menaces, tu m'agresses avec un couteau... Tu es tellement jalouse des autres qu'il te faut à tout prix un moyen pour te mettre en avant mais tu es juste ridicule !

Je m'approche d'elle et pose mon doigt sur son épaule. Je continue :

— Depuis la rentrée je ferme ma bouche mais c'est terminé ! Tu n'es personne pour te moquer des autres et tu n'es personne pour te croire au-dessus de tout le monde alors qu'au final tu es au même niveau que nous tous ! Tu as peut-être plus d'argent que certains élèves, tu as peut-être des vêtements de marques mais écoute bien ce que je vais te dire : sans tout ça tu n'es rien. Tu es peut-être riche mais tu ne es pauvre intérieurement. Tu es dénuée d'amour, tout ce qui compte pour toi c'est ta petite personne. Tu te moques d'humilier les gens tant que toi tu te sens bien dans ta peau mais ce n'est pas ça la vie.

Je lui tourne le dos et je m'en vais. J'espère que je n'ai pas été trop méchante mais elle le méritait. Il fallait bien que quelqu'un la remette en place.

— Tu n'es qu'une ordure, une salope, une merde ! Je vais te tuer !

Elle court dans ma direction et essaie de me donner un coup. Malheureusement pour elle, je saisis son poignet avant qu'il me touche. Elle tente de nouveau sa chance avec l'autre main mais je le lui attrape aussi.

— Violence physique et violence morale... Tu vas prendre cher ! Je me suis renseignée et je vais aller porter plainte.
— VIPÈRE !
— Je fais juste ce que j'aurais dû faire depuis longtemps.

Je la lâche et elle recule jusqu'à heurter le casier.

— Viens te battre si t'es une femme !

Je ne la calcule pas et je continue mon chemin.

— C'est bien ce que je pensais. Tu as peur de m'affronter, ce que je peux comprendre vu la raclée que je t'ai mise la dernière fois en boxe.

Je m'arrête. Je me rappelle très bien de ce jour où je me suis faite humilier devant tout le monde alors que j'étais censée savoir me défendre, j'ai même été à l'hôpital !
La colère monte en moi. Je me tourne et je pose mes affaires. Elle ne devait pas s'attendre à mon geste vu son changement de tête.

— Je n'ai pas peur de toi.
— Prouve-le et viens te battre.

Je marche vers elle, déterminée à ne pas me laisser faire. Elle essaie de me donner un coup mais je la devance, mon poing vient atterrir contre son nez. Elle tombe au sol en pleurant.

— Tu viens de me casser le nez !
— Tu mériterais bien pire mais je m'arrête là.

Tout le monde semble choqué. Ils n'ont pas l'habitude qu'une personne s'oppose à Olivia, surtout si cette personne c'est moi, maintenant que c'est fait, plus personne ne se laissera faire. Du moins je l'espère. Je récupère mes affaires et j'y vais. Je ne veux pas rester une seule seconde de plus ici.

— Je me vengerai, Peterson. Tu peux en être sûre !

Elle peut me menacer autant de fois qu'elle veut, elle ne me fait plus peur.

Je passe à côté de Naïl. Je suis déçue, je croyais vraiment qu'il tenait à moi...

Laïa...
— Ne m'approche plus et ne m'adresse plus la parole.

J'entends tout le monde m'applaudir quand je quitte le couloir. Je m'adosse contre le mur et je me laisse glisser. Je ne peux plus me retenir, j'explose en sanglot. Tout ce que je gardais en moi ressort. Je me moque que tout le monde me voit, je ne peux plus faire semblant. Le chagrin que j'ai en moi est bien trop grand. Je suis une idiote d'y avoir cru. J'ai vraiment cru qu'il m'aimait mais il s'est juste servi de moi. Il a voulu la rendre jalouse et voilà ce que ça a donné. Je regrette d'avoir déménagé, je regrette d'être tombée amoureuse de Naïl, je regrette d'avoir été aussi naïve et impuissante. Au fond c'est ce que je suis vraiment.



•••

Je rentre chez moi. J'ai passé une mauvaise journée. J'ai juste envie de prendre une douche et d'aller me coucher. Je n'ai plus aucune force.

Ma mère n'est pas encore à la maison. Je vais pouvoir me plonger dans le noir et regarder un film qui résume ma situation.

— Je suis rentrée !

J'éteins mon ordinateur portable et je vais au salon.

— J'ai une excellente nouvelle pour toi !
— Laquelle ?
— On arrive près du but. Dans quelques mois la famille sera réunie !

C'est une super nouvelle ! En temps normal j'aurais sauté de joie mais je ne peux pas. La déprime prend le dessus sur la joie.

— Ça n'a pas l'air de te réjouir...
— Si je suis super contente.
— Mais ?
— Je n'ai pas trop le moral.
— Raconte-moi.
— Je suis complétement seule...
— Ne dis pas ça... tu m'as moi !
— Oui je sais mais ce n'est pas la même chose.
— Mais tu as Layana.
— On ne se parle plus.
— Et Naïl ?
— Je ne veux pas en entendre parler.
— Viens là.

Elle m'ouvre grand ses bras et je vais m'y réfugier. Quoi de mieux que le réconfort d'une mère...

— J'aimerais aller au commissariat.
— Pourquoi faire ?
— Détailler la plainte.
— C'est-à-dire ?
— Je connais l'identité de mon agresseur, maman.

Elle me regarde étonnée.

— Alors allons-y.

[1] Naïve et impuissanteWhere stories live. Discover now