Frère André

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Je fus tirée de ma rêverie par les percussions de la porte. Je savais que c'était mon frère ainé qui frappait. Depuis quelques temps, et je ne savais pour quelle raison, il rendait de plus en plus visite à Mère. Je le soupçonnais de vouloir la persuader de lui avancer des écus. Ses fonctions d'aide-mémoire ne le payaient donc pas assez ?

Je laissais alors la porte fermée, afin qu'il se lasse et qu'il retourne sur ses pas.

Les coups se firent de plus en plus distincts et de plus en plus impatients. L'espace de quelques instants, je crus que la porte allait céder à son poing. Je ne bougeai point du sofa, satisfaite de l'entendre perdre patience.

-  Aller vous donc m'ouvrir ! Ou au grand damne, vous porterez à votre charge les frais du menuisier pour une nouvelle porte, chère sœur.

Il ne me laissait donc pas le choix. Et n'ayant aucune envie de représailles pour cette pauvre porte, je dus me résigner à le laisser entrer.

J'avais l'impression de revoir mon reflet en tant qu'homme, mêmes yeux gris, mêmes cheveux blonds, mais la silhouette plus large. Il épousseta son uniforme d'aide-mémoire, redressa son col puis revint enfin à moi.

- N'es-tu donc pas heureuse de revoir ton frère adoré ?

Abruti aurait été plus approprié, et je savais bien qu'il était inutile de lui répondre. Il était évident qu'après cette petite comédie, j'avais dit mon mot. La seule chose que je souhaitais de sa part, c'était de connaître la cause de cette énième venue soudaine. Mais l'enivrante odeur du salon m'irritait la gorge et m'empêchait de parler.

- Où est Mère ? C'est elle, et uniquement, elle que je suis venu voir. Je ne veux pas perdre mon temps avec une muette.

Muette, qu'il me considère ainsi ! Je n'avais jamais pu tolérer André, je n'avais pas envie de papoter, et encore moins avec lui. Et puis il dégageait de son être je ne savais quelle aura qui vous glacez le sang au moindre regard. Malgré cela, je répondis tout de même à sa requête, par un signe de tête désignant la cuisine.

- J'en ai plus qu'assez de parler à un mur. Parle-moi ! perdait-il patience comme à chaque fois qu'on se retrouvait seuls.

- Je me suis brulée la main droite, lui répondis-je en lui montrant ma rougeur.

André leva les yeux au ciel, ébouriffa mes cheveux blonds -que je ne peignais que pour de grandes occasions- d'un geste à la fois exaspéré et attendri, puis son attention se détourna vers Mère.

Elle se tenait debout, adossée à la tapisserie qui se faisait la malle, elle balança son regard de moi à André, d'André à moi ... Comment faisait-elle pour ne pas faire trembler les meubles de la maison à chaque pas frappé sur le sol en damier ? Comment faisait-elle pour rester de marbre face à la bête de glace qui lui servait de fils ?

- Est-ce qu'Elle sait ? Dit-elle enfin entre deux oscillations d'aiguilles.

- Pas pour l'instant, lui répondit André.


𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang