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Je n'avais réellement pas envie de me lever. Je savais que si je sortais du lit, je devrais me soumettre aux exigences d'André. Je profitais alors encore un peu de la chaleur de mes draps et de la douceur de mon oreiller. Je touchais l'ecchymose, que j'avais derrière la nuque, celui qu'André m'avait fait en me poussant.

Gamine, j'avais eu la vilaine manie de le défier, sans jamais me soucier qu'il puisse lever la main sur moi. La veille, j'avais compris qu'il en était capable. A chaque fois que je passais le doigt sur la meurtrissure, je sentais un léger picotement et une ancienne nostalgie de ma candeur d'enfant.

Plusieurs minutes s'écoulèrent, avant de me hisser enfin du lit.

Le froid de la pièce gela mes orteils et mes oreilles. La vitre était équarquillée comme les papilles d'une bête affamée, le vent grondait mes rideaux de soie. Je n'y fis rien. Je regardai, dans le seul miroir qui donnait une allure un peu moins hostile à cette pièce, mon teint pâle.

Je me détestais comme je haïssais cette robe de chambre qui me grattait. Mère me l'avait achetée car elle ne supportait plus mon ancienne chemise de nuit. Sans même me demander mon avis, elle l'avait découpée pour en faire des torchons, et m'avait offert celui-ci en contrepartie.

On toqua à ma porte.

- Monsieur votre frère m'a envoyé vous réveiller et vous aider à vous habiller, Mademoiselle Natacha, s'excusa une domestique, les bras pleins de linge propre.

La domestique déposa les vêtements qu'on avait apparemment choisis pour moi : une camisole grise, une vieille robe poussiéreuse, des gants blancs ornés de nœuds noirs et un manteau empli de fourrure à l'intérieur pour supporter le climat glacial du Pôle. Puis elle ferma -grelottante de froid- le battant de ma fenêtre.

- Pouvez-vous sortir de ma chambre pour que je puisse me changer ? dis-je encore un peu endormie.

- Pardonnez-moi, Mademoiselle Natacha, mais Monsieur votre frère et Madame votre mère souhaitent que je vous ais à l'œil.

Mère et André me croyaient réellement capable de fuir ? Je n'avais jamais désobéi à qui que soit, même à mon frère. Je ne voyais pas pourquoi soudainement, j'aurai eu le courage de partir.

Mais la chose qui m'exaspérait le plus, c'était de me dénuder devant cette parfaite étrangère. J'ouvris l'armoire et y sortais un vieux panneau, celui que Grand-Mère avait offert à Mère il y a plusieurs décennies, et qui avait pris l'humidité. Je le dépliai, dévoilant un horrible motif floral, puis me retourna vers la soubrette, le visage creusé par la fatigue et le temps.

- Puis-je alors me changer derrière ce paravent ? Je vous autorise à rester me surveiller dans ma chambre à condition que vous ne me regardez pas.

Cette dernière ne s'étant pas du tout attendue à cette requête, accepta donc de me laisser changer derrière ce magnifique paravent de toile.

J'eus un mal fou à enfiler cette robe qui me sanglait la taille et les épaules. Je soupçonnais Mère de m'avoir donné d'anciens vêtements à elle. Cette défroque, je ne l'avais jamais vu auparavant. J'avais du mal à l'imaginer rentrer dans cette robe, avec ses petites poignées d'amour. Quelques minutes consumées par les aiguilles, je repliai enfin l'objet, et le rangeai dans l'immense armoire de cèdres .

La soubrette s'était plantée devant moi, et me tenait de quoi me débarbouiller le visage. André me pria de me hâter du salon. Sa vigoureuse voix faisait trembler les meubles de la chambre et onduler l'eau de la bassine. Je m'aspergeai vivement d'eau chaude, et me tamponna les gouttes qui perlaient sur ma peau.

Soudain j'entendis des débris de verre s'écraser sur le plancher.

Je dévalais les escaliers pour éviter de faire attendre plus longtemps André, son humeur ne devait pas être des plus douces ce matin. 

- Ah, Natacha, commença André avec une pointe d'ironie dans sa voix, un peu plus et je me serais demandé si tu ne t'étais pas enfuie.

Par simple politesse, je me forçai à rire légèrement, comme s'il avait raconté une plaisanterie.

Derrière lui, une jeune soubrette ensanglantée ramassait des morceaux de porcelaine sur le sol en damier. Cette dernière s'empressa de prendre les débris d'un vase -sûrement de grande valeur-, avant de nous laisser seuls.

- Je vais être franc avec toi, s'empressa-t-il d'ajouter, un aide-mémoire n'a pas la vie facile.

Premièrement, j'espère pour toi que tu as de bonnes jambes, car il te faudra suivre notre seigneur où qu'il aille. Le seigneur Farouk ne viendra pas te chercher dans toute la Citacielle ...

Deuxièmement, ne jamais te plaindre et ne jamais le contredire

Et il me montra une profonde cicatrice sur son avant-bras, un frisson me parcourra le long de la colonne vertébrale.

              . . .Ou tu payera le prix de ton hardiesse. . .

...A présent, venons-en aux choses sérieuses... le Dragon.

Après l'avoir côtoyé pendant un bon bout de temps, je sais assez de choses sur lui pour que tu puisses l'amocher !

Allez mets tes bottes, je t'accompagne au Clairdelune, reprit-il gaiement.



𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant