Souffrances

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Les mois qui défilèrent après la mort de Boris furent épouvantables.Si les prunelles tranchantes de Berenilde m'avait déjà bien assommée de plein fouet, mon corps m'amochait encore plus. Je me entais affreusement mal en point. Il ne passait pas une journée sans que je fus prise d'épouvantables nausées ou de vomissements.Mais ce qui terrifiait bien plus, c'était l'arrondi alarmant de mon ventre.

Je craignais bougrement d'attendre un enfant. Et les petits coups incessants de mes entrailles confirmaient mes doutes. Cette peur me harponnaient avec une telle force l'esprit, que mes nerfs étaient mis à rude épreuve. J'étais encore plus nerveuse qu'une animiste, pour ainsi dire. Le moindre mot de travers, la moindre phrase maladroite m'irritaient au plus haut point. Je me faisais violence pour me pas m'emporter.

Je secouai mes mèches blondes pour me réveiller de ma torpeur. Je me retrouve assisse sur la pierre dure et glacée du sol, à contempler mes rondeurs. Et aujourd'hui, la petite bête enragée que j'avais enfanté avait décidé de passer sa colère à coups de poings et de pieds. Ce n'était ni le moment ni le lieu de me rendre plus anxieuse que je ne l'étais déjà.

Une exclamation d'indignation rugit soudainement dans la chambre de la Roulette. Je reconnus au loin, sur la scène des procès, une cuisinière de Mère qui avait l'air perdu. Je fis signe à la femme au chignon toujours dépeigné, les épaules voûtées, de s'approcher. Elle accouru dans les escaliers de bois des tribunes. Le ministre qui avait été interrompu, continua son discours, le nez pincé. La marmitonne se baissa à ma hauteur,ahanée, puis murmura faiblement :

- C'est M'dame... vot'mère... Mademoiselle. Elle est très malade... Elle n'avait pas arrêté pas d'tousser à s'en tordre l'gorge... Et puis... d'un coup elle est devenue bleue... Bleue comme vot'habit....Alors on est allée chercher l'méd'cin ... et il nous a expliqué qu'elle devait aller au sanatorium... près des Sables d'Opales... Elle veut vous voir ainsi... que M'sieur votre frère.

Mère,malade ? Du plus loin que je puisse me souvenir, elle n'avait été jamais souffrante. Elle était robuste, Mère ! Même s'il lui arrivait quelques fois de toussoter fortement et d'avoir le teint bistre. Mais jamais elle n'avait dû aller se faire soigner pour ses poumons.

- Il faut que je prévienne le seigneur..., réussis-je seulement à répondre entre deux battements de poings.

La domestique me tint un de ses bras potelé, et m'aida à me relever.Elle ne put s'empêcher de dévisager ce que j'essayais de contenir entre mes deux chétives mains. Et au vu de ses iris émerveillées,elle avait deviné que Mère serait à nouveau grand-mère.

Je m'éloignais à tout petit pas de mon siège pour rejoindre celui du seigneur. Alors que je voulus attirer son attention, une ombre m'en dissuada, s'interposant dans mon chemin. C'était mon second. Il me promit de me remplacer et de prévenir le seigneur de mon absence. Ses traits aussi affable qu'une pelote de laine et la boule qui se débattait dans mon ventre, me déconseillèrent de s'opposer à cette adorable attention.

N'ayant pas la tête à réfléchir, j'acceptai sans broncher. Je m'accoudai ensuite à nouveau à la saucière, le corps lourd comme du plomb. Allais-je pouvoir tenir aussi longtemps avec cette douleur atroce qui me rongeait de l'intérieur ? EN cet instant, je me demandais laquelle entre moi et Mère souffrait le plus.

Au bout d'interminables couloirs noirs de monde et d'étages, un entrepôt encrassé où un dirigeable, aussi mal en point que je l'étais, attendait.

Sa toile grise, où perlait des tresses de flocons, était recousue maladroitement à ici et là par des chutes de tissus extravagants,la cabine de cuivre rouillait, et les vitres -qui l'ornaient- étaient vêtues de rosés. Je constatai, avec mûre observation, que l'engin n'avait ps dû voler depuis d'innombrables hivers.

𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin