Les sables d'Opale

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«Six, vous tombez sur le puits , vicomte, le seigneur l'emporte pour la septième fois consécutive. »

Des vivats excessifs fusèrent dans l'immensité du jardin de l'Oie. Ils carillonnaient puissamment dans les feuilles des bruyères et dans le lierre du dôme de verre.

On  émanait, ensuite, de la masse pâle de la foule, quémander une propriété, une usine défraîchie, un cachet d'un feuillet, tout cela au seigneur de marbre. Il ne bougea pas, ne cilla pas, il prit négligemment la plume qu'on lui présentât et, d'une écriture maladroite, signa les papiers.

Alors que la huitième partie s'apprêtait à être jouer, je m'approchai du corps de mon ancêtre, lui chuchotai à l'oreille des murmures inaudibles de là où se tenait les courtisans. Ils n'avaient pas besoin d'entendre ce que je désirai réclamer.

« Trois jours pas un de plus ou vous n'êtes plus mon aide-mémoire »m'avait-il répondu dans le silence intrigué de ses enfants.

*

- Où va-t-on, papa ?

Un son braillard avait tambouriné mes tympans, m'éveillant ainsi de ma torpeur. Freyja avait le don et la manière de réveiller les grandes personnes en s'exprimant -croasser serait un mot plus approprié-distinctement dans leurs esgourdes. Mais cela n'était pas le pire,en effet sa question ne m'étais même pas adressée. A l'évidence,il n'y avait pas cents fillettes capables de parler de la sorte.

Depuis le début de la traversée du train, cette gamine ne cessait de s'agiter sur son siège, et de remplir le silence de sa puissante petite voix. Le garçonnet, quant à lui, restait sagement assis sur le sien à regarder le dehors -où on n'apercevait que des parapets -par la baie du fourgon illuminée.

- Papa te l'a déjà dit, petite sœur, on va au Sable d'Opale, répondit le garçon exaspéré.

- Pourquoi maman n'est pas avec nous, Godefroy ? redemanda la fillette.

- Parce qu'elle ne veut plus entendre parler de Papa, et parce qu'elle est fâchée de sa nouvelle conquête.

Il avait prononcé cela en me dévisageant droit dans les profondeurs de mes iris, en pesant soigneusement sur le dernier mot de sa réponse.Depuis ce matin, c'était bien la première fois qu'il avait posé son regard sur moi.

Le Dragon m'avait conté la querelle, de la veille, qui avait tempêteé entre lui et sa « femme ». Jamais auparavant, on n'aurait vu pareille dispute. Elle était, de ses propos, plus ravageuse qu'une guerre. Des éclats de verre sur le sol, des injures, des entailles à en couper le souffle du seigneur. Le Dragonne s'était presque plus reconnu dans cette bataille. Il se rappelait avoir apposé brutalement sa main balafrée sur la gorge de la chasseuse, effrayée par tant de violence qu'elle en pleurait à chaudes larmes. A bout de nerfs et de violents coups de griffes, il avait eu enfin le courage de la lâcher, le visage prune, et de décamper en claquant la porte, comme un vagabond. Ensuite, il avait demandé, éreinté de son affront, à sa sœur Berenilde de l'abriter de la bise glaciale, et lui avait promis, en échange, de payer les frais d'hospitalité par les gains de sa rémunération.

Ce dernier somnolait contre la vitre du compartiment comme un bébé dans son berceau. Ses cernes et ses joues creuses témoignaient de l'affreuse nuit qu'il avait dû passer.

Les enfants couchaient toujours chez leur mère. Ils auraient dû être au pensionnat aujourd'hui, leur congés n'étaient que dans quelques jours. Et je n'étais pas sûre que leur mère serait ravie de les savoir dans le train et à mes côtés.

Quelques heures écoulées, le train traversa enfin autre chose que des souterrains. Il passa devant un ravissant village -où les masures étaient adossées aux remparts puis dévalant le sable et les forêts- longeant le rivage d'une mer. Les sylves du vide étaient enveloppées dans une pelisse soyeuse de nuage.

𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Onde histórias criam vida. Descubra agora