La treizième favorite

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Dieu eut seulement claqué ses doigts gantés, qu'une vieille porte de lierre m'apparut. La masure sanglante du chasseur, le feu du brasier,le vent qui crissait sur les baies, tout cela s'était évaporé d'un cillement de paupières. Ma stupéfaction, en revanche, eut besoin de beaucoup plus de temps pour se dissiper de mon esprit.

J'observais avec des yeux aussi ronds que des écus, la cour de dalles dans laquelle j'avais atterrie. Il y faisait un tel silence que j'arrivais à distinguer les battements de mon cœur ahuri. Un plus loin,j'aperçus une lanterne où une bougie se consumait faiblement. Ce fut la seule clarté de la ruelle sombre emplie d'ombres des bâtisses imposantes.

Je me retourna ensuite pour faire face à l'embrasure de la demeure, où les noms gravés de Bérenilde et de son époux Nicolas reposaient.Le seuil forgé de l'écusson des Dragons me fit tressaillir légèrement de peur. Je commençais à craindre que cette femme rejeter ma requête, de prendre son neveu sous ses griffes.

Thorn.Il ne sommeillait pas pour une fois, au contraire, il me dévisageait dans l'entrebâillement de ses cils blonds, perplexe. Mon anxiété devait déteindre également sur le gamin, qui ne me quittait pas des yeux.

Je choisis de l'ignorer et de frapper puissamment l'échappatoire de cuivre des Dragons. L'exutoire s'écarquilla sur une femme, aux prunelles pourpres et gonflées. Lorsqu'elle me reconnut à travers l'océan de ses larmes et l'obscurité de la ruelle, ses lèvres se convulsèrent en une mine de répulsion.

- Qu'est-ce que tu me veux ? répondit Bérenilde en guise de bonsoir, les bras nonchalamment croisés autour de sa camisole blanche.

Sur ce, je lui tins le paquet où dormait Thorn. Elle loucha dessus comme s'il s'agissait d'un cadeau empoisonné. Au moins, cela avait eu le don de ravager sa grimace en un rictus incrédule.

Thorn,quant à lui, était pétrifié de peur, et j'appréhendais qu'il allait à se mettre à pleurer, au vu des crissement de ses iris et de son nez.

- Qu'est-ce que...

- Prends ton neveu, tu en as plus besoin que moi. Vu son état de malingre, il ne me sera d'aucune utilité à la Cour, m'empressais-je de lui répondre.

Bérenilde prit le poupon dans ses bras et le berça avec un sourire que seules les vraies mères peuvent avoir.

Thorn s'apaisa, les trait de sa bouille apeuré se relâchèrent. Ses commissures se levèrent faiblement, comme essayant d'esquisser un sourire.

Seule la dame attendrie qui se tenait devant moi pouvait aimer cet immonde enfant.

- Mon fils, Thomas, a été empoisonné, murmura-t-elle, il y deux jours, dans les bras de sa nourrice... Ce petit..., chercha-a-t-elle pensivement le nom du marmot.

- Thorn.

- Ce petit Thorn, reprit-elle, je me promets d'être une meilleure mère que je l'ai été avec mon fils.

Sur ces dernières paroles presque touchantes, elle rentra dans sa masure, le cœur consolé.

En cet instant, je sus que j'avais-  réglé une dette envers la sœur. Je lui avais enlevé son frère, je lui ai donné un neveu. Où qu'il soit à présent, j'étais certaine qu'il serait le plus portant avec Bérenilde. Non, je ne devais plus penser à cet enfant ! Je ne devais crier victoire trop vite, il me restait encore une chose à faire.

Je rebroussai alors chemin cherchant des yeux la tour du seigneur, parmi les hautes pointes des bâtisses des demeures du Pôle. Si l'heure ici n'avait pas de sens, il n'était pourtant pas très prudent que je me promène seule. Les allées étaient encore plus bourbeuses que la dernière fois où j'y étais passé avec André. Des flaques d'eau d'une couleur des plus boueuses et malodorantes s'écoulait parmi les trous des dalles. Les lanternes grésillaient,et menaçaient au moindre courant d'air de s'éteindre. Les résonances de réjouissances résonnaient comme des coups de canon percutants. Les silhouettes efflanquées d'hommes désaltérés à la gnôle faiblissaient à la clarté des flammes des ruelles.

𝕸é𝖒𝖔𝖎𝖗𝖊𝖘 𝕯'𝖚𝖓𝖊 𝕮𝖍𝖗𝖔𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊𝖚𝖘𝖊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant