35. No roses without thorns.

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       «Pas de roses sans épines.»

[Athéna]

«Ça fait longtemps qu'on t'as pas vue traîner dans le coin.»
Me lance John en attrapant un autre verre pour l'essuyer à son tour.
«Fresh little Italy?»
Continu t'il essayant de se rappeler mon plat habituel en fronçant légèrement les sourcils.

«California Burger.»
Le corrigeais-je tandis qu'il mime une tape sur son front.

«Comment ai-je pu oublier?»
M'interroge t'il en se maudissant à voix haute, soulevant ainsi la curiosité de Rayan à en juger sa mine intéressée.
Il ne me laisse pas le temps de répondre à sa question qu'il poursuit.
«Et pour ton ami? Tenez la carte.»
À ses mots, il nous tend une carte qui repose dans un carton traînant sur le plan de travail.
Plastifiée et légèrement défraîchie, il y figure une liste considérable de choix.

Sans un mot, monsieur Abdas attrape la carte huileuse et l'observe minutieusement avant de répondre à John.
«Un Smokey Burger.»
Il repose la brochure avant de rajouter une précision.
«Cuisson saignante et sans sauce.»

«Merci.»
Rajoutais-je à l'intention de John avec un sourire crispé en raison du comportement supérieur dont fait preuve Rayan.

«Installez-vous.»
Nous invite t'il en désignant les tables libres du bras avant de déserter l'endroit pour se rendre en cuisine.

Nous marchons entre les tables sinueuses et nous attablons tout à fait au fond de la salle.
Des cadres et des affiches sont accrochées aux murs, un lustre nous surplombe et Rayan s'empare de la chaise, me laissant ainsi la banquette tel un gentleman.

Pour la deuxième fois de la soirée ou du moins de la nuit étant donné l'heure tardive, nous nous retrouvons face à face.
Cette entrevue paraît moins solennelle, et il émane d'une simplicité que j'apprécie.

Cependant qu'il se trouve en costume ou en habits simple, l'homme d'affaires possède une certaine difficulté à passer inaperçue.
Assit nonchalamment sur la chaise, il parait un autre homme.

Ricanants bruyamment à quelques mètres, deux adolescentes d'une quinzaine d'années se retournent régulièrement afin de se rincer sur l'œil sur le milliardaire qui pousse un soupir d'exaspération.

Un serveur vient couper court à notre attente en déposant le contenu de son plateau sur la table.
Il repart en laissant nos assiettes garnies d'un repas appétissant.

Mon regard qui était plongé dans mon plat vient remonter à l'encolure du tee-shirt de Rayan et lentement, mes yeux viennent scruter le visage du milliardaire.
Il observe les mets fumants qui siègent au creux de l'assiette.

Nous commençons à déguster nos repas respectifs quand Rayan semble avoir une illumination.
«C'est..»
Commence t'il doucement.

«Bon, succulent, délicieux?»
Le coupais-je en cherchant l'adjectif qualificatif le plus apte à son goût.

«Bon.»
Finit-il par répondre après quelques instants.

«Ce sont les meilleurs de la ville.»
L'informais-je en fusillant du regard les deux filles face à moi qui continuent leur numéro insupportable avec leur rire de hyènes.

L'une des deux adolescentes finit par se lever de table et se rapproche de notre table, inconsciemment je fronce les sourcils par incompréhension.

«Vous auriez du sel s'il vous plaît monsieur?»
Questionne la jolie brune avec un sourire gêné.
Ses cheveux lisses retombent en cascades dans son dos, ses yeux verts serpents et son visage uniforme me fait comprendre qu'elle est plus grande que ce que je pensais.

Elle ne me jette même pas un coup d'œil puisque son attention est captée par Rayan qui relève la tête dans sa direction.
Il plonge le regard dans celui de la jeune femme et un sourire taquin vient s'étirer sur ses lèvres.
«Non.»
Finit t'il par répondre sans quitter de vue la nouvelle venue.

J'aimerai dire que je ne suis pas jalouse mais la beauté qui émane de cette femme me fait perdre toute confiance.

Leurs regards ne faiblissent pas et ma présence semble complètement invisible, inexistante.

Je décide de quitter la table pour aller me réfugier dehors, prendre un peu l'air.
Je sors du restaurant sans que l'un ou l'autre me remarque.
Simplement, la fille assise auparavant avec la brune aux côtés de Rayan me toise en ricanant, et j'hésite à lui lever mon majeur avant de me rappeler à l'ordre intérieurement.

Je passe la porte, enfile mes écouteurs, mets ma capuche et range mes mains dans mes poches tout en restant appuyée contre le bâtiment.

Mon sweat blanc contraste avec la nuit, éclairé par les luminaires fluorescents.
Mes cheveux bruns sont en opposition avec la clarté de mon haut et je garde le regard rivé sur les escaliers du métro.
Une pancarte allumée indique les noms de stations, des publicités défilent et des consignes de sécurité sont inscrites en petites lettres avec des logos et symboles auxquels personne ne fait attention.

Trop occupée à contempler les gens s'engouffrant et sortants de ce sous-terrain, j'en oublie les deux personnes qui m'ont fait quitté l'enseigne et j'en perd appétit tout de même.

«T'as pas finis ton repas.»
C'est cette voix qui me sort de ma contemplation du trottoir d'en face.
J'évite de tourner la tête dans sa direction et augmente le volume de la musique dans mes écouteurs.

Mon écouteurs droit est soudain enlevé et Rayan le met à son oreille afin de profiter de ma musique.
J'augmente encore le volume pour l'en dissuader mais il n'en fait rien.

Mais ses doigts viennent se loger dans la poche de mon sweat, effleurant mes mains bien au chaud et baisse le volume du son sur mon téléphone.

Je me décide enfin à le regarder et l'incendie du regard.

La nuit on ne dort pas...

                                 •••

STINKERWhere stories live. Discover now