41. We harvest what we sow.

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«On récolte ce que l'on sème.»

[Athéna]

Rayan est nul au cache-cache.
Une demi-heure déjà que nous jouons au prédateur et à la proie.

Je commence à prendre mes aises dans ce théâtre et c'est lassant donc je décide de partir.
J'en ai même oublié la pièce que nous devions aller voir tellement cette course poursuite occupait mes pensées.

C'est donc confiante que je me dirige vers la sortie, mettant mes écouteurs dans mes oreilles.
Je passe l'imposante porte et inspire une grande bouffée d'air nocturne.

Une silhouette de taille moyenne retient alors toute mon attention et celle-ci semble s'en apercevoir.
Malgré les quelques lampadaires et les somptueuses décorations lumineuses qui règnent sur ce petit boulevard et sur cette façade, je ne parviens pas à distinguer distinctement le visage de la personne.

La femme appuyée contre un arbre face aux escaliers en pierres du grand théâtre me fixe sans bouger, sans ciller et malgré la distance je peux lui trouver un air familier.

A mon tour j'essaie de scruter son visage mais des voitures passent et coupent la vision de cette personne.
Lorsque les voitures sont passées, la femme à disparu sans laisser de trace de son passage.
Comme fantomatique, volatilisée.

Légèrement perturbée par cet échange visuel, j'en oublie Rayan jusqu'à ce qu'il apparaisse à côté de moi.
Je l'ignore et plonge le regard sur un point fixe devant moi.

Il sort une cigarette d'un paquet presque vide et l'allume avant de la coincer entre ses lèvres.
«T'en veux une?»
Me propose t'il en sachant pertinemment que je ne fume pas.

Je continue de l'ignorer, augmente le volume de mes écouteurs et dévale les escaliers tranquillement.

Le milliardaire doit forcément se sentir piqué par ce manque de respect, puisqu'il m'attrape le bras en me faisant mal à mes griffures.
Je retiens un gémissant de douleur en me mordant la lèvre inférieur.

Un goût métallique se répand instantanément dans ma bouche et je me maudis intérieurement de m'être mordue la lèvre aussi fort.

«Je suis désolé.»
S'excuse monsieur Abdas en baissant les yeux.

«C'est rien.»
Déclarais-je froidement encore très irritée par nôtre conversation dans les toilettes.

«Non, pas pour ça.»
Poursuit-il en soufflant de la fumée dans l'air qui se rafraîchit de plus en plus.

Quelques voitures passent devant nous avant que je me décide à poursuivre cette discussion.

«T'es désolé pour quoi?»
L'interrogeais-je sans grande conviction, ne prenant même pas la peine de tourner la tête dans sa direction.

«De t'avoir menacé, de m'être comporté comme un con.»
M'annonce t'il en amenant la cigarette à sa bouche.
Il se passe une main dans les cheveux comme s'il était nerveux et il se met lui aussi à fixer l'arbre où la femme était appuyée précédemment.
Il ne me regarde plus mais contemple le même point que moi.

«T'en es un.»
Je ne me rappelle pas l'avoir insulté ouvertement auparavant mais je dois avouer que ça fait un bien fou.

Il ne répond rien, il jette son mégot de cigarette au sol et se passe une main derrière la nuque en mettant la tête en arrière.

Les minutes passent et le silence m'ennuie.
«C'est tout ce que t'avais à me dire?»
Le questionnais-je, brisant le silence qui règne depuis quelques minutes interminables.

«Oui.»
Finit-il par répondre et étonnement ça me frustre.

Il ma courut après juste pour me lâcher un «désolé», juste pour une petite phrase d'excuse parce qu'il m'avait menacé.
C'est vraiment décevant.

J'avance de quelques pas, trop concentrée sur les excuses de Rayan, je ne vois pas la voiture aux phares éteints qui pourrait entrer en collision avec moi.

Deux bras puissants viennent me tirer en arrière et j'atterris sur le milliardaire qui semble content de m'avoir près de lui, bien que je ne comprenne absolument pas ce qui se passe, avant que je prenne conscience de la mort à laquelle je viens miraculeusement d'échapper.

«Les phares connard!»
Aboie Rayan rageusement à l'intention du conducteur.

Je me relève et m'écarte de ses bras si protecteurs.
Mes yeux se promènent sur le paysage qui nous entoure, j'essaie de me remettre calmement de mes émotions.
«Merci. Mais c'est pas pour autant que je te pardonne.»
Grognais-je en époussetant mon jean, mon tee-shirt et en remettant un peu d'ordre dans mes cheveux.

Je l'entend soupirer comme par soulagement et j'ose tourner pour la première fois, la tête dans sa direction.
«J'ai eu peur.»
Murmure t'il doucement comme si il pouvait enfin souffler.

«Peur de quoi?»
L'interrogeais-je encore irritée sur un ton très sec.

«Peur de te perdre Athéna.»
Répond t'il en fuyant mon regard.

Il fuit lâchement.

Si me perdre génère une peur chez lui, pourquoi ce comportement à mon égard?
Pourquoi agit-il comme un homme indécis avec si peu de logique?

«Oh comme c'est touchant.»
Ironiquement, je me moque ouvertement de lui et de ses petites phrases à l'eau de rose.
Je connais assez bien cet homme pour savoir qu'il ne pense pas un mot de ce qu'il déclare.

Car Rayan Abdas ne ressent rien, il est déshumanisé, insensible et il colle parfaitement à sa cinglée de fiancée.

«T'es pas humain en fait.»
Au moment où ma phrase résonne dans l'air, elle semble retentir comme la seule chose réelle de notre conversation.
La seule vérité c'est que Rayan ne ressent et ne ressentira jamais rien à l'égard de quelqu'un.

Il n'est pas simplement glacial, il est sans-entrailles.

Je bouillonne intérieurement face à son manque de réaction.
Mais qu'attend t-il?

«Bordel le pire c'est..»
Continuais-je sans penser une seule seconde que j'allais me faire couper par quelques mots.

«Je t'aime.»

Ça a claqué dans l'air comme un coup de revolver.

J'allais comprendre mon adversaire...

•••

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