CHAPITRE 7

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SÉFIA

J'avance dans les couloirs. Étant donné que ce n'est que mon deuxième jour, j'aimerais être capable de trouver ma salle toute seule, dans cet immense labyrinthe. Ce n'est pas mince affaire, puisque j'ai l'impression de me perdre dans un dédale de murs clairs, de portes semblables et de casiers métalliques. J'aurais aimé avoir un plan pour ne pas être aussi paumée, au milieu de ce réseau de corridors. Mon emploi du temps dans les mains, je marche sans me presser. J'ai encore le temps.

— Salle 127... Où te caches-tu... ? je me chuchote à moi-même, en espérant malgré tout une réponse.

Les classes s'enchaînent et se ressemblent toutes. C'est à croire que c'est fait exprès pour que les nouveaux s'y perdent ! Néanmoins, je m'estime heureuse d'être l'unique personne à déambuler dans les méandres du lycée. Il n'y a personne pour me bousculer ou pour me crier dans les oreilles. Les couloirs sont déserts. La cloche ne sonnera que dans une dizaine de minutes.

Le soleil inonde les dalles du sol et les casiers colorés. Cela pourrait être joli, s'il ne s'agissait pas du lycée dans lequel je suis en train d'errer comme une âme en peine. Je n'entends que le bruit de mes baskets, qui crissent sur le carrelage, et les cris de joie des élèves, dans la cour. Et enfin, j'aperçois le numéro de ma salle.

— Te voilà ! dis-je, joyeusement.

Ce n'est pas aujourd'hui que j'arriverai en retard en cours ! Le sourire aux lèvres, je traverse le couloir en trottinant et je me dirige vers la porte entrebâillée. Je jette un rapide coup d'œil derrière celle-ci, et constate qu'il n'y a personne. Tant pis, j'attendrai les élèves. Être seule ne me dérange aucunement, au contraire. Je pousse la porte et passe la tête au travers de l'encadrement pour vérifier que c'est bien ma salle. Je survole la classe du regard, et mes yeux s'arrêtent sur le fond. Quelqu'un est assis, la tête cachée dans les bras. Les cheveux courts et la forme des épaules m'indiquent que c'est un garçon. Il porte une veste en cuir noire, usée par le temps. Il ne relève pas la tête quand j'entre entièrement dans la classe, la main sur la poignée. Est-ce qu'il dort ? Je regarde autour de moi. Il n'y a bel et bien personne d'autre. J'hésite à attendre dehors, et baisse la tête sur mon téléphone, qui m'indique que la cloche sonnera dans quelques minutes. Je pince les lèvres et avance à pas de loup pour aller trouver ma place, près de la fenêtre. Plus j'approche de ce jeune homme, plus je distingue ses traits physiques. Des boucles brunes en bataille qui retombent sur son front, une peau légèrement halée, des pommettes saillantes... Je remarque également que s'il ne m'a pas entendu, c'est parce qu'il porte des écouteurs.

La lumière du soleil s'abat sur tout son corps, donnant un effet ridiculement divin à la scène. Je reconnais alors cet idiot de Kenzo. Cela aurait pu être n'importe qui, mais non, il faut que ce soit lui ! C'est à croire que le destin me pousse devant mes yeux ! Je passe devant lui tout en l'observant avec minutie. Dire qu'il est laid serait un mensonge, mais il n'est pas mignon. Il n'a pas le visage joufflu d'un adorable bébé, ni le sourire innocent d'un enfant. Il est beau, c'est indéniable. Son physique aurait pu se retrouver placardé dans les magazines people de ma mère, ou dans une publicité de parfum, à la télévision. Mon corps ombrage son visage et ses yeux se crispent. Il va se réveiller d'un instant à l'autre. Il étire ses jambes et ses bras, et j'en profite pour m'asseoir près de la fenêtre, le plus discrètement possible. Je l'entends soupirer, puis plus rien. Alors, je sens qu'il a posé son regard sur moi. Il me fixe, mais je ne tourne pas la tête.

Il n'y a plus aucun bruit dans la pièce, et je prie intérieurement pour que la cloche sonne au plus vite. Je coupe ma respiration, et les battements de mon cœur s'accélèrent. Le silence rend l'ambiance pesante, symbole des prémices d'une dispute potentielle. La seule autre chaise occupée racle le sol dans un grand bruit, n'arrangeant en rien mon activité cardiaque. Ses chaussures qui résonnent sur le sol sont l'unique son qui parvient jusqu'à mes oreilles, et j'espère que ses pas vont le mener à la porte pour sortir, même si j'en doute fort. Mon espoir s'émiette lorsqu'il s'assoit sur la table, juste derrière la mienne. Il inspire profondément, tout comme moi. Je mords l'intérieur de mes joues, tandis que le silence devient toujours plus oppressant.

Quelqu'un Pour ToiWhere stories live. Discover now