CHAPITRE 19

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SÉFIA

Je pose mon plateau et m'assois lourdement sur le banc, non sans soupirer d'ennui, d'exaspération, et de tout sentiment qui se rapproche de près ou de loin à une déprime. Deux semaines. Cela fait deux semaines que Skylar m'ignore. Je commence sérieusement à désespérer. Le plus triste dans tout ça, c'est que je m'habitue doucement à son absence, comme si ma meilleure amie ne m'était plus indispensable. Or, elle l'est ! J'en suis sûre ! Alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à me sentir coupable de l'oublier ?

Comment la personne la plus importante de ces dix dernières années peut-elle s'effacer de ma mémoire et de ma vie en seulement quelques jours ? Ça ne veut pas dire que je le vis bien, au contraire. Mon appétit est de plus en plus léger, mes nuits sont de plus en plus longues et ma solitude reste toujours aussi lourde à porter. Elle me manque. Terriblement. Cependant, je ne peux pas retourner la voir et l'implorer de me reprendre à ses côtés, alors qu'elle m'a envoyé paître la dernière fois. Ce n'est pas mon genre, et elle le sait très bien. Je suis bien plus têtue que j'en ai l'air, tout comme elle.

Quelques tables devant moi, mon amie est assise aux côtés des joueurs de l'équipe de football. Elle rit à gorge déployée, l''air plus heureux que jamais. Sans moi. D'où je suis, j'aperçois la flasque métallique que lui tend Jamie. Mon intuition m'indique qu'elle ne contient pas de l'eau... Sky la lui arrache presque des mains et la dévisse avant d'en verser le contenu dans son verre. Jamie jette un coup d'œil circulaire autour de lui et range précipitamment la flasque dans son sac, comme si de rien n'était. Sauf que si. Il y a un souci, et pas des moindres. Sky n'est pas une grande buveuse d'ordinaire, et voilà qu'en moins d'un mois, je la trouve complètement saoule dans sa chambre, ou à se servir un verre d'alcool au lycée. Si un surveillant la chope, elle est morte !

Elle avale son verre en un temps record et donne un high five à Jamie. À cet instant précis, je le déteste plus que tout au monde. Parce qu'il fait boire Skylar alors que ce n'est pas du tout son genre, et parce qu'il est plus proche d'elle que je ne le suis en ce moment. Je baisse la tête sur mes carottes crues et remue ma fourchette sans but particulier, la tête ailleurs, l'appétit coupé. Perdue dans mes pensées, je n'entends pas arriver la personne qui s'installe à mes côtés. Je sursaute lorsqu'elle se pose sur le banc, en s'affaissant de tout son poids. Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir de qui il s'agit. Il n'y en a qu'un pour soupirer comme un phoque à l'agonie. Caeden. Il ne dit rien et se contente de garder les yeux rivés sur la même personne que moi, c'est-à-dire Skylar. Je me demande ce qu'il fait à ma table plutôt qu'à la sienne, mais je suis tellement désespérée par ma situation que je ne pose aucune question. Je n'en ai ni l'envie, ni le courage.

— On ne te voit plus trop, ces derniers temps...

Je hausse les épaules. Pour être tout à fait honnête, je n'ai vraiment pas envie de discuter avec lui. Si Sky nous voit ensemble, que va-t-elle penser ?

— Je vois... murmure-t-il.

Lentement, sa main se déplace sous la table, à l'abri des regards. Il la pose au-dessus de mon genou et remonte jusqu'en haut de ma cuisse, pressant ses doigts contre ma peau. De longs frissons de dégoût remontent le long de ma colonne vertébrale, et me font esquisser une grimace. Je me tourne vers lui dans le but de le réprimander, mais son regard compatissant me rembrunit.

— En tout cas, si tu as besoin, tu peux toujours venir me voir, Séfia.

Il prononce mon prénom dans un mélange mielleux et froid, qui me fait frémir. Ses doigts resserrent leur emprise sur ma cuisse et ses ongles se plantent dans mon pantalon. Cette fois-ci, je ne suis plus en colère. Caeden me fait peur. Son regard lubrique, ses mains sur mon corps... J'ai l'impression qu'il me possède d'une certaine manière, et je déteste ça ! Je retire vivement sa main, le cœur battant la chamade. Il lève les bras en l'air et ricane devant la panique qui se lit au travers de mes yeux. Il pousse un long soupir, enjambe le banc et rejoint sa petite-amie en trottinant, les poings enfoncés dans les poches. Je l'observe, en me demandant ce qu'il vient de se passer.

Quelqu'un Pour ToiTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang