CHAPITRE 31

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KENZO

Dernier jour avant les vacances de Noël. Dernière heure avant le Bal d'Hiver. Dernière minute avant de filer à la salle de bain pour arranger mes boucles brunes. Et dernière seconde avant que Séfia n'envahisse encore mes pensées.

Mon cœur s'emballe indéniablement dès que je songe à la petite blonde. J'ai l'impression que cet organe qui pompe est embarqué dans un marathon de folie, et qu'il ne sera plus jamais capable d'en sortir. Blondie compte un peu plus  à chaque instant. Tout chez elle m'intrigue, et ces émotions nouvelles m'effraient autant qu'elles me plaisent. Mon esprit n'est plus qu'un tourbillon de « Et si... ». Et si elle ne ressentait pas ce que moi, je ressens ? Et si elle ne faisait que jouer à un jeu, duquel je sortirais forcément perdant ? Et si les mots que j'ai envie de lui dire étaient la faisaient fuir ? Les questions me taraudent et les réponses restent silencieuses.

Mes poings se crispent à la pensée de Séfia, recroquevillée sur elle-même dans les couloirs du lycée. À cet instant, elle ressemblait à une petite fille que la vie n'a pas épargnée. Son regard était semblable à celui de ces personnes que l'on met plus bas que terre et qui s'efforcent de rester silencieuses, tapis dans l'ombre.

J'aurais pu faire n'importe quoi, pour l'aider à se relever. Pour la forcer à me regarder en face. Au lieu de ça, je me suis assis à ses côtés et j'ai tenu sa main jusqu'à ce que ses sanglots se tarissent. Je crois que c'était la meilleure solution. Jamais auparavant je n'avais autant voulu rendre le sourire à une personne. Son visage n'est pas fait pour les larmes.

Le lendemain fut horrible. Lorsque Séfia est revenue en cours, tous les élèves de Lawton High l'ont dévisagé comme lors de son premier jour de classe. Tous, sans exception. Même ses amis. Parce que nous avions tous besoin d'une explication. Je veux plus que quiconque connaître la vérité. Elle est redevenue pour la plupart la gamine venue d'ailleurs. Celle que personne n'a réussi à percer à jour. Pas même moi. Et ça, c'est insupportable.

Mais je crois que sa mine déconfite nous a tous dissuadé de lui demander quoi que ce soit. Ce jour-là, nous avons tous fait comme si de rien n'était. Nous étions une parfaite illusion. Séfia est une parfaite illusion. Plus j'apprends à la connaître, plus j'ai l'impression qu'elle s'éloigne.

Depuis, elle ne s'est pas exprimée sur le sujet.

Deux semaines. Cela fait deux semaines que j'attends qu'elle accepte de nous en parler. Si les autres semblent être passés au-dessus de cette histoire, ce n'est pas mon cas. J'attends. Et j'attendrai qu'elle daigne enfin s'ouvrir à moi. Elle m'en a fait la promesse et je n'oublierai pas ce qu'elle me doit.

J'enfile ma veste de costume et ajuste le col, en observant distraitement mon reflet dans le miroir. La vision du costume me rappelle immédiatement la soirée de Thanksgiving, quand je me tenais derrière la petite blonde. Quand j'ai posé mes lèvres sur les siennes. J'ai toujours leur chaleur sur la bouche, incapable de l'oublier.

Il me tarde de la voir ce soir, de la toucher et de l'embrasser à nouveau. Ou pas. Peu importe : la proximité de nos corps m'est amplement suffisante. Ça, et toutes les petites attentions qui caractérisent notre relation. Comme le fait qu'elle n'embrasse que ma joue le matin, pas celle des autres. Ou que nous mangions l'un à côté de l'autre sans déroger une seule fois à cette règle depuis quelques semaines. Ou encore que nous nous voyons plus souvent le week-end, sans raison particulière.

J'ajuste mes manches et quitte ma chambre, un mélange d'appréhension et d'excitation enserrant mon estomac. 

Ma mère m'attend dans le salon.

— Un vrai canon !

Je lève les yeux au ciel.

— Maman...

Quelqu'un Pour ToiOnde as histórias ganham vida. Descobre agora