CHAPITRE 16

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SÉFIA

La table est plongée dans le silence ce midi, malgré l'ambiance assourdissante du réfectoire. J'intercepte un échange de regards perplexes entre Chani et Coco, qui me prouve que je ne suis pas la seule à me poser des questions. Le problème vient plutôt des quatre indissociables. Depuis ce matin, ils sont mutiques et semblent continuellement être plongés dans un flot de pensées négatives. Harley ne balance aucune blague, il reste ancré dans un calme profond. Il n'est pas l'habituel trublion aux yeux ambrés qui se joue de nous. Le regard éteint, il trie sa nourriture sans porter une réelle attention à son assiette. Je ne serais pas capable de dire s'il est en colère, ou simplement de mauvaise humeur... Evie et Raphaël semblent en pleine réflexion. Ils se jettent des coups d'œil de temps en temps, avant d'observer leurs deux amis discrètement. Quant à Kenzo... Je ne l'ai jamais vu ainsi. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que quelque chose cloche. Il n'y a pas un jour depuis la rentrée scolaire où il a abordé un air aussi maussade. Colérique ? Oui. Revêche ? Aussi. Impassible ? Plus d'une fois ! Mais triste ? Jamais. Il n'a pas bougé d'un poil depuis que nous nous sommes installés à cette table. Les yeux dans le vague, sa fourchette semble greffée à sa main sans qu'il ne s'active pour autant.

— C'est quoi ce silence de mort ? s'exclame Chani, au bord de la crise de nerfs.

Kenzo sort enfin de sa transe. Il tourne la tête vers elle, mais ne semble pas lui accorder la moindre importance. Il et enfourne un morceau de pain avant de plonger à nouveau dans un monde que je ne parviens pas à déchiffrer. Harley tique en entendant la voix de mon amie et soupire.

— Ferme ta gueule, Jensen.

Chani écarquille les yeux. La conversation prend un tournent inattendu, ce qui intéresse vaguement Coco, Evie et Rafaël qui tournent la tête presque en même temps vers Harey, dont la réaction me surprend.

— Va chier, McCarthy ! s'indigne mon amie.

— Ley... tente Evie, en lui faisant les gros yeux.

Harley serre furieusement les poings.

— C'est vrai quoi ! Elle nous fait chier, merde !

Je commence à m'inquiéter d'une bagarre entre les deux. Sous la table, j'écrase le pied de Chani. Elle tourne la tête vers moi, la mine furieuse. Mais en croisant mes yeux qui l'implorent de se calmer, elle abandonne. Au même moment, Kenzo se lève, enjambe le banc et s'éloigne, les mains dans les poches. Je l'observe traverser le self et disparaître derrière un groupe d'élèves. Mais bon sang ! Que se passe-t-il pour que tout le monde soit déprimé à ce point ? Je fronce les sourcils en observant le chemin que le grand brun vient d'emprunter. Ce qu'il devient énervant, quand il joue au garçon mystérieux. Quoiqu'il est énervant dans beaucoup d'autres situations, en y réfléchissant bien...

Harley se lève à son tour et prend le même chemin que son ami. Décidément, c'est une belle journée en perspective... Contrairement à Kenzo, qui est comme à son habitude, froid et peu démonstratif, Harley semble bouillir de l'intérieur. J'ai l'impression que sa colère peut exploser à tout moment, et il n'est pas du genre à retenir son animosité, d'après ce que j'ai compris.

— Je suis désolée... Je ne voulais pas plomber l'ambiance... souffle Chani, d'une petite voix.

— Ne t'inquiète pas, ce n'est pas de ta faute, répond doucement Evie.

* * *

Un smoothie aux fruits rouges face à moi et un livre dans la main, je profite de mon samedi après-midi comme il se doit, c'est-à-dire au Memphis Diner. Je jette un coup d'œil circulaire autour de moi. Étant la seule cliente de cette heure, la patronne s'accorde une pause bien méritée en traînant sur son téléphone. Je tique un instant sur la collection de bouteilles qui trône derrière le comptoir... Désormais l'odeur de l'alcool et la vision du liquide ambré hérisse les poils de ma nuque. Ce n'est décidément plus pour moi. Je déteste cette sensation étrange, ce poids qui pèse sur ma poitrine à chaque fois que j'entends les verres pleins s'entrechoquer...

Quelqu'un Pour ToiWhere stories live. Discover now