Quelqu'un Pour Toi

CHAPITRE 10

SÉFIA

J'ouvre difficilement les yeux et passe une main sur mon visage, encore épuisée de la veille. Je m'étire de tout mon long, avant de vérifier l'heure sur mon téléphone. La matinée est déjà bien entamée. Je sors du lit pour ouvrir les rideaux, laissant les rayons du soleil baigner la pièce de lumière. C'est le temps idéal pour aller se balader... Mes pensées sont soudainement interrompues par un objet qui m'atteint en pleine tête. Je m'accroupis et ramasse le projectile, qui s'avère être mon propre oreiller,  et me retourne. J'aperçois la tête de Chani qui dépasse de mon lit. Les yeux plissés de fatigue et la moue boudeuse, elle baille en déclarant d'une voix enrouée :

— Séfia Newman, je te jure que si tu ne fermes pas ce rideau dans la minute qui suit, tu es une fille morte.

— Je l'aiderai dans son crime ! renchérit Coco.

Je lève les yeux au plafond en pouffant, et retourne sous la chaleur de mes draps. Toujours à exagérer ces deux-là... La petite brune gémit et grimpe dans mon lit pour se mettre à mes côtés, tel un paresseux. Chani ne tarde pas à nous rejoindre, non sans pousser un grognement guttural. Elle cale sa tête sur mon épaule et soupire de bien-être. Nous restons comme ça pendant un long moment, à profiter du soleil, du silence, et surtout du lit...

La soirée de la veille me revient soudainement en tête, et l'envie de taquiner mes amies me prend.

— Tu le trouve si beau que ça, Rivera ? je demande à Coco.

Elle se redresse sur les coudes, et fronce les sourcils. Après ce qui semble être une intense réflexion, un éclair de lucidité passe dans son regard. Elle grogne et enfonce la tête dans l'oreiller, tandis que j'éclate de rire. Chani lève la tête, et soupire longuement avant de déclarer :

— Je crois qu'on ne sera pas invitée de sitôt chez les Davis.

Je hoche la tête, pensive. Après tout, il ne s'est rien passé de dramatique. Il n'y a pas eu de blessés, ni de morts. Encore heureux ! Je ne suis même pas sûre qu'Addison ait assisté à la scène... Ce sont Bruce, et ses commentaires racistes qui devraient être bannis. Chani n'a fait que se défendre, et si c'était à refaire, je n'ai aucun doute sur le fait que mon amie recommencerait.

— Bruce est vraiment un gros con, franchement, continue-t-elle.

— Répète ce que t'as dit ! Répond Coco, en prenant une voix fluette, pour imiter le sportif.

KENZO

Je me suis réveillé tôt, ce matin. Pourtant, je suis en retard. Je balance mon sac à dos sur la banquette arrière et mets le contact. Le moteur vrombit, la radio s'allume et annonce la météo. Il fera beau et chaud toute la semaine, tant mieux ! J'en connais une qui se fera moins chier ! Je quitte l'allée de ma maison, et m'engage rapidement sur la chaussée. Il n'y a pas grand monde sur les routes, aujourd'hui. Les gens préfèrent sûrement rester au lit, ou aller se promener à pied. Une action que j'aurais pu faire, si je n'avais pas autre chose de prévu. Une promesse est une promesse, et un Rivera n'a qu'une parole. Enfin... On dirait que cette trace de caractère a sauté une génération avec mon père.

Je quitte mon quartier et prends la route qui mène jusqu'en périphérie de la ville. Je roule une bonne dizaine de minutes avant de bifurquer vers Lincoln Street. Un air de Lynyrd Skynyrd retentit dans l'habitacle, et je fais jouer mes doigts sur le volant.

J'appuie sur l'accélérateur et m'éloigne pour de bon des banlieues pavillonnaires. Je quitte la route principale pour m'engager dans un quartier miteux. Plus j'avance dans ce dédale de rues éparses, et plus le décor change. Les logements sociaux se succèdent les uns après les autres. Les murs sombres aux traces noires et verdâtres s'effritent par endroits, et les poubelles débordent de détritus. Je conduis prudemment, parce que je sais qu'un bon nombre de gamins aiment jouer par ici, à se courir après. Je jette un coup d'œil dehors. Comme je m'y attendais, certains sont sous le porche, à observer ma bagnole. Ici, chaque étranger est vu comme un ennemi. Chaque blanc est vu comme un ennemi.