CHAPITRE 8

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SÉFIA

Je suis restée paralysée, comme figée dans la glace. J'avais l'impression que si je bougeais le serait-ce que le petit doigt, j'allais me retrouver au milieu de cet accrochage. Je n'ai rien pu faire face cette avalanche de rage. J'ai déjà vu des bagarres, ce n'est pas ça le problème. Mes anciens camarades de Falcon's High s'adonnaient à cette activité aussi souvent qu'ils le pouvaient, pour le plus grand malheur des professeurs. Ça a toujours attisé la curiosité des autres élèves, dont celle de Skylar et moi. Ces altercations étaient la chose la plus intéressante qui pouvait arriver dans mon ancien lycée, à dire vrai. Enfin, ce ne doit plus être le cas, désormais... Pourtant, ce qui vient de se passer sous mes yeux, c'était tout autre chose. L'animosité qui règne entre ces deux-là est sans précédent.

Les yeux écarquillés de stupeur, j'observe ses articulations se tendre, tandis que son adversaire disparaît à l'angle du couloir. Comme s'il avait ressenti ma présence derrière lui, il tourne la tête et me remarque. Son regard glacial me sort de ma transe. Je recule lentement, mais lorsque je comprends qu'il se dirige vers moi, je fais demi-tour et accélère le pas, n'ayant aucune envie d'être mêlée à cette histoire.

— Hey ! rugit-t-il.

Je ralentis sous sa demande et me tourne vers lui, le cœur battant.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Il réduit la distance entre nous et se plante devant moi. Je suis obligée de lever le menton pour croiser son regard, froid et intransigeant. Cette proximité qu'il impose me rend mal à l'aise, et je fais subrepticement marche arrière.

— Ce n'est pas ce que tu crois.

— Je ne crois rien du tout, je réponds, en me détournant de lui pour reprendre mon avancée.

— Alors pourquoi tu fuis ?

Je me stoppe net. Fuir... Voilà un mot qui m'est familier. C'est tellement plus simple de partir, plutôt que d'affronter les problèmes qui nous entoure... Quoiqu'il en soit, le trouble doit se lire sur mon visage, puisque Kenzo me fixe curieusement, avant de froncer les sourcils. J'évite tout échange visuel en baissant les yeux, et lance d'un ton acerbe :

— Et toi, pourquoi tu te justifies ?

* * *

Le lendemain, c'est avec des cernes sous les yeux que je me présente devant les grilles du lycée. Ma nuit était bien trop courte, et je suis épuisée. Pourtant, ce ne sont pas mes crises d'angoisse qui ont retardé mon sommeil. En réalité, les mots de Kenzo tournent encore et encore dans ma tête, sans que je puisse rien y faire. Pourquoi tu fuis ? Une question qui trotte dans mon esprit depuis bien longtemps déjà, mais que je n'avais jamais entendu de vive voix. Personne n'a osé me le demander, et même moi, je n'ai jamais eu le courage de le faire. J'aurais peut-être dû...

Sortis de leur contexte, ces paroles prennent tout leur sens. J'ai abandonné les lourdes pierres qui me retenaient à Little Rock, en espérant naïvement ne plus jamais y avoir affaire. Est-ce que cela fait de moi une lâche ? Sûrement. Mais quand on fait face à un mur de soucis infranchissable, et que chaque jour devient un véritable défi à relever, fuir devient la seule solution envisageable, ou du moins, la seule qui me soit venu en tête. Et pour le moment, cette décision est la meilleure que j'ai pu prendre depuis longtemps. Elle est responsable de mon emménagement sous le soleil de Californie, et des rencontres que j'ai fait. Je ne regrette absolument rien de ce départ précipité. Cependant, je ne l'ai pas fait par choix. Je ne pouvais pas faire autrement...

— Et bien ! T'es tellement dans la lune que tu ne m'as pas vu arriver !

Je sursaute et me tourne vers Chani.

Quelqu'un Pour ToiWhere stories live. Discover now