Quelqu'un Pour Toi

CHAPITRE 25

SÉFIA

Mes poignets me démangent lorsque je quitte le bureau de ma psychologue. Jenna m'offre un sourire lumineux tout en posant une main rassurante sur mon épaule :

— Bien ! Je suis toujours joignable si tu as besoin de parler. On se voit le mois prochain ?

J'acquiesce vigoureusement et lui adresse un dernier signe de tête avant de m'éloigner. À l'inverse de la fois dernière, ma langue s'est déliée. Je ne lui ai pas encore raconté la nuit, et peut-être que je ne le ferai jamais. Cependant, nous avons passé une bonne demi-heure à discuter de Skylar, de notre relation et de notre déchirure. J'ai pleuré pendant de longues minutes, incapable de savoir si c'était de soulagement ou de tristesse.

Je sers mon sac en bandoulière contre moi et traverse le long couloir de l'hôpital, la tête dans les nuages. Skylar Geller. Je me souviens de ses cheveux blonds qui cascadent jusque dans le milieu de son dos, et ses yeux bruns tantôt sérieux, tantôt joueurs. Lorsque nous marchions dans la rue, elle adorait prendre de l'avance. Elle était toujours quelques mètres devant moi, en équilibre sur le trottoir. De temps à autre, elle se retournait et esquissait un sourire ravageur, en me lançant une blague digne de son nom. Skylar. Ou l'une des plus jolies filles de Little Rock. Celle qui faisait tourner la tête de tous les garçons. Celle que les adultes considéraient comme la fille parfaite. Un physique typiquement américain, un caractère fort et une langue intarissable, voilà ce qui constituait ma meilleure amie.

Le regard rivé sur mes chaussures, l'esprit complètement ailleurs, je ne porte pas attention à ce qui se passe autour de moi. Grossière erreur. Au détour du couloir, je percute quelqu'un de plein fouet. Un peu sonnée, je secoue la tête avant de remarquer une chevelure noire et des yeux d'un bleu que je connais trop bien. Nina. Elle grimace en se massant l'épaule et relève le menton. Je doute un instant de ce qu'elle va me dire, mais son sourire détend immédiatement l'ambiance.

— T'as une dent contre moi ou quoi ?

J'aurais pu la prendre au sérieux si elle n'avait pas ricané à la fin de sa phrase.

— Excuse-moi, je ne regardais pas où j'allais. Tu vas bien ?

Elle hausse les épaules et me dévisage d'un regard entendu.

— Mouais. Ça pourrait être pire et ça pourrait clairement être mieux, lâche-t-elle, le ton morne. Et toi ? Qu'est-ce que tu fous là ?

Je pique un fard. Impossible de lui dire la vérité : elle le répéterait à son frère, qui le répéterait à ses amis, qui le répéterait à Chani et Coco, qui m'en voudraient de n'avoir rien dit. Un effet boule de neige qui m'effraie plus qu'autre chose. Si je venais à perdre mes seuls amis, je m'en voudrais un long moment. J'ai peur de leur regard. De leur pitié. Et surtout, j'ai peur de leur dégoût...

Je cache mes mains tremblantes derrière mon dos en tentant d'ignorer ses yeux perçants, qui semblent connaître à l'avance le mensonge qui prend forme dans ma bouche.

— Un simple contrôle de routine...

Même si elle ne semble pas réellement me croire, elle ne me pose aucune question supplémentaire, ce dont je lui suis reconnaissante.

Nina jette un coup d'œil derrière elle et son teint pâlit à la vue d'un médecin, qui paraît effaré au milieu du couloir. Il cherche quelque chose... Ou quelqu'un ?

— Nan mais je rêve... Il me suit ou quoi ? chuchote la sœur de Kenzo. Bon ! Viens ! Je t'emmène vivre la grande aventure, Séfia ! Nous allons traverser monts et rivières avant d'atteindre notre quête ! Il y aura du danger et de l'action, bien sûr !