CHAPITRE 22

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SÉFIA

Sois prête pour 20 h.

Je regarde une seconde fois mon téléphone pour être sûre de ne pas avoir rêvé ce message. Kenzo me l'a envoyé en milieu d'après-midi, alors que j'étais en train de m'ennuyer profondément sur mon lit. Parce que c'est à cela qu'ont ressemblé toutes mes journées, en cette semaine off. Rester dans ma chambre à lire, m'occuper de Silný, regarder la télé, ou discuter au téléphone avec Chani et Coco. Les jours se sont écoulés lentement, presque au ralenti. Ce doit être la première fois que j'ai autant hâte de retourner en cours, pour le simple fait de sortir de chez moi.

Ce que mes parents ne savaient pas en me punissant de cette manière, c'est qu'ils m'ont contraint à vivre la pire des tortures : m'empêcher de penser à autre chose que cette nuit. Puisque je n'ai rien de particulier pour m'occuper l'esprit, mes souvenirs s'en chargent pour moi. Ces trois derniers jours, ils ont été la cause de deux nouvelles et horribles crises, dont l'une d'elles qui m'a poussé jusqu'aux vomissements. Elles s'intensifient et sont toujours plus douloureuses à chaque fois. Mais je suppose que c'est normal pour quelqu'un de traumatisé, de vivre sans cesse dans la terreur. De se rejouer inlassablement ce mauvais film qu'on préférait oublier. Je ne peux m'empêcher de penser que cela dure depuis longtemps. Beaucoup trop longtemps. J'en ai assez. C'est un cercle vicieux, et je sais pertinemment que je ne m'en sortirai jamais, pourtant, je persiste... Parfois j'aimerais juste me réveiller et oublier ces moments de ma vie...

Désormais samedi soir et presque vingt heures, je sens les battements de mon cœur s'accélérer à mesure que les minutes passent. Mes parents ont levé ma punition ce matin, étrangement. Je me demande s'il n'y a pas un rapport avec le fameux message que m'a envoyé Kenzo... Connaissant le caractère têtu de celui-ci, je ne doute pas qu'il ait réussi à trouver un stratagème pour convaincre mes parents de quelque chose... Quoi ? Je ne sais pas encore. Mais lorsque j'ai interrogé ma mère, elle s'est contentée de me dire d'aller m'habiller, un sourire malicieux plaqué sur le visage. Alors c'est ce que j'ai fait. Étant donné que je ne sais pas ce que le grand brun a derrière la tête, je me suis contenté d'un jean clair et d'un pull noir. Je m'installe devant mon miroir, et incline la tête en me demandant ce que je vais faire de mes cheveux. Résignée à les laisser libre, je me penche vers ma trousse de maquillage, presque vide depuis quelques mois. Ce soir, j'ai envie de faire une exception. J'ai envie d'être un peu jolie. Ne serait-ce qu'un tout petit peu.

Ma mère entre dans ma chambre au moment où je dépose l'eye-liner sur mon bureau. Le résultat n'est pas trop mal. Discret au possible, mais tant que cela me plaît à moi, c'est le principal.

— Tu es très belle, ma chérie...

Je m'assois sur ma chaise de bureau, Silný en profite pour sauter sur mes genoux. Je regarde mes livres de cours, et immédiatement, le souvenir de Kenzo appuyé sur mon bureau, au-dessus de moi me revient en mémoire. Ses yeux verts, intenses, presque mystiques, plongés dans les miens. Sa voix rauque lorsqu'il m'a demandé si je m'ennuyais. L'odeur fruitée de sa peau et la chaleur émanant de celle-ci. Jamais auparavant je ne m'étais retrouvé dans ce genre de situation, tiraillée entre le « je veux que ce moment dure une éternité » et le « n'oublie pas ce qu'il s'est passé ». Seulement, quand il est dans les parages, j'ai l'impression que mon esprit n'est plus maître de lui-même.

Je sens ton cœur battre contre ta poitrine... Mais qu'est-ce qui m'a pris de dire une chose pareille ? J'aurais dû me taire ! C'était ridicule !

— Tu veux que je tresse tes cheveux ? demande ma mère en me sortant de mes songes.

Je lui souris dans le miroir. Elle s'empare de la brosse en baissant les yeux, qui malgré tout ce que j'ai pu lui dire, restent tristes et larmoyants en ma présence. Même si j'estime que c'était nécessaire, je m'en veux toujours un peu de leur avoir mal parlé, il y a quelques jours. Je suis sûre de les avoir blessés plus qu'ils ne l'étaient déjà, et ça ne fait qu'augmenter ma culpabilité.

Quelqu'un Pour ToiWhere stories live. Discover now