Chapitre 14

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Cassandre

S'il y a une chose que je ne peux pas reprocher à Nathan, c'est son manque de goût en matière de vêtement. La robe que je viens d'enfiler est de toute beauté. Non seulement ce bleu me sied parfaitement au teint, mais le décolleté profond met en valeur ma poitrine. Quant au tissu, croisé sur le haut des jambes, il ne dévoile que ce qu'il faut. Pourtant, même si je me sens féminine comme jamais, mes muscles sont tendus et mes jambes flageolantes. Persuadée que je fais encore une belle bêtise en l'accompagnant ce soir, je passe mon manteau et attrape mon sac avant de sortir de ma chambre. Au plus profond de mon être, je sais que je devrais rester chez moi, mais une attraction venue de je-ne-sais-où m'oblige à le rejoindre. La tête emplit de souvenirs houleux, j'attends sagement sur le trottoir en veillant, comme d'habitude, à ne pas être le point de mire d'une paire d'yeux indiscrets. Lorsque la voiture stationne devant moi, ma raison m'ordonne de fuir sur le champ. Le cœur tambourinant dangereusement, je vois la portière s'entrouvrir avant que je n'ai le temps de mettre mon plan de fuite à exécution. Je signe mon arrêt de mort à l'instant où mes yeux rencontrent cette silhouette, tel un bloc de granit, qui se profile devant moi. Un Nathan beau à couper le souffle, vêtu d'un costume trois pièces en laine gris, assorti d'une cravate rouge, se matérialise devant mon regard ébahi. Incapable de statuer sur l'attitude à adopter, je reste statique. Ses yeux me sondent un certain temps, les sourcils légèrement froncés, le coin de la bouche relevé en une moue amusée. Il m'évalue sans aucune gêne, se nourrissant de l'admiration que je lui porte sans retenue. Un pas supplémentaire lui permet de réduire nettement l'écart entre nos deux corps. La fragrance particulière de son parfum titille mes narines, me rappelant la soirée de la veille. Son pouce effleure ma lèvre puis, ses mains en coupe autour de mon visage, sa bouche s'y colle lentement en un baiser tendre et bouleversant à la fois, me laissant perplexe.  Je nage dans l'incompréhension la plus totale, je suis perdue dans le flots d'émotions qui m'envahit.

— Est-ce que je t'ai déjà dit que tu es magnifique ? susurre-t-il, ses doigts frôlant mes joues.

— Juste deux ou trois fois, murmuré-je, la gorge soudain très sèche.

Le sourire enjôleur dont il me gratifie ne fait qu'accroître ce pouvoir qu'il exerce sur moi. Un autre baiser fait s'effondrer mes dernières réticences, je suis à nouveau sa chose. Dégoulinante d'exaltation pour cet homme aussi beau que dangereux, je m'installe sur le siège en cuir de sa rutilante voiture, aussi tape-à-l'œil que son propriétaire.

— Tu n'as pas ton chauffeur ? demandé-je tout en bouclant ma ceinture.

— Pas ce soir. Je voulais me retrouver seul avec toi.

Le petit regard passionné qu'il pose sur moi accentue le malaise que je ressens. Me voilà de nouveau face à cet homme attentionné qui je l'espère au plus profond de moi, restera ce même homme tout au long de cette soirée. Il ne tient qu'à moi de ne rien tenter qui pourrait engendrer cette nouvelle mutation de son caractère, je ne dois surtout pas le froisser par un comportement inapproprié. Éviter  les regards masculins et par dessus tout, ne me concentrer que sur sa seule personne, deviennent ma ligne de conduite pour cette soirée. Si je m'en tiens à toutes ces résolutions alors tout ira pour le mieux. Cela s'apparente à un vrai challenge, ou cela ressemble plutôt à un emprisonnement forcé de mes réactions, me privant de toute liberté et de toute spontanéité . Tout en rivant les yeux sur l'agitation qui règne dans la ville, je me remets en question. Depuis quand suis-je obligée de contrôler mes faits et gestes pour ne pas offusquer une personne ? Cette question me replonge des années auparavant, à cette époque où je faisais les quatre volontés de ma tante pour obtenir ses bonnes grâces. J'ai l'affreuse impression que le schéma se reproduit encore, ce qui me terrorise. Pourquoi n'ai-je pas le caractère bien trempé de Louna ? Louna ! A l'évocation de ma meilleure amie, ma culpabilité montre le bout de son nez. Alors qu'elle me croit bien sagement en compagnie de Julian, je me retrouve avec un homme dont l'emprise ne cesse de croître sur ma faible personne.

l'emprise des sensWhere stories live. Discover now