Chapitre 1

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Cassandre

Deux mois plus tôt,

J'observe d'un œil circonspect le reflet  de ma silhouette à travers le miroir de la salle de bains. Les sourcils froncés et une moue blasée sur les lèvres, je virevolte de gauche à droite en tentant de trouver, ne serait-ce qu'un avantage, à porter cette robe pour la soirée étudiante, à laquelle je me suis faite enrôlée de force par ma meilleure amie. Dépitée, j'essaie de réajuster le décolleté, trop prononcé à mon goût, puis je rabats sur mes jambes le velours rouge de ce bout de tissu qui me sert de tenue ce soir. Seule ma paire de collant noir opaque me rassure sur le fait que je porte au moins un vêtement décent. Les mains sur le lavabo, je souffle grossièrement à l'idée de me joindre à cette masse de corps, entassés dans une maison comme des sardines dans une boîte. Je déteste ce genre de soirée où l'alcool coule à flot, où tous les garçons essaient par n'importe quel moyen d'emmener à l'étage la première idiote qui acceptera d'assouvir leurs besoins primaires. Tout en maudissant mon amie, je discipline une dernière fois ce carré blond qui met en valeur l'ovale de mon visage. Après une grimace bien méritée à cette nana entichée d'une robe rouge qui ne laisse aucun doute sur ce qui se trouve en dessous, et que ma traîtresse de copine m'a obligée à porter, je rejoins la petite pièce qui me sert de chambre. Des dizaines de manuels de Droit et d'Histoire de l'Art sont judicieusement empilés sur mon bureau, et n'attendent que moi. Un long soupir s'extériorise de ma bouche, une sorte de plainte de ne pouvoir plonger à corps perdu dans ces manuels ce soir. Je me laisse tomber sur le lit, les bras en croix. J'essaie de me contraindre intérieurement que de sortir de cette chambre, où je me terre tous les week-end, me changera les idées, mais en vain.

— Accompagne-moi ! m'a supplié Louna. Ça va te faire le plus grand bien de sortir un peu, tu commences à sentir le renfermé.

— Ce n'est ni très flatteur, ni très vendeur comme approche, lui ai-je répondu d'un ton ironique.

— Arrête de prendre la mouche pour rien. Tu passes tes journées le nez dans tes bouquins.

— Oui mais contrairement à toi, j'ai une double licence à préparer. C'est ma dernière année et je n'ai pas le droit à l'erreur.

— Tu vas t'en sortir. Tu t'en sors toujours.

— Parce que je bosse comme une dingue, et que je ne passe pas tous mes week-end à faire la fête.

— Touchée ! s'exclame-t-elle en posant les mains sur son cœur.

— Ecoute ! Je suis à deux doigts de réussir, tu peux comprendre ça ?

— Mais oui, Madame la future commissaire priseur, m'a-t-elle répondu en mimant une révérence.

— C'est ça, moques-toi, fille ingrate !

— Juste pour cette fois, s'il te plait !

Ses petits yeux de biche ont eu raison de moi. Je n'ai pas eu le courage de l'envoyer promener, alors j'ai cédé, je cède toujours.

Un jour ça me perdra !

Et me voilà à ruminer sur le déroulement de cette fête, où je vais probablement m'ennuyer à mourir. J'aurais préféré de loin rester dans  mon lit à potasser mes cours. Cumuler une licence de Droit et une autre d'Histoire de l'Art ne m'octroie pas beaucoup de temps libre, mais c'est un mal pour un bien. Bientôt je serai diplômée et je pourrai enfin exercer le métier qui me passionne. Entre mes heures sur les bancs de la fac et celles passées à la bibliothéque, je bosse aussi comme serveuse dans un bar, "Chez Paolo". Le patron est sympa et le boulot m'aide à payer ma chambre d'étudiante, ainsi que l'achat de livres dont j'ai besoin. Dire qu'ils sont conseillés est un euphémisme, ils sont indispensables pour suivre correctement le cursus. Bref, ma vie est loin de ressembler à celle de Louna, frivole et insouciante, mais c'est ma meilleure amie.

l'emprise des sensWhere stories live. Discover now