Chapitre 32

1K 97 78
                                    

Cassandre

J'ai longé les murs de la fac, deux jours durant. Même après avoir enfilé de nouveau mon jean, je n'ai croisé qu'oeillades en biais, sourires sardoniques et chuchotements ricaneurs. J'ai cette désagréable impression d'habiter une enveloppe corporelle qui n'est pas la mienne, d'être happée dans un cauchemar qui me retient prisonnière.

Jamais je n'aurais imaginé être la cible de tant de railleries.

Assise en tailleur sur mon lit, ma précieuse boîte entre les jambes, je fais un plongeon dans le passé. Cette petite boîte en carton rose est ma madeleine de Proust, elle contient une partie de mon enfance, quelques souvenirs de ma mère. Je ne la sors que lorsque j'en ressens le besoin, comme aujourd'hui où la nostalgie de cette époque se rappelle à moi. J'enfouis mon nez dans l'écharpe de celle qui a fait de ma jeunesse un enchantement, et tout un tas de souvenirs heureux m'envahissent immédiatement. La présence de ma mère me manque, surtout dans ces moments durs que je vis. Le besoin de me blottir contre elle, de renifler ce parfum rassurant, de voir son sourire, m'enserre le cœur.

Maintenant plus que jamais, j'aurais voulu l'avoir près de moi.

La sonnerie de mon portable résonne pour la énième fois depuis hier, coupant court à cet instant de sérénité qui m'a fait un bien fou. Persuadée qu'il s'agit de Louna, dont j'esquive les messages, je m'apprête à lui répondre une bonne fois pour toute. Je lui suis reconnaissante d'être venue à mon secours à la cafétéria. Sans son intervention, je ne me serais pas débarrassée de ces idiots aussi facilement. Je lui dois une fière chandelle. Pourtant, je n'ai pas besoin de sa sollicitude et de sa bienveillance, surtout pas après qu'elle m'ait qualifié d'étudiante coincée. La pilule a du mal à passer. Je ne souhaite juste qu'un peu de répit dans mon quotidien bien agité. A ma grande surprise, le message provient de Julian et mon cœur martèle plus violemment contre ma poitrine.

SALUT CASSANDRE JE SUIS AU COURANT DE CE QUI SE DIT SUR TOI JE SUIS DÉSOLÉ

Je l'imagine en train d'écrire ce texto, ce petit air timide qui me fait craquer sur le visage, et malgré mon état d'esprit chaotique, je souris. Je me doute bien que l'info lui est parvenue par Louna et je me sens légèrement jalouse de leur complicité naissante. En jouant la menteuse invétérée, je n'ai fait que contribuer activement à leur rapprochement. Les doigts pianotant fébrilement le clavier, je m'empresse de le rassurer.

MERCI DE T'INQUIÈTER POUR MOI, JE VAIS BIEN !

Ce qui est totalement faux, mais hors de question de lui en faire part. Je l'ai déjà embarrassé plus qu'il ne faut, je ne vais pas en rajouter avec mes nouveaux tracas.

TU VEUX QUE JE PASSE TE VOIR ?

Mon cœur se serre. Revoir Julian consiste à braver l'interdit, à transgresser de nouveau ma promesse, à me jeter comme une assoiffée sur ses lèvres. Même si la balance penche sur ce dernier point, je n'ai pas envie de l'entraîner avec moi dans mes déboires. Alors que je décide de repousser impitoyablement Julian, une fois de plus, Monsieur Pratton ajoute son grain de sel au moment opportun.

A croire que cet homme lit dans mes pensées !

J'AI ENVIE DE TE VOIR, JE VIENS TE CHERCHER

Dépitée, je constate l'heure tardive et me laisse tomber à la renverse sur le lit en soupirant. Je vais devoir quitter ce pyjama en pilou pour une tenue plus... adéquate. Difficile de ne pas cerner le double sens de ce message, je commence à connaître l'énergumène. Je saisis tout de suite l'invitation qui y est dissimulée : j'ai envie de baiser, ramène tes fesses. Les yeux brouillés de larmes, je tapote l'écran afin de répondre à Julian.

l'emprise des sensWhere stories live. Discover now