Chapitre 25

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Julian

Un sécateur entre les mains, je m'acharne sur cet arbuste, le taillant plus que nécessaire.  J'ai une bonne excuse à ce massacre. Sous les lames, ce ne sont pas des branches que je cisaille, mais la gueule de ce connard de Pratton. J'imagine son visage ensanglanté sous mes coups et ça calme un peu cette envie de gerber qui me tiraille l'estomac depuis deux jours. L'idée qu'il puisse poser ses putains de mains sur Cassandre me rend hystérique. J'ai laissé Louna se charger de lui à contrecœur. J'aurais bien voulu lui péter quelques dents pour apaiser ce besoin viscéral de l'écraser comme une merde, mais elle a refusé prétextant en avoir maté des plus coriaces. Je suis resté sceptique. Au fond, je crois qu'elle m'a rendu un fier service. A cette heure, je serais probablement en taule, menottes aux poignets, pour meurtre avec préméditation.

— Du calme petit ! A ce rythme là, il ne va plus rien en rester.

Je suspens mon geste pour tourner la tête vers Fred, le patron de l'entreprise de jardinage pour lequel je fais des petits boulots. Un sourire chaleureux égaye ce visage que le temps n'a pas épargné. Des rides marquent le coin de ses yeux et son front, pourtant sa carrure balaye d'un coup pied aux fesses ses cinquante-huit ans bien tassés. Il pose affectueusement sa main calleuse sur mon épaule et son sourire s'élargit. Je crois bien qu'il va encore me sortir une connerie dont lui seul a le secret.

— Qu'est-ce qui te mets dans un état pareil ? Une fille ?

Bingo ! Je secoue la tête en ricanant et je dépose sur le sol l'objet de ce crime sanguinaire que j'aurais bien voulu mettre à exécution. Mon air blasé le fait bien marrer, ce qui me fait un peu lâcher la pression. Il passe son bras par dessus mon épaule en riant :

— Allez viens ! On va faire une pause.

Je le suis vers la fourgonnette où nous  attend un thermo remplit de café. Fred en verse dans deux gobelets et m'en tend un avant de s'asseoir sur le rebord du coffre. Je m'installe à côté de lui, puis j'absorbe cette dose de caféine que mon corps réclame haut et fort. Mes yeux mitraillent le jardin de cette propriété tandis que mon cerveau calcule rapidement tout le boulot qu'il nous reste à abattre. Je ne m'en plains pas, au contraire. Trifouiller la terre m'apaise tout comme sentir l'odeur de l'herbe humide envahir mes narines, ou poser mes mains sur l'écorce d'un arbre. M'occuper de la nature est ma façon de me gracier à ses yeux pour ma conduite  anti-écologique.

Je roule quand même dans une caisse de 300 chevaux qui rejette pas mal de CO2.

Mon père, lui, considère mon boulot comme une perte de temps. Il a d'autres projets pour moi comme me voir un jour aux rennes de son empire. Il persiste donc à me payer des études dont je me tape complétement. Son foutu rêve, il peut se l'enfoncer bien profond. Je ne deviendrais jamais un homme tel que lui, avide d'argent et qui s'en bat les couilles de ce que pense les autres. Tant que tout baigne pour lui, rien ne l'atteint. Mon modèle, il est là, assis à côté de moi. Fred a pris la place de mon père dans mon cœur depuis un bout de temps déjà. Ce boulot n'est pas de tout repos, mais il rayonne comme s'il faisait le plus beau métier du monde. C'est ce que je veux ressentir aussi, la satisfaction de faire ce qui me plait. Il m'a offert ma chance quand mon connard de géniteur a décidé de me foutre dehors, parce que mes résultats ne le satisfaisaient pas. Ce petit boulot m'a permis de payer les frais qu'il a refusé d'honorer.

— Tu vas prendre une chambre dans le campus... à tes frais. On verra combien de temps encore tu vas jouer au petit malin, m'a-t-il prévenu de son air supérieur.

Il croyait me tenir par les couilles avec son affreux chantage, mais je n'ai pas lâché  l'affaire.

— Tu risques d'être déçu ! je lui ai craché à la gueule.

l'emprise des sensNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ