Chapitre 37

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Julian

Ça fait quinze jours que je ne l'ai pas vu. Quinze putain de jours que ce connard l'a enfermée dans cette baraque de merde. Aucun appel, pas même un texto. Je deviens dingue. J'ai failli sauter par dessus ce mur de conifères pour aller la chercher, mais Louna m'en a empêché. Selon elle, se faire arrêter pour violation de domicile n'est pas l'idée du siècle. J'avoue que de me retrouver derrière les barreaux ne fait pas parti de ma liste de priorités. J'aurais dû être plus réactif, ouvrir cette portière et l'emmener avec moi. Au lieu de ça, je lui ai fait une promesse que je ne peux même pas tenir. J'ai les nerfs à vif. Même Kevin et Tony ne parviennent pas à apaiser mon besoin de tout casser, cette rage que j'ai du mal à contrôler. J'ai fait une croix sur ces soirées de beuverie qui ne m'aident pas à me sentir mieux. J'ai investi dans une paire de baskets, et tous les jours, je courre six bornes pour rejoindre ce quartier de bourges. Je remercie au passage mon père qui me prive de ma caisse et me rend les choses plus compliquées. Je ne suis même plus sûr de récupérer mon « bébé » un jour. Lorsque mon géniteur apprendra que je passe mes journées à faire le guet devant une maison, plutôt qu'à la fac, je risque de prendre cher. Les partiels qui se profilent à l'horizon sont d'ailleurs le dernier de mes soucis. Je m'en bats les couilles de ce diplôme de merde.

Ce que je veux, c'est Cassandre.

Quelque chose ne va pas, petit ?

Je tourne ma tête vers Fred, assis au volant de la camionnette, et qui me jette un bref regard soucieux. Je n'ai pas envie de le faire chier avec mes petites affaires, il en bave assez avec ce boulot qui n'est pas de tout repos.

— Ça va, t'inquiète !

Il m'offre un sourire bienveillant en me frappant gentiment le genou. Je ne peux que m'incliner face à cette figure paternelle, je lui souris en retour. J'ai tellement l'esprit obnubilé par Cassandre, que je ne lui ai même pas demandé où nous allions. Lorsque la camionnette s'insère dans ce quartier, que je ne connais que trop bien depuis deux semaines, je me redresse subitement.

— Où est-ce qu'on va ?

— Chez les Garant. J'espère que tu as de l'énergie à revendre, un travail monstre nous attend.

Sans se départir de son sourire, Fred slalome entre les immenses demeures de ces gros friqués. Obtenir un contrat comme celui-là est une aubaine pour lui. Non seulement son portefeuille s'en portera mieux, mais si notre boulot satisfait le propriétaire, la publicité sera la bienvenue pour sa boîte. J'aurais quand même préféré entretenir le jardin de Pratton. Mauvaise idée. Ce gros con m'aurait reconnu et foutu direct à la porte, ce qui aurait porté préjudice à la réputation de mon patron. Justement, la camionnette passe devant sa baraque. Ma colère ressurgit aussitôt. Les poings serrés sur mes jambes, je me crispe sur mon siège. Gros connard d'enculé de merde ! Ce n'est que lorsque Fred bifurque vers la propriété voisine que je me détends. Mon cœur s'emballe. Je vais peut-être l'apercevoir. Excité comme un gamin, je saute de la camionnette dès que Fred coupe le moteur. Mes yeux scannent immédiatement l'autre côté des haies pour observer de plus près cette forteresse dorée. D'où je suis, je n'entrevois que les fenêtres du premier étage. Peut-être qu'elle est là, derrière l'une d'elles ? Je n'ai pas le temps d'y réfléchir plus longuement, Fred ne donne un coup de coude pour que je le suive.

Bordel ! Il ne sent pas ses forces.

Une femme d'une cinquantaine d'années s'avance vers nous, entichée d'une robe qui doit couter trois fois ce que je gagne. Grande, blonde, de jolies formes, elle est encore bien foutue pour son âge. Son sourire chaleureux la rend tout de suite moins pimbêche que les femmes de sa caste. Fred s'empresse de frotter ses mains moites sur son froc, un air goguenard sur le visage. Il attrape la main tendue en souriant bêtement.

l'emprise des sensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant