Chapitre 38

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Cassandre

Je sens son regard me brûler la nuque. Je sais qu'elle est là, qu'elle m'épie une nouvelle fois, comme elle a l'habitude de le faire. Un coup d'œil par dessus mon épaule corrobore mon impression. Madame Leblanc se tient devant la piscine, les lèvres pincées, l'air suspicieux. Un désagréable frisson longe soudain ma colonne vertébrale. Elle est plus loyale envers Nathan qu'un chien l'est avec son maître. Je suis pratiquement certaine qu'elle va lui rapporter ce qu'elle voit, et cela dans les plus brefs délais. La gorge serrée, je me retourne vers Julian. Il faudrait simplement que j'attrape sa main pour sortir de ce cauchemar. Mais je ne peux pas. Aussi stupide que cela puisse paraître, je ne peux quitter cet endroit en abandonnant ma petite boîte. C'est une partie de moi, un morceau de mon passé. Tout ce qui me rappelle ma mère se trouve à l'intérieur, alors je me dois de l'emporter avec moi. L'idée de m'enfuir avec Julian fait pourtant son petit chemin dans ma tête.

Le bal de charité.

Peu importe la façon dont je vais emmener mon trésor avec moi, mais ce sera ce soir là. D'une voix tremblotante, je le mets au courant de mon plan.

— Samedi prochain, il y a un bal de charité au Grand Hôtel. Je partirai avec toi.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre, je fais aussitôt demi-tour. La tête baissée, je cherche une justification à la pseudo conversation que je viens d'avoir avec le « jardinier des voisins ». Une excuse surfaite sur le bout des lèvres, je contourne la piscine et me poste devant la gouvernante.

— Le jardinier me demandait si on avait besoin de ses services.

Elle hausse un sourcils, le regard aiguisé, les lèvres retroussées en une moue sceptique. La respiration coupée, je la laisse me scruter jusqu'au plus profond de mon âme. Je soutiens bravement son regard, même si au fond de moi règne un chaos sans nom. Je reste imperturbable, insondable, impénétrable. Je ne vais pas lui donner l'occasion de flairer l'arnaque. Il le faut. Son introspection dure quelques secondes, qui me semblent être une éternité. Finalement, un sourire poli étire sa bouche, et d'un ton condescendant elle avance :

— Vous devriez aller vous changer, Monsieur ne va pas tarder.

Elle tourne les talons sans faire plus de façon, et regagne l'intérieur de la maison. Je souffle tout l'air que je retenais dans mes poumons. Je détends ensuite mes membres, figés depuis plusieurs minutes, ce qui permet à mon cœur de battre plus librement. Je jette un dernier coup d'œil vers la propriété voisine, mais Julian a disparu. Mon cerveau se réveille brusquement. Une idée y germe, minuscule et risquée. J'ai peut-être trouver le moyen de sortir ma boîte sans éveiller de soupçons. J'entre dans la maison sans tarder, j'avise la pendule qui m'indique dix-huit heures trente. Je n'ai qu'une demi-heure pour mettre mon plan à exécution et me préparer pour l'arrivée de Nathan. Le timing est serré, mais jouable. Je repère la gouvernante, occupée à rafraîchir un bouquet de fleurs dans le séjour. J'affiche un air naturel sur mon visage, et déclare d'une voix monocorde :

— Je vais prendre une douche.

Elle tourne la tête vers moi quelques secondes, puis continue d'arranger le bouquet. Les épaules redressées, je quitte la pièce en toute dignité, mais la gorge nouée.

Si elle me pince, je suis fichue.

Je grimpe les escaliers aussi vite que je peux pour rejoindre ma chambre. Je m'empare aussitôt de ma précieuse boîte que j'enveloppe avec les vêtements que je portais en arrivant. Je ne voudrais surtout pas l'abîmer, et j'aurai ainsi de quoi me changer après ma fuite. Rapidement, je griffonne quelques mots sur un bout de papier.

l'emprise des sensWhere stories live. Discover now