Chapitre 36

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Cassandre

Voilà dix jours que je suis enfermée dans cette maison.

C'est ma punition pour avoir giflé Monsieur.

J'ai essayé de l'amadouer avec mes petits yeux de biche. Je l'ai imploré de me laisser retourner à la fac. J'ai donné un tas de raisons pour qu'il me laisse sortir. J'ai joué de mes charmes. Rien n'a fonctionné. Nathan n'a pas démordu. Dans un dernier recours, j'ai tenté une lamentable évasion qui n'a fait que redoubler sa colère. Alors, j'essaie de rester « sage » pour ne pas aggraver la situation. Je connais désormais tous les recoins de cette gigantesque demeure, enfin toutes les pièces dont on m'autorise l'accès. Tout est si vaste, si dénué de vie, si impersonnel, si calme. Je commence à regretter le campus et ses couloirs, où résonnent les rires et les conversations salaces des filles. Seul ce splendide jardin permet de m'aérer un peu et de m'offrir une petite promenade quotidienne.

C'est d'un pathétique !

Les journées se suivent, inlassablement, et se ressemblent. Tout est réglé comme du papier à musique. La plupart du temps, Nathan est absent. Son travail l'oblige à déserter la maison assez souvent. Je devine que ça lui coûte de ne pas m'avoir à l'œil, mais l'argent prend une part importante dans sa vie. Je m'en suis aperçu en vivant sous le même toit que lui. Le luxe et l'abondance tourne dans son sillon.

Il aime s'entourer de belles choses.

En attendant son retour, j'investis ma chambre pour travailler sur mes cours, qu'il se procure par je ne sais quel moyen. Le soir, nous soupons ensemble, puis nous gagnons ma chambre où il me baise. Sans ménagement. Comme la chienne que je suis à ses yeux. Entre ces deux moments primordiaux de la soirée, je subis les mauvaises grâce de Monsieur. Je ne suis jamais assez bien habillée. Trop distraite. Limite désagréable. Trop souriante. Bavarde. Je ne mange pas assez. Bref, quoique je fasse ou dise, rien ne lui convient. Il lui arrive parfois, à de rares occasions, de se montrer bienveillant ou de me faire un compliment. Ta robe est jolie. Tu sens bon.

Rien qui ne me réconforte vraiment.

Pour couronner le tout, un mal de tête persistant me gâche un peu plus l'existence. Allongée sur mon lit, un gant de toilette imprégné d'eau froide sur le front, mes pensées dérivent de nouveau vers Julian. Je n'ai de cesse de ressasser notre dernière rencontre, devant chez Paolo. Je perçois encore la douceur de ses yeux sur moi, je revois ce petite sourire qui me fait fondre. Je me repasse en boucle la promesse qu'il m'a faite, celle de venir me chercher.

Mon chevalier sans armure qui court pour une cause perdue d'avance.

Nathan ne lui en donnera jamais l'occasion. Je suis sa chose, et en temps que telle, il me protège comme les Joyaux de la Couronne. Je me sens comme prisonnière dans une tour d'ivoire, seule, isolée de tout, coupée du monde. Nathan a poussé le vice jusqu'à me confisquer mon portable, sous prétexte qu'on ne me dérange pas pendant que je travaille. Sornette ! Je sais pertinemment que cette excuse est bidon. Il a peur que je contacte mes amis, il tremble de ne plus m'avoir à sa merci. Je n'ai plus de liberté d'action. Même ma petite escapade dans le jardin est surveillée. Madame Leblanc n'est jamais loin. De quoi ont-ils peur ? Que je fasse le mur ? Que je creuse un tunnel ? Je suis à deux doigts de graver sur le mur violine de ma chambre chaque jour que j'y passe. J'étouffe dans cette maison. Je voudrais sortir, suivre mes cours normalement, et surtout aller travailler. Je me sens encore honteuse de mon comportement envers Paolo. Il avait l'air si désemparé. Ma meilleure amie me manque aussi. Même si ça paraît contradictoire avec ce que je lui ai dit, je commence à douter de l'authenticité de la vidéo. Je sais maintenant de quoi est capable Nathan pour obtenir ce qu'il veut. Je connais ses facettes sombres, et pourtant je suis attirée vers lui.

l'emprise des sensWo Geschichten leben. Entdecke jetzt