P'tain de chaise 😒

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Une goutte d'eau tombe toutes les vingt secondes derrière moi, cadence et son immuables dans cette enceinte qui me sert de cellule. Je peux presque la visualiser, la voir naître, prendre forme sous le plafond de mon tombeau, s'étirer et se détacher pour commencer enfin sa chute vertigineuse pour accomplir sa destinée, percuter le sol qui mettra fin à sa forme originelle, ma seule distraction dans un silence de mort. L'air qui m'entoure est sec et doux, une légère odeur de renfermé et d'urine me parvient dans ce qu'il reste de mon nez. J'ai soif, ma langue, ma bouche, mon gosier sont asséchés, seuls persistent en moi ce goût de métal et cette odeur de sang coagulé. Chaque crise de toux est un supplice, chaque fois que je déglutis, une centaine de lames de rasoir passent dans ma trachée. Pieds et point liés, je ne peux bouger, mes membres sont attachés avec du fil de fer barbelé à une chaise d'acier. Malgré toutes les souffrances que j'endure depuis des heures que j'ai arrêté de compter, c'est la dureté de cette chaise qui est mon bourreau, mon supplice, alors que mes fesses sont les seules parties de mon corps épargnées jusqu'alors par mon tortionnaire.

Dans le couloir qui mène à ma geôle, des voix se font entendre et elles m'annoncent que la deuxième partie du spectacle dont je suis l'acteur principal va commencer. J'ai décroché le rôle du supplicié, casting qui va me faire monter les marches de Cannes en sens inverse, tapie rouge en rivière de sang. La lueur timide au bas de la porte qui éclaire ma pénombre se muet en lumière étincelante. Il me faut quelques secondes pour m'habituer et regarder la silhouette postée sur le seuil de la porte.

– J'ai de l'eau avec moi Max, tu as soif ?

L'artisan de ma souffrance est de retour avec moi dans le noir, mais ce n'est pas lui que je veux voir émerger de la lumière.

– La caisse et le magot Max, c'est tout ce que l'on veut. Tu n'as pas envie de crever dans cette cave à la con ?

– Je te l'ai déjà dit connard, c'est à ton patron que je le dirais, à Benbarka lui seul.

– Tu sais, il n'est pas réputé pour être un homme clément, ni homme à laisser des témoins et surtout en ce moment. Mais si tu insistes, c'est ta vie après tout.

Une deuxième ombre se glisse dans la lumière, la récompense de mon sacrifice, enfin.

Assis sur cette foutue chaise qui me sert de trône, je fais face enfin à l'homme avec qui je partage mon royaume. Le souverain que je suis et qui ne règne sur rien de plus qu'un pavé n'a pas fière allure. La fierté on ne pourra jamais me l'enlever, l'aspect par contre, Patrice s'en est chargé. Tout comme il s'est chargé de m'enlever devant le Kameleon. J'ai mis la clef dans la serrure, une voiture s'est arrêté, je n'ai pas eu le temps d'ouvrir la porte blindée pour mis réfugier.

Mais enfin il est là, sur le pas de la porte de cette cave à me regarder. Il tire sur cette cigarette qui laisse s'échapper une fumée épaisse qui dance et vole sous la lumière, la scène de Marla dans Fight Club me vient à l'esprit.

L'instant théâtral un brin angoissant pourrait faire son effet, il est comme cet acteur qui fait une entrée tonitruante en pleine représentation créant la stupéfaction sur l'auditoire. Mais moi j'ai anticipé ce moment, en coulisse j'ai fait ma diva pour que l'on change le scénario.

Ce n'est pas avec son homme de main que je voulais passer un agréable moment ou de force j'ai été convié, mais avec lui, un tête à tête m'aurait suffi.

Même si j'avais les mains détachées, je ne lui ferais pas l'honneur de l'ovation.

Alors je souris à l'homme qui a raté son entrée, c'est la seule manière que j'ai trouvée pour lui faire part de mon sentiment sur sa grotesque parodie.

Memento MoriWhere stories live. Discover now