Memento Mori

SMILEY 🙂AND FRIEND'S

Cela fait des mois que l'on ne s'est pas revu. Après Kapisa, ils sont directement repartis en opération en Côte d'Ivoire pour stopper les manifestations anti-françaises à Abidjan. C'est toujours un grand moment de revoir ses frères d'armes, avec qui tu as souffert et pleuré, partagé les bons moments comme les mauvais, beaucoup ne peuvent comprendre ce qui nous unit. Ils sont une partie de moi. Ils ont sculpté l'homme que je suis.
Le rendez-vous est pris. Ce sera à la gare de Lille Flandre pour le point de départ d'un week-end de fête à la frontière belge.
J'arrive enfin dans la vieille gare, au terme d'un voyage qui a duré une éternité. J'attendais ce moment depuis bien trop longtemps. Je suis un enfant qui trépigne d'impatience comme s'il avait envi de pisser.
Je pose le pied sur le quai, et entant au loin le hurlement d'un « Orang Outan » si familier à mes oreilles. C'est le cri de ralliement que l'on a toujours utilisé, perdu dans une forêt dense ou au milieu d'une faune humaine comme aujourd'hui. Je cherche des yeux le primate. Alex est perché sur un poteau au bout de la gare. Tout le groupe me cherche avec une main sur le front perdu au milieu du ressac. Je suis heureux. J'en ai profité pour laisser le poids qui me pesait sur le ventre dans le TGV, je le récupérerai aux objets trouvés.
Ils ont tous les cinq quitté l'armée. Nouveau chef de section et nouvelle affectation auront eu raison de leurs engagements.
Alex donne des cours de sport particuliers dans les beaux quartiers de Paris, c'est ce qu'il a toujours voulu faire, il nous a gonflé pendant des années avec ça.
Olive est représentant pour une société d'outillage. ça a l'air de plutôt bien marcher. Il a le talent de savoir vendre tout et n'importe quoi, il pourrait fourguer du sable dans le désert à un bédouin. Jérem travaille dans la sureté des centrales nucléaires. The planque. C'est grassement payé et il n'en glande pas une, le paradis pour lui.
Panda m'a dit qu'il bricolait un peu dans le château familial. Ils possèdent un vin de Bordeaux magnifique. Il me raconte qu'il bosse un peu pour se justifier, mais je sais qu'il en pas besoin. Il est bien plus motivé par les sorties nocturnes et les drogues synthétiques qu'autre chose.
Et Stéphanie....elle aurait pu faire une grande carrière dans l'armée, et sans vergogne utiliser ses atouts pour gravir les échelons. Mais elle a choisi le privé. Le renseignement industriel plus précisément. Le secteur est en plein boum, la guerre économique a pris le pas sur les guerres conventionnelles. Je pensais bien qu'elle n'avait pas beaucoup changé, la vie civile l'a embelli, elle est toujours aussi sexy.
Nous voilà enfin réunis. Nous nous embrassons, et c'est enlacés que nous sortons de la gare pour prendre la direction du premier bistro qui croisera notre chemin.

– Ce bon vieux Max. Quel plaisir de te voir ! Tu nous as manqué en Côte d'Ivoire. On était  rassurés de te savoir en bonne santé. On s'est bourré la gueule pour fêter ça, me dit Alex.
– J'ai fait deux semaines de coma et je suis encore en rééducation. Mais bon, j'ai maintenant tout récupéré et contrairement à d'autres, je m'en sors bien.
– Je te revois courir vers moi Max. Et mon Dieu cette explosion ! J'ai bien cru ne plus jamais te revoir, me dit Stéphanie les yeux troublent d'émotion.

Je la prends dans mes bras. Ça fait longtemps que je n'avais pas senti son odeur, ressenti sa chaleur. Si au départ mon intention était de la consoler, je dois avouer que c'est surement moi qui en ai le plus besoin.

– Buvons pour ceux qui ne sont plus là, buvons pour leurs familles, dit Jérem, sa vodka Redbull à la main.
– T'as raison Jérem, buvons pour eux. Et d'ailleurs en parlant de boire, tu es patron de discothèque maintenant ?

Olive, ce mec ne perd jamais le nord. La fête et le business, voilà ses seules motivations dans la vie. Je me suis toujours demandé ce qu'il était venu foutre dans l'armée, sans compter que lui aussi, les femmes, il a du mal à s'en passer. Il ne me donnera jamais la vraie explication. Stéphanie est toujours collée à moi. On peut maintenant braver cet interdit, nous n'avons plus à nous cacher. Notre proximité n'a jamais été un secret pour nos amis, notre relation ambiguë par contre, a toujours été un mystère pour eux. Mais ce qui autrefois se faisait dans la discrétion, fait sourire nos compagnons qui ne nous ont jamais vus d'aussi prêts.