CHAPITRE 1 : L'ANTRE DES SORCIERES

86 17 36
                                    

	La lueur des gyrophares colorait en rouge et bleu l'intérieur du salon

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

La lueur des gyrophares colorait en rouge et bleu l'intérieur du salon. Alma était recroquevillée sur le canapé, son casque sans musique sur les oreilles. Elle avait les yeux rivés sur ce qui se passait derrière les vitres, de l'autre côté du canal. Plus d'une heure qu'elle était rentrée, plus d'une heure qu'elle ne pouvait s'enlever de la tête les images du corps de sa mère flottant dans l'eau verte du canal. Les larmes dévalaient ses joues. Elle ne prenait même pas la peine de les essuyer. Tout à l'heure, tatie Bea lui avait tendu la boîte de mouchoirs. Alma n'avait pas bougé. Alors Bea l'avait posée sur un des coussins à côté d'elle, et s'était réfugiée dans le jardin.

Le jardin, c'était le refuge de tatie Bea quand elle voulait leur fausser compagnie. Sans elle, il aurait été en friche, abandonné par les autres occupantes de la maison. Mais quand Bea était triste ou contrariée, elle soignait son malheur en dorlotant ses plantes.

Chacune des membres de la famille Van Herzen avait son moyen de s'échapper. Les notes qui parvenaient depuis le premier étage témoignaient que Merel s'acharnait sur le morceau qu'elle préparait pour entrer au Conservatoire de Bruxelles. Hedy était probablement en train de prendre une interminable douche brûlante. Et tatie Gabriëlle faisait les cent pas entre la cuisine et le salon, au grand déplaisir d'Alma.

Elle aurait aimé s'enfermer seule dans une pièce, pouvoir ruminer son chagrin et regarder par la fenêtre les policiers qui s'activaient sur le quai d'en face. Mais la chambre qu'elle partageait avec Merel était déjà occupée. La salle de bain et le jardin aussi. Ne restaient que les toilettes, la cave, ou le bureau d'Aleida, qu'il valait mieux éviter sous peine de se faire assommer par les objets qui volaient dès que quelqu'un entrait dans la pièce. Ou encore la chambre d'Eleonora, mais Alma n'était pas prête à ouvrir la porte de la chambre de sa mère et à réaliser qu'elle ne foulerait plus jamais le parquet de la maison.

Alors elle restait dans le canapé, son casque sur les oreilles pour couvrir le bruit agaçant des pas de Gabriëlle derrière elle. Sans la voir, Alma savait comment se tenait sa tante. Droite comme un piquet, avançant à grandes enjambées, une expression faciale impénétrable. S'il y avait bien une chose qui ne changerait pas après la mort d'Eleonora, ce serait bien le comportement de tatie Gabië. Si Eleonora était celle qui arrivait à fédérer toute la famille – ce qui n'était pas toujours facile –, Gabriëlle était celle qui les dirigerait d'une main ferme, sans tolérer de compromis.

Penser à sa mère fit revenir les images insidieuses. Eleonora, étendue dans l'eau, éclairée par le faisceau de la lumière du téléphone d'Alma, et sa peau bleuâtre qui contrastait avec le rouge écarlate de la robe dont elle était vêtue. Un haut-le-cœur lui échappa. Elle s'était toujours vantée de conserver son sang-froid en toutes circonstances, mais ce n'était plus vrai.

Un changement de lumière dehors l'interpella. Une des voitures de police était en train de repartir. En même temps, une silhouette traversait le pont qui enjambait le canal et menait tout droit à la maison des Van Herzen.

Les sorcières ne se noient pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant