7. Fin de soirée

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SETHY

L'élancement dans ma mâchoire me rappelle que je serre les dents un peu trop fort depuis dix minutes. J'ai échoué. Je ne suis pas capable d'empêcher mes souvenirs de revenir en force et ça me fout dans une rage pas possible.

A partir de cette fameuse rentrée des classes, Hazel et moi nous sommes mis à nous mépriser violemment. Alors que jusqu'ici je parvenais à ignorer à peu près tout le monde, sa simple existence m'agaçait et je ne pouvais m'empêcher de ressentir un petit malaise lorsqu'il apparaissait devant moi.

Hazel était tout ce que je détestais chez un être humain : bruyant, capricieux et colérique. Il ne se passait pas une semaine sans que ses coups d'éclat n'interrompent les cours, l'envoient chez le proviseur ou le fassent exclure quelques jours. Il était incapable de tenir en place et acceptait mal toute forme d'autorité. Je ne supportais pas ses rires gras et son ton moqueur, sa coiffure ridicule me donnait envie de le balancer dans l'océan, ses remarques provocatrices me mettaient hors de moi. Je le trouvais pitoyable. Profondément et irrémédiablement pitoyable.

A chaque fois que nous nous croisions, son regard se faisait dédaigneux et ses lèvres se tordaient en un petit sourire narquois. Son jeu préféré était d'essayer de me faire sortir de mes gonds : il tenta les insultes, les coups bas et les fausses rumeurs. Il se mit même à me bousculer dans les couloirs et à tout faire pour déclencher une bagarre. Mais mon jeu préféré, à moi, était de rester parfaitement impassible, parce que je voyais bien que cette absence de réaction de ma part l'énervait au plus haut point.

Personne n'osait s'opposer à Hazel et il ne laissait personne indifférent. Mais parce qu'il ne tirait de moi que dégoût et mépris, il ne me lâchait pas. Alors je l'ignorais davantage. Parce qu'au fond, il avait beau m'agacer, Hazel n'était qu'une poussière de plus dans ma vie. Qu'importe le sport ou la matière, j'étais bien plus fort que lui. Quel que soit le domaine, je l'écrasais lamentablement et je savais très bien qu'il me haïssait pour cela.

J'étais sa Némésis.

— Seth, on est arrivé.

Je sors de la voiture derrière Hans et nous nous dirigeons vers l'Ozone. De jour, l'endroit ressemble juste à un vieil entrepôt délabré dont les murs auraient besoin d'un bon coup de kärcher. Le propriétaire nous attend devant, les bras croisés sur la poitrine et une clope au coin des lèvres. Ses cheveux gominés plaqués en arrière et ses lunettes de soleil lui donnent l'air d'un mafieux sorti tout droit d'un mauvais film des années cinquante.

Lorsqu'il nous aperçoit, il esquisse un pas dans notre direction puis crache son mégot au sol.

— Faites vite, cingle-t-il d'une voix enrouée. J'ai une soirée à organiser et vous me faites assez perdre de temps comme ça.

— Tout dépend de votre coopération, monsieur Bariva.

Laissant Hans prendre les rênes de l'interrogatoire et suivre le faux mafieux dans son bureau, j'en profite pour faire un tour de la boîte qui ne paye pas de mine ainsi éclairée par les rayons blafards du soleil. A l'entrée, un long escaliers descend vers ce que je suppose être la piste de danse principale. Des affiches de vieux groupes de rock sont placardées sur les murs et un grand comptoir se situe près de l'entrée. Çà et là, des tables en bois massif sont disposées pour accueillir les fêtards et une petite estrade est montée au fond de la pièce, sûrement afin de permettre à des groupes de se produire.

Un rictus déchire mes lèvres à la simple imagination de ce à quoi peut ressembler un groupe de musique local. Sûrement un ramassis d'ivrognes qui a compris que gratter trois sons sur une guitare leur permet d'avoir des bières gratuites.

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now