59. Andreï Baranov

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SETHY


Baranov possède un visage dur, sillonné de rides sur le front et au coin des yeux. Son regard est violent, presque meurtrier, et sa mâchoire saille sous sa barbe rasée de près. Il faut le reconnaître : l'homme prend soin de lui. Ses cheveux sont minutieusement plaqués en arrière et sa chemise noire est retroussée au niveau des manches, laissant apparaître des avant-bras tatoués maculés de sang.

Lorsque Hans et moi pénétrons dans la salle d'interrogatoire, ses yeux verts se font tranchants comme un poignard et j'y vois toute la fureur d'un homme pris au piège. Parfait. Cette vision me procure une joie malsaine que je compte bien alimenter en l'enfonçant un peu plus dans sa misère.

Cependant, un détail vient ternir cette détermination. Alors que je m'efforce d'adopter une attitude strictement professionnelle, je ne peux m'empêcher de songer au fait que cet homme a eu Hazel, que pendant trois ans il a été son amant et a abusé de son corps. En plus d'être ridicule, cette pensée est inutile et je ne peux me permettre de laisser mes émotions s'immiscer dans mon enquête. Ce n'est pas le moment.

- Bon, je ne vous demande pas si vous savez pourquoi vous êtes là, commence Hans en ouvrant son carnet sur la table. Trafic de drogue, proxénétisme, complicité de meurtres... Vous aimez accumuler les chefs d'accusation à ce que je vois.

Le ton abrupt et peu conventionnel de mon collègue me surprend mais dans le bon sens. En réalité, je suis ravi qu'il ait opté pour cette option ; je ne me voyais pas rester gentil et poli avec Baranov durant tout l'interrogatoire.

- Elle est où ?

Le ton de notre homme est grave, rocailleux, et sa façon de s'adresser à nous rappelle qu'il s'agit d'un gars qui a l'habitude de se faire obéir.

- Sous bonne garde, interviens-je en plongeant mon regard dans le sien. Le temps d'être transférée dans une jolie petite cellule.

Les yeux verts me choquent une fois encore par leur agressivité.

- Envoie-la en prison et c'est la dernière chose que tu feras de ta vie, m'annonce-t-il d'une voix calme et pourtant lourde de menaces.

- Je ne suis pas sûr que menacer un flic soit la meilleure idée que tu puisses avoir maintenant. T'es au courant qu'on vient de te surprendre en train de massacrer un gars ?

- Il est mort ?

- Pas encore.

- Bien. Je pourrai l'achever moi-même.

L'impassibilité de l'homme m'intrigue. Son corps a beau exhaler une violence extrême, ses traits restent figés, ses mains calmement posées sur la table. Seuls ses yeux semblent nous déchiqueter de la pire des façons.

- Et si tu commençais par nous parler un peu de ta relation avec Bariva ? lance Hans en tapotant le bout de son stylo contre son carnet.

- Il n'y en a plus. C'est un homme mort.

- Pourquoi lui avoir confié la garde de Selena si tu ne lui faisais pas confiance ?

- Ce n'est pas une question de confiance, gronde Baranov, mais une question de respect. De sens de l'honneur. Et ce fils de pute l'a trahi.

- On dirait bien que tout le monde n'est pas aussi soumis à son boss que toi.

Le concerné retrousse ses lèvres en un affreux rictus et je ne peux empêcher un frisson de remonter le long de ma colonne.

- Je ne sais pas si tu as bien compris qui est mon boss justement, sourit-il méchamment. Est-ce que tu sais seulement ce qu'il va te faire si tu coffres sa fille ?

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now