24. Société-écran

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SETHY

— C'est bon, on a retrouvé Bariva ! Ce con s'est arrêté chez son frère. C'est fou ce que les gens peuvent être stupides parfois !

Je hoche mécaniquement la tête en observant Hans brancher son chargeur sous le bureau. La nouvelle devrait me ravir, mais en réalité, je ne suis plus capable de ressentir quoi que ce soit depuis deux jours. Une seule image hante mes pensées : celle de Hazel contre ce rocher, frêle silhouette ballottée par les éléments, tandis que je m'enfuis lâchement loin de lui.

Elle m'est insupportable, cette image qui semble imprimée derrière mes paupières. J'aimerais pouvoir retourner dans le passé et effacer tout cela, retrouver Hazel et le serrer dans mes bras, le frapper et ne l'avoir jamais rencontré. Tout se mélange dans ma tête et je suis conscient que cela affecte mon implication dans l'affaire.

— Je vais aller l'interroger, tu veux m'accompagner ?

Je capte le regard insistant de Hans et secoue négativement la tête. Je suis incapable de me concentrer ; inutile que je l'encombre de ma présence.

Pourtant, au lieu de quitter la pièce, mon collègue tire une chaise et s'assoit face à moi, les avant-bras posés sur le bureau.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? me demande-t-il d'une voix posée.

Je contracte ma mâchoire. Je n'ai aucune envie d'en parler.

— Écoute Seth, j'ai toujours respecté ta vie privée, mais là, ça dépasse le cadre personnel. T'étais où avant-hier ? Pourquoi tu t'es cassé comme un fou furieux avec Bartels ?

— Il a parlé à Vic, grincé-je entre mes dents.

— Et ?

— Et il n'a pas le droit.

Hans pousse un profond soupir et se pince entre les sourcils. Je devine qu'il essaie de contrôler l'exaspération qu'il ne manque pas de ressentir à mon égard, mais je ne parviens même pas à lui en être reconnaissant.

— Va falloir que tu mettes les choses au clair avec ce gars. Tu peux pas te permettre de faire des coups d'éclat comme tu l'as fait avant-hier. On a une enquête à boucler. Un meurtrier à arrêter. Une gamine à venger.

— Ça va, je sais, épargne moi tes grands discours.

Mon ton est acerbe mais je sais qu'il a raison. Seulement, je ne me vois pas aller toquer chez Hazel et me présenter comme une fleur devant lui pour lui demander s'il veut bien qu'on soit copains. Quel ridicule...

Hans soupire à nouveau avant de ramener les bras contre sa poitrine.

— Bref, règle ce problème rapidement. Je vais interroger Bariva. Toi, rends toi à la technique, je crois que les gars ont trouvé à qui correspondait le numéro dans le portable de Leila.

Sur ce, il se lève avec nonchalance puis attrape son PC qu'il coince sous son bras. Alors qu'il s'apprête à sortir du bureau, il me lance un dernier regard derrière son épaule et m'adresse un petit rictus narquois.

— Et par pitié, essaie de dormir la nuit. T'as une gueule à effrayer un zombie.

***

— Le numéro est localisé à Prague, dans le quartier de Malá Strana. La propriétaire est une certaine Maria Krausová, propriétaire de Consultant Axe, une société de conseil en finances qui s'est développée à une vitesse fulgurante ces dernières années. Un peu trop vite si tu vois ce que je veux dire.

— Tu penses à de l'argent blanchi ?

— Je pense carrément à de l'argent blanchi. La boîte a des succursales dans plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne et la France, et je peux te dire que les affaires marchent ! Près d'un million d'euros le mois dernier. Mais c'est pas tout. J'ai fait des recherches et j'ai découvert qu'il y a notamment une société d'import export nommée Traffic Insurance à laquelle elle a facturé de nombreux services. Pour être plus précis, c'est auprès des partenaires de cette dernière que Consultant Axe est intervenu et c'est à partir d'eux que j'ai pu remonter à la société-mère. Cette dernière est basée à La Barbade et semble être le point de départ d'un nombre monstrueux de transactions à travers l'Europe. Le problème, c'est que Traffic Insurance a été ouvert sous un prête-nom et qu'il est impossible non seulement de découvrir le véritable propriétaire, mais également l'origine des investissements de départ.

Raz de marée [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant