56. L'ange

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SETHY


Elle est là. A quelques pas de moi. Enfermée dans cette petite salle oppressante qui sent le renfermé. Seule. Seule avec ses pensées et sa conscience. Mais quelle conscience ?

Lorsque j'ai débarqué dans son appartement en fin de matinée, elle n'a pas semblé surprise de me voir. Elle n'a même pas bronché. Elle s'est contentée de relever sa tête de son bol de céréales et de m'adresser un petit sourire poli, presque indulgent. Puis, alors que nous roulions en direction du poste, elle s'est mise à chantonner et à admirer le paysage par la fenêtre. Comme si de rien n'était. Comme si elle n'avait pas assassiné une jeune femme quelques semaines auparavant.

J'ai bien sûr immédiatement envoyé un message à Hans qui doit arriver dans la soirée. Mais en attendant, c'est à moi de l'interroger.

- Un café avant de passer à l'attaque ?

Je tourne la tête vers Ivan qui vient de s'appuyer contre le chambranle de la porte. Le gamin porte ses éternelles lunettes proéminentes et tient une tasse de café dans la main.

- Volontiers.

J'attrape la tasse et en avale le contenant d'une gorgée. En ce jour de Noël, personne n'a daigné foutre un pied au commissariat à part nous. Quand j'ai débarqué avec la fille et l'ai emmenée en cellule d'interrogatoire, les couloirs étaient plus silencieux que ceux d'une morgue. J'ai d'abord cru que j'étais seul avant que les bouclettes et le nez retroussé d'Ivan ne s'invitent dans mon bureau. Il m'a ainsi appris que deux collègues étaient partis patrouiller et l'avaient laissé seul ici pour prendre les appels. Je ne le dirai jamais assez, mais ce petit gars gâche son talent en restant dans une ville comme Marbourg.

A défaut de personnel, je lui ai proposé de m'assister durant l'interrogatoire. Histoire de prendre des notes. Et qui sait, peut-être que son jeune âge lui permettra de mieux cerner notre suspecte.

Je me décide enfin à pousser la porte de la cellule et la retrouve dans la même position que lorsque je l'ai quittée : assise bien droite, les mains croisées sur la table et le regard rivé au plafond, comme si elle cherchait à en retenir la moindre aspérité.

Ivan et moi nous installons en face d'elle et elle consent enfin à tourner la tête vers nous.

- Je m'excuse pour le temps d'attente, nous allons pouvoir commencer, déclamé-je d'une voix calme. Nous allons donc vous interroger une nouvelle fois dans le cadre de l'enquête portant sur le meurtre de Leila Amari. Je vous rappelle que vous avez le droit de garder le silence et de faire appel à un avocat.

Je m'arrête un instant pour obtenir l'assentiment de la fille mais cette dernière se contente de me fixer droit dans les yeux.

- Bien, et si vous commenciez par décliner votre réelle identité ?

Olga Schimdt esquisse un petit sourire et penche légèrement la tête sur le côté.

- Vous la connaissez, inspecteur. Vous m'avez interrogée à l'Ozone, vous vous souvenez ?

- En effet. Mais tout porte désormais à croire que l'identité que vous avez alors déclinée est fausse.

- C'est pourtant bien mon nom et mon prénom.

- Je vois... Et le nom de Selena Gouriev ne vous dit rien ?

- Non monsieur, c'est une amie à vous ?

L'insolence de sa réponse est évidente et pourtant, la jeune fille n'a pas bronché, elle conserve son air calme et indulgent.

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now