38. David et Goliath

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SETHY

— La première mention de Till Ebner remonte au trois juin deux mille vingt, récite Hans en croisant son pied droit sur son genou gauche. Il avait loué une chambre d'hôtel à Hambourg et il s'est fait dégager pour tapage nocturne. Le dossier comporte très peu de précisions, mais apparemment les voisins étaient furieux. Ils ont voulu traîner l'affaire en justice, mais ça n'a pas abouti. Je vois pas pourquoi un simple tapage devrait aller jusque-là...

Les bras croisés sur la poitrine, je rejette ma tête contre le dossier du fauteuil dans lequel je suis affalé depuis une heure et tente de réfléchir. Cela fait deux jours que nous essayons de récupérer toutes les informations qui existent sur Till Ebner, mais ce fils de pute est discret. A part quelques réservations d'hôtel à son nom en deux mille vingt et un appartement loué en deux mille vingt-deux à cinquante kilomètres de Marbourg, nous n'avons rien. Absolument rien. Et ça me rend complètement barge.

Putain, personne ne possède donc une foutue information sur ce type ?

— Il était seul ? demandé-je à mon collègue qui enfourne la dernière bouchée de son sandwich dans sa bouche.

— Che chais pas, baragouine ce dernier. La réchervachion est à chon nom.

Il daigne enfin avaler puis repose le dossier sur le bureau.

— Il a réservé une chambre pour deux, mais aucun autre nom ne figure sur la réservation, précise-t-il.

— Et je suppose que personne ne l'a vu accompagné.

— Non. Surtout que ça remonte à trois ans, alors autant te dire que les témoins se font rares !

— Et ces voisins qui ont porté plainte pour tapage, t'as leur numéro ? je m'enquiers en pliant distraitement les feuilles étalées devant moi.

— Franck est en train de négocier avec l'hôtel pour l'avoir. Mais je ne garantis rien.

— Je peux pas croire que personne ici ne connaisse ce type, marmonné-je entre mes dents.

Le visage de Hazel apparaît furtivement dans mon esprit et je me mords l'intérieur des joues pour l'en chasser. Le connaît-il réellement comme je le crois ? Devrais-je aller le voir et user du chantage affectif pour lui tirer les vers du nez ? Hum... Cette option me rebute au plus haut point.

— Il y a une seule mention de lui à Marbourg, continue Hans en se levant pour aller se faire couler un café. Le quatre février deux mille vingt-trois, il a fait réparer sa voiture au garage Bauer, situé au Nord de la ville. Il concurrence le garage où travaille Thomas Koch, le gamin qu'on a soupçonné au début de l'enquête et... Sethy, ça va ?

La mâchoire contractée à l'extrême et le souffle bloqué en travers de la gorge, je reste figé, anticipant avec une certaine inquiétude la réponse à la question que je m'apprête à poser.

— Le garage Bauer... Tu peux me dire le nom du proprio ? demandé-je d'une voix que je m'efforce de rendre neutre.

— Voyons voir... Karl Bauer, trente-huit ans, ancien de la marine, débite Hans en fouillant dans son dossier. Il a fait trois ans de prison pour braquage à main armée, mais il est sorti en deux mille dix-huit et depuis, il tient un garage qui marche plutôt bien si j'en crois les chiffres.

Mon poing se serre contre ma cuisse et une colère sourde agite mes entrailles. Évidemment. Parmi tous les Bauer qui vivent en Allemagne, il fallait que ce soit ce connard.

— Encore un ami à toi ? raille Hans.

Je lui jette un regard glacial et il se met à ricaner.

— Plutôt un bon pote de Bartels, me contenté-je de répondre.

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now