60. Dernier exutoire

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SETHY


Hans referme son ordinateur et pousse sur ses pieds pour faire rouler sa chaise jusqu'à la machine à café. Je peux voir sur son visage la satisfaction du travail bien accompli et l'excitation du départ. Demain, nous quittons Marbourg et il pourra retrouver sa famille. De quoi plaquer un grand sourire sur sa tronche d'abruti.

- Je t'invite au resto ce soir ?

Mon collègue pousse cette fois contre le mur pour revenir au bureau, café à la main. Je regarde par la fenêtre.

- Non, j'ai autre chose de prévu.

- Vraiment ?

L'air interrogateur de Hans m'arrache une grimace et je décide de ne pas répondre. Autre chose de prévu, oui... Comme errer dans les rues telle une âme en peine, ressasser mes souvenirs douloureux et m'abandonner à cette mélancolie qui me colle à la peau depuis la résolution de l'enquête. Peut-être que partir est une bonne chose finalement, cela m'obligera à m'extirper de cet état morose et à me changer les idées.

L'heure venue, Hans et moi faisons le tour des derniers collègues encore sur place pour leur dire au revoir. La veille, un pot de départ a été organisé pour nous, mais apparemment, la convention sociale veut que je réitère mes adieux aux personnes présentes. En réalité, je pense que la plupart des gars sont contents de nous voir partir. En plus de leur avoir volé la vedette, on ne peut pas dire que nous ayons été de la plus agréable compagnie. Enfin, surtout moi.

Une fois dehors, j'accueille l'air glacé avec un frisson de délice et prends quelques secondes pour apprécier le vent sur ma peau. Hans remonte le col de son manteau et dévale les marches sans m'attendre. Je pense qu'il a deviné que je vais avoir besoin de temps pour moi, que je risque de retomber dans ce mutisme protecteur qui nous a accompagnés tout au long du trajet vers Marbourg. Je ne parle pas parce que je ne sais pas quoi dire. Je ne parviens pas à mettre des mots sur mes émotions et cela me ronge.

Je finis par rejoindre mon collègue et nous marchons silencieusement jusqu'à l'hôtel. Une fois arrivé, Hans ressort immédiatement pour aller manger et je m'installe dans la voiture sans aucune idée de ce que je compte faire. Mon front s'échoue sur le volant et je pousse un profond soupir.

Au milieu de cette cacophonie d'émotions indistinctes, il y a bien un élément qui se détache du lot : le visage de Hazel. Mais encore une fois, ce constat me fait autant de mal que de bien. Que suis-je censé faire ? Comment dois-je analyser cette obsession que je semble avoir développée pour lui ? Nous ne nous sommes pas revus depuis la nuit que j'ai passée chez lui ; le boulot m'empêchait d'avoir un seul moment de libre et je faisais également tout pour ne pas en avoir. Pour ne pas avoir à penser. Pour ne pas avoir envie de le revoir.

Pourtant, j'ai aimé cette nuit. Bordel, je l'ai tellement aimée que j'ai manqué chaque soir d'aller frapper à sa porte. Mais à quoi bon ? Cela ne ferait qu'aiguiser une douleur déjà bien présente. Bon Dieu, que ces questions m'exaspèrent !

Je tape deux fois mon front sur le volant avant d'allumer le contact d'un geste brusque et me diriger vers le port. D'abord, boire un coup. Ensuite aviser.


***


Mon cœur tambourine dans ma cage thoracique tandis que mon poing s'écrase sur la porte en face de moi. L'adrénaline me brûle les veines et mon estomac est complètement crispé d'anticipation.

Hazel a à peine le temps de sortir la tête dehors que je me rue à l'intérieur et le soulève dans mes bras. Comme s'il m'attendait, il pousse un gémissement de satisfaction qui s'étouffe dans notre baiser et enroule ses jambes autour de ma taille.

Raz de marée [En correction]Kde žijí příběhy. Začni objevovat