29. Les yeux verts

255 41 8
                                    

SETHY

La liste des suspects défile inlassablement sous mes yeux tandis que le soleil se lève à l'horizon. Mes yeux se plissent sous cette soudaine luminosité qui agresse mes pupilles et je consens enfin à faire rouler mon fauteuil jusqu'à la fenêtre pour baisser les stores.

Foutue enquête.

Suis-je vraiment resté éveillé toute la nuit ?

La douleur dans ma nuque me rappelle abruptement que je me suis assoupi quelques heures sur mon bureau et que j'aurais certainement continué à le faire jusqu'à l'aube si un abruti n'avait pas eu la merveilleuse idée de drifter juste devant le commissariat à quatre heures du matin. Bordel, j'ai cru que le meurtrier débarquait pour me régler mon compte.

Un énième soupir franchit la barrière de mes lèvres tandis que ma main s'efforce de masser mes cervicales douloureuses. Quand vais-je apercevoir la fin de cette enquête ?

Face à moi, l'écran de mon ordinateur me nargue sans pitié. Tous les noms qui y sont inscrits se mélangent au point de ne former plus qu'un brouillard incompréhensible. A côté du clavier, une tasse remplie de café froid semble se demander ce qu'elle fout là.

Bon Dieu, ne puis-je pas avoir une illumination ?

Morose, je remonte tout en haut de la liste et clique sur le profil de Leila. Sa biographie – que je connais désormais par cœur – s'affiche devant moi et j'en relis chaque ligne par réflexe. Sans réfléchir, je clique sur le nom de son petit-ami : Jakob Ebner. Je sais que le gamin a un alibi solide mais je ne sais plus quelle piste explorer. Tout en baillant à m'en décrocher la mâchoire, je lis le compte-rendu de sa vie qui tient en trois pages. Rien de fascinant.

Je m'apprête à passer à autre chose lorsqu'une photo de son père attire mon attention. Grand, brun et les yeux d'un vert très vif, l'homme fixe la caméra comme s'il cherchait à en faire exploser l'objectif. Mon doigt se suspend au-dessus du curseur et mes sourcils se froncent. J'ai déjà vu cette gueule quelque part.

L'homme semble âgé d'une quarantaine d'années (quarante-cinq en fait, selon son dossier) et possède un visage dur, accentué par la violence de son regard. Son cou et ses tempes sont recouverts de tatouages et ses cheveux hirsutes lui donnent un air sauvage qui ne semble pas feint. Un détail me chiffonne. Je ne parviens pas à mettre le doigt dessus, mais je suis sûr de connaître ce type, surtout ces yeux verts perçants.

Perdu dans mes réflexions, je me rejette contre le dossier de mon siège en tapotant nerveusement mes doigts sur mon bureau. Till Ebner... Je ne connais pourtant pas ce nom, j'en suis certain. Alors où ai-je déjà vu ce regard inquiétant ?

Soudain, la lumière se fait dans mon esprit et je me lève d'un bond, jurant entre mes dents. Le cœur battant la chamade, je reste immobile quelques secondes, fixant l'écran comme si j'avais vu un revenant.

Aucun doute : c'est lui.

Mais dans ce cas... Mes yeux dérivent impatiemment vers l'horloge accrochée au mur et je fais un rapide calcul dans ma tête. Tant pis, je serai en retard. Ça en vaudra la peine.

Sur cette conviction, j'attrape mon manteau échoué sur le bureau de Hans puis fonce vers la sortie du commissariat.

Je tiens peut-être enfin ma première piste sérieuse.

***

— Bordel, c'est à cette heure-ci que tu débarques ? T'as cru que c'était un bon moment pour prendre des vacances ?

La voix courroucée de Hans retentit dans tout le couloir et j'ai à peine le temps de retirer mes chaussures trempées que mon collègue fait irruption dans mon bureau, l'air passablement agacé.

Raz de marée [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant