57. Lever de rideau

237 36 2
                                    


SETHY


La cabane est une vielle bâtisse croulante dans laquelle les rats ont élu domicile. A peine ai-je ouvert la porte qu'un rongeur s'est précipité entre mes pieds, manquant de me faire sursauter. Je savais très bien que je ne trouverais rien en venant ici, mais il me fallait le faire pour ne pas avoir l'impression d'avoir négligé ma recherche d'indices.

La fouille n'a rien révélé : aucun habit, aucun papier, aucune trace de vie. Rien. Je ne me suis donc pas attardé dans ce taudis empestant l'humidité et me suis mis à faire le tour de la propriété. La cabane se situe au milieu des bois qui s'étendent au nord Marbourg, dans une minuscule propriété privée appartenant au grand-père Ebner. Le terrain est boueux, mal entretenu et défoncé par les roues des moto-cross qui passent par là. J'ignore ce que je cherche à errer ainsi au milieu des arbres : un bout de tissu ? Du sang étalé sur une branche ? Un tel endroit serait propice pour effectuer un meurtre et Olga Schmidt s'y est rendue plusieurs fois ; mon raisonnement n'est donc pas totalement dénué de logique.

J'abandonne cependant les recherches au bout d'une heure pour regagner la lisière du bois et me diriger vers les quelques habitations qui la longent. La banlieue de Marbourg est celle des petites villes côtières : quelques lotissements sans originalité, un ou deux commerces se battant en duel et une grosse route coupant tout cela en deux. J'ai peu de chance de trouver des indices par ici, mais je ne supportais plus de rester au poste et de voir l'heure passer, sachant très bien que lorsque seize heures sonneront, je devrais relâcher la gamine, qu'elle soit innocente ou non.

Maintenant que j'ai pris du recul sur la situation, je me dis qu'avoir choisi l'école de police, il y a vingt ans de cela, n'était peut-être pas la décision la plus intelligente de ma vie.


***


Mes chaussures mouillées crissent sur le sol tandis que je cours jusqu'au bureau. Hans sursaute violemment lorsque j'écrase la porte contre le mur et me dévisage comme si je venais de me transformer en dragon.

- Bouge ton cul, l'invectivé-je en me dirigeant vers les cellules. On retourne interroger la gamine.

- T'as trouvé quelque chose ? s'enquit mon collègue en se levant précipitamment.

- On va voir ça.

La fille ne bronche pas lorsque nous ouvrons la porte de sa cellule. Assise en tailleur sur son lit, elle lève les yeux vers nous et nous adresse son éternel sourire indulgent qui me donne envie de la fracasser contre un mur. Adolescente ou pas.

Elle se laisse docilement conduire jusqu'à la salle d'interrogatoire et prend place en face de nous. Je devine immédiatement qu'elle sait dans quelle situation nous nous trouvons et que cet entretien est le dernier que nous pourrons avoir avec elle. Au fond de ses grands yeux verts d'habitude si impassibles brille désormais une petite lueur de victoire que je vais me faire un plaisir d'éteindre.

- Combien de mois ? lancé-je de but en blanc, tentant de réprimer le tremblement d'excitation qui menace d'agiter mes mains.

La jeune fille penche doucement la tête sur le côté et lève un sourcil interrogatif.

- Je ne comprends pas votre question, sourit-elle. Vous...

- Le bébé. Depuis combien de temps tu sais que tu l'as ?

Je sens Hans tressaillir à mes côtés. Face à nous, le visage d'Olga s'est décomposé et une violente émotion vient de déchirer son masque de cire. Cela ne dure qu'une seconde, mais c'est suffisant. Son impassibilité ne me trompera plus.

Raz de marée [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant