37. Libre à tout prix

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SETHY

Une vraie tête de con.

Voici quelle a été ma première pensée lorsque Jakob Ebner est entré dans le commissariat puis s'est avancé vers moi de sa démarche condescendante. Quel âge exactement ce gamin pense-t-il avoir pour pouvoir me prendre de haut et me dévisager avec un tel dédain ? Je ne sais s'il est utile de le préciser, mais il est majeur : une bonne droite dans sa gueule ne m'attirerait donc pas tant d'ennuis que ça. Et je continue à envisager sérieusement cette éventualité en le voyant désormais promener son regard contempteur dans chaque coin de mon bureau.

Peut-être que froisser sa chemise parfaitement repassée suffirait à le faire sortir de ses gonds ? Quel dommage que je n'aie plus douze ans et que ce genre d'actions spontanées ne puisse être excusé par l'impétuosité de la jeunesse.

— Monsieur Ebner, commencé-je pour couper court à mes pensées ridicules, si c'est bon pour vous, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre père.

Le concerné hausse un sourcil moqueur avant de rabattre ses cheveux blonds en arrière d'un air suffisant.

— Je pense pas qu'il y ait quoi que ce soit d'intéressant à dire sur lui, rétorque-t-il en grimaçant.

— Nous allons voir ça, répliqué-je en indiquant d'un geste de la main la chaise qui me fait face.

Le gamin s'y laisse choir de mauvais gré puis croise immédiatement les bras sur sa poitrine dans une posture défensive purement immature. J'empêche un rictus narquois de retrousser mes lèvres et attrape le dossier qui trône sur le bureau.

— Bon, je vais vous éviter les formalités puisque c'est la deuxième fois que l'on recueille votre témoignage dans le cadre de cette enquête. Cette fois, j'aimerais m'intéresser à Till Ebner. Vous confirmez bien qu'il s'agit de votre père ?

— Malheureusement, crache le gamin avec dégoût.

— Pourriez-vous me parler un peu de votre relation avec votre père ? J'ai cru comprendre qu'il a été absent une longue partie de votre vie...

— Déjà, arrêtez de dire que c'est mon père, je le considère pas comme ça, grince Jakob entre ses dents. Ce connard s'est barré quand ma mère était enceinte, il a jamais été là pour nous.

— Et il ne vous a jamais donné de nouvelles durant toutes ces années ?

— Non. Je vous ai dit que c'était un connard. Je savais même pas à quoi il ressemblait avant qu'il revienne, et j'ai jamais voulu le savoir.

— Il est revenu il y a trois ans, c'est bien ça ?

— Ouais.

— Vous a-t-il expliqué la raison de son retour ?

— Qu'est-ce que vous croyez, qu'il a pris le temps de jouer au père modèle ? ricane le gamin en se rejetant contre le dossier de sa chaise. Il est sûrement revenu parce qu'il s'est foutu dans la merde ailleurs. Il est passé voir ma mère un jour où j'étais en cours. Je suis sûr qu'il a fait exprès pour pas me croiser. Sauf que, malheureusement pour lui, je suis rentré plus tôt, et j'ai de suite capté de qui il s'agissait ! Croyez-moi, j'aurais pu le tuer !

— Vous avez eu le temps de parler avec lui ? je m'enquiers en suspendant mes doigts au-dessus du clavier de mon ordinateur.

— Vous m'écoutez quand je vous parle ? m'attaque Jakob d'une voix dure. Je vous ai dit que je voulais rien à voir avec lui ! Dès que je l'ai vu dans le salon, je l'ai dégagé d'ici ! J'étais hors de moi, je voulais le détruire ! J'étais tellement en colère que j'ai hurlé sur ma mère et je l'ai engueulée de l'avoir laissé rentrer chez nous !

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now