41. Avis de tempête

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HAZEL

Les rafales de pluie lacèrent les vitres au point de brouiller ma vision.

A travers cette masse grise et compacte, j'avise les nuages noirs qui s'amoncellent au-dessus des flots. Mes lèvres se tordent. L'orage qui s'annonce va être impitoyable.

J'ose un coup d'œil vers Sethy qui a le regard rivé sur la route, bien que je ne sois pas persuadé qu'il la voit réellement. Ses cheveux ébènes tombent au-dessus de ses yeux et son teint livide trahit l'angoisse qui le ronge. J'aimerais pouvoir le serrer contre moi pour le rassurer. Je ne peux que l'imaginer.

Soudain, il engage la voiture dans un petit renfoncement et se gare brusquement, ignorant les bourrasques qui vont dangereusement tanguer le véhicule vers le bord de la falaise. Je me refuse à faire un commentaire et m'extirpe hors de l'habitacle. Aussitôt, le vent m'assène une gifle foudroyante constituée de milliers de petites gouttelettes salées aussi piquantes que des aiguilles.

A quelques mètres devant nous, la falaise tombe à pic dans la mer et les vagues s'écrasent dans un fracas tonitruant sur les rochers en contrebas. Malgré moi, la peur m'étreint l'estomac et je prie silencieusement pour que le gamin n'ait pas été se foutre dans un pétrin pareil.

Un bras en travers du front pour me protéger des attaques du vent, je m'avance vers les ruines du phare qui forment un amas inquiétant au bout du chemin. Prudemment, je les contourne et m'approche du bord dont les roches glissantes pourraient à tout moment me projeter trente mètres plus bas. Là, je m'agenouille pour regarder en contrebas, priant silencieusement pour ne pas apercevoir un corps disloqué au pied de la falaise. Combien de personnes ont déjà stupidement perdu la vie comme ça ? Mais non. Rien.

Je sens la présence de Sethy dans mon dos, mais décide de l'ignorer pour l'instant, concentrant à la place toute mon attention sur les sentiers qu'aurait pu emprunter Vic.

Qu'aurais-je fait à sa place, en réalisant que le phare que je venais voir était détruit ?

Alors que je fais demi-tour et me rapproche de la voiture, mon regard est attiré par un vieux panneau rouillé qui indique l'entrée de l'ancien chemin des douaniers. Mes poings se crispent contre mes cuisses. J'ai failli crever là-bas un jour, quelques mois après que Sethy ait quitté Marbourg pour continuer ses études.

Au souvenir de mon pied butant contre une roche saillante et de mon corps se projetant dans le vide, je ne parviens toujours pas à savoir si cette chute était un accident ou si j'en rêvais inconsciemment.

Le cœur battant, je dépasse le panneau et descend le long d'un sentier si escarpé qu'il en est presque vertigineux.

Je fléchis les genoux et garde une main plaquée à la paroi glacée pour garder un point d'ancrage – bien qu'inutile si je perds l'équilibre. Le vent continue de me gifler le visage et les rafales de pluie qu'il apporte me cisaillent la peau. Mes yeux balaient difficilement les rochers en contrebas, tentant d'y déceler le moindre indice laissant supposer que Vic soit passé par là.

Alors que, ne remarquant rien d'anormal, je m'apprête à remonter, une strie colorée attire mon regard et je descends trois mètres plus bas pour en vérifier l'origine.

A peine ai-je le temps de poser mes yeux dessus que ma respiration se bloque dans ma gorge et que mon cœur loupe un battement.

- Merde, juré-je entre mes dents avant de m'agenouiller pour m'approcher du bord.

Juste là, échoué sur un minuscule promontoire rocheux, le corps de Vic est replié sur lui-même, seulement vêtu d'une parka jaune trop grande pour lui. Il ne me faut pas deux secondes pour remarquer que sa jambe gauche forme un angle étrange.

Raz de marée [En correction]Where stories live. Discover now